La campagne partait d’une bonne intention : réduire la pollution dans le nord de la Chine, qui étouffe tous les hivers sous d’épais nuages de microparticules. Une des mesures adoptées pour y parvenir est de remplacer le chauffage au charbon par des systèmes au gaz, beaucoup moins polluants. A Pékin, la dernière centrale à charbon a été remplacée par une centrale à gaz fin 2016. Les autorités ont commencé l’an dernier à s’attaquer aux chauffages individuels dans les petites villes et les campagnes.
Comme il se doit pour faire appliquer n’importe quelle mesure en Chine, le changement s’est fait tambour battant : campagne dans les médias, slogans criés par des haut-parleurs, banderoles… Dans certaines localités, des équipes ont été envoyées pour détruire les poêles individuels. En à peine deux ans, 1,8 million de foyers chinois ont abandonné le charbon. Une campagne rondement menée.
Pénurie dans tout le pays
Mais quand le froid a commencé à mordre cette année, les premières plaintes se sont fait entendre sur les réseaux sociaux : selon certains, le chauffage au gaz n’était pas prêt. Un mois plus tard, la crise concernait tout le pays : pénurie de gaz ! Les fournisseurs locaux se retrouvaient à décider qui, des particuliers, de l’usine ou de l’hôpital du coin, serait approvisionné. Des écoles faisaient cours dehors, malgré les températures négatives, pour profiter des rayons du soleil…
Finalement, le 7 décembre, les autorités ont fait marche arrière : priorité au chauffage des particuliers, indiquait une circulaire du ministère de l’environnement. Les coupures de gaz sont encore régulières, mais ceux qui ont pu garder leur poêle à charbon ne risquent plus d’être arrêtés s’ils l’utilisent.
Derrière le fiasco, l’affaire montre que Pékin a repris le pouvoir sur la Chine, pour le meilleur et pour le pire. Il n’y a pas si longtemps, il était de coutume de dire que les ordres de Pékin avaient du mal à franchir les hauts murs de Zhongnanhai, le siège du pouvoir, juste à côté de la Cité interdite.
Reprise en main
Depuis, Xi Jinping, devenu président en 2013, a lancé une vaste campagne anticorruption dont l’un des effets est d’avoir renforcé l’autorité de Pékin sur les provinces, en instillant la peur chez les officiels de tous rangs. Ces derniers sont d’ailleurs désormais évalués sur leurs performances non seulement économiques, mais aussi environnementales. Ces changements ont permis de vraies avancées en matière de lutte contre la pollution.
Mais la reprise en main de l’administration par Pékin a aussi ses effets pervers : des fonctionnaires terrifiés qui appliquent à la lettre des politiques décidées à des milliers de kilomètres. Alors que la presse officielle reprochait la semaine dernière aux responsables locaux d’avoir appliqué mécaniquement les ordres en dépit des conséquences, l’un d’eux s’étrangle : « Un chef de district risque d’être limogé si un seul foyer est pris en train de brûler du charbon. Comment voulez-vous qu’on adapte les politiques à la réalité locale ? », rapporte China Comment, le journal officiel du département de la communication du Parti communiste.
Simon Leplâtre (Shanghaï, correspondance)