La Thaïlande se prépare à couronner le roi Rama X dans un contexte de plus en plus autoritaire et alors que l’on observe un nombre croissant de violations des droits de l’homme.
La junte militaire, qui a pris le pouvoir du gouvernement civil lors d’un coup d’Etat en 2014, a imposé cette année une constitution qui renforce le pouvoir de l’armée et la monarchie. Les freins et contrepoids si essentiels au fonctionnement d’une démocratie ont été supprimés.
Ce n’est pas simplement une question de droits de l’homme - avec une corruption à grande échelle, le climat des affaires est délétère.
Cette lettre présente des exemples concrets de violations des droits de l’homme, de corruption et de répression de la démocratie et demande que l’UE aide à prévenir un inévitable glissement vers une dictature militaire.
Retour à la monarchie absolue
Cela fait neuf mois que Vajiralongkorn est devenu roi et il est de plus en plus évident que la Thaïlande évolue progressivement vers une monarchie absolue. Le monarque est en train de consolider son pouvoir, y compris sa capacité d’imposer sa volonté sur le pouvoir exécutif et législatif.
Dans ce cadre, le nouveau roi est en train d’établir une armée royale. En outre, la nouvelle constitution, adoptée le 6 avril, a été façonnée par le roi dans une incursion politique sans précédent et accorde au roi l’autorité de résoudre toute crise constitutionnelle non explicitement traitée par la charte. Il est maintenant l’arbitre ultime.
Retour à la dictature militaire
Malgré l’adoption de la constitution, le Conseil national pour la paix et l’ordre (NCPO) dirigé par le général Prayuth Chan-ocha continue d’utiliser l’article 44 de la constitution militaire intérimaire, ignorant l’état de droit et la procédure régulière. L’article 44 a souvent été utilisé comme un outil d’oppression par le NCPO pour faire respecter rapidement les pouvoirs législatifs, administratifs et judiciaires. Les personnes ayant des opinions opposées ont été soit arrêtées, soit envoyées dans des camps d ’« ajustement d’attitude ».
Les offres et les achats d’armes militaires, tels que les sous-marins, les avions de combat et les chars de combat, sont approuvés sans débat public ni transparence et sont approuvés par le parlement nommé par l’armée.
Une stratégie nationale de 20 ans a été imposée et permettra aux militaires de contrôler tout futur gouvernement et de les forcer à agir dans l’intérêt de l’armée. La promesse a été faite d’un retour à la démocratie par le biais d’élections générales en 2018, mais il n’y a pas de plan concret. La politique de réconciliation nationale est juste un slogan, mais n’est accompagnéé d’acune action. L’interdiction de facto de toute activité politique indépendante est toujours en place.
Pour faire taire toute opposition politique, la Cour Suprême a condamné en septembre l’ancien Premier ministre Yingluck Shinawatra à 5 ans de prison sur des accusations forgées de toutes pièces et, en août, l’ancien ministre du Commerce Boonsong Teriyapirom a été condamné à 42 ans de prison pour avoir prétendument falsifié des documents.
Abus des droits de l’homme
Les autorités du régime continuent d’arrêter et de persécuter les activistes en faveur de la démocratie, y compris le Front uni pour la démocratie contre la dictature, les leaders étudiants, les avocats des droits de l’homme et d’autres accusés par les tribunaux militaires et civils. Des exemples récents incluent Jatupat « Pai Dao Din » Boonpattararaksa, un dirigeant étudiant qui a été condamné à 5 ans en vertu de l’article 112 des lois Lèse-Majesté pour avoir partagé un article de la BBC largement diffusé, et Sirikan Chareonsiri, un avocat des droits de l’homme accusé de cacher des preuves, alors qu’il protégeait des étudiants contre les autorités du régime lors d’une perquisition illégale. Pravit Rojanaphruk, journaliste, a reçu une accusation de sédition pour des postes sur Twitter et Facebook critiques de la junte.
Plus récemment, un militant thaïlandais exilé, Wuthipong Kachathamakul, également connu sous le nom de Ko Tee, a été enlevé à Vientiane, au Laos. Des témoins oculaires affirment qu’un groupe d’assaillants armés inconnus thaïlandais l’a enlevé le 29 juillet 2017, soulevant de graves inquiétudes pour sa sécurité. Ses allées et venues sont inconnues.
Conclusion
Il est probable que le conflit entre les groupes politiques royalistes et les mouvements pro-démocratie, qui dure déjà depuis 10 ans, continuera en Thaïlande, et il semble vraisemblable que les militaires utiliseront cette division comme une excuse pour étendre leurs pouvoirs.
Alors que le mouvement pro-démocratie est toujours sous la coupe du régime, les groupes d’étudiants et de droits de l’homme montrent des signes d’activité. Les médias sociaux continuent de jouer un rôle essentiel en s’opposant au gouvernement de la junte et en exigeant la liberté, la démocratie et la justice.
Des organismes internationaux tels que la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, Human Rights Watch, Amnesty International et la Fédération internationale des droits de l’homme sont toujours actifs, tout comme la communauté diplomatique en Thaïlande.
Je demande à la communauté internationale de continuer à surveiller de près la Thaïlande et de faire pression sur le régime pour qu’il se conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies, dont la Thaïlande est signataire, et soutienne les groupes de défense des droits humains en Thaïlande. La junte doit être poussée à annuler l’interdiction de toute activité politique et à libérer les prisonniers politiques. Les élections promises ne doivent pas être retardées et doivent être conduites librement et équitablement.
Jaran Ditapichai
Ancien Commission des droits de l’homme, Thaïlande
Coordonnateur, Thai Overseas for Democracy