La Chine a approuvé la création d’un géant de l’énergie qui deviendra le numéro un mondial. Le premier producteur de charbon du pays, Shenhua, et la compagnie d’électricité Guodian, plus diversifiée, vont joindre leurs forces pour devenir le National Energy Investment Group, a annoncé, lundi 28 août, la commission chargée de l’administration et de la supervision des biens de l’Etat (la Sasac).
D’après Bloomberg, les actifs de la nouvelle entité atteindront 1 800 milliards de yuans, soit 227,3 milliards d’euros. Selon Frank Yu, spécialiste du secteur de l’énergie en Chine pour Wood Mackenzie, la capacité installée de 225 gigawatts de la nouvelle entité lui permettra de dépasser le français EDF et l’italien Enel pour devenir le numéro un mondial de l’électricité par les capacités.
Aux prises avec des surcapacités endémiques dans le secteur du charbon et de la production d’énergie, la Chine a engagé, fin 2015, un vaste programme de réduction de ces capacités excédentaires, qui passe notamment par la diminution du nombre d’acteurs. D’autres fusions sont attendues dans les mois et les années à venir pour faire passer, à terme, le nombre de fournisseurs d’énergie de 98 à une quarantaine. De tels géants bénéficiant de crédits faciles en Chine pourront aussi aller conquérir des marchés internationaux où ils sont pour l’instant peu implantés.
S’approvisionner à meilleur coût
Shenhua faisait jusqu’ici figure de champion du charbon en Chine. L’entreprise basée à Shanghaï est le premier opérateur de mines du pays avec 420 millions de tonnes de capacités, et l’un des plus rentables. Outre une gestion plus efficace que certains de ses concurrents, Shenhua bénéficie d’une structure originale alliant extraction de charbon et production d’énergie (83 gigawatts). Cette double activité lui permet de mieux encaisser les variations des cours du charbon : les prix hauts bénéficient à l’activité d’extraction, tandis que les prix bas profitent à la production d’énergie.
De son côté, Guodian était déjà l’un des premiers producteurs d’énergie chinois avec 143 gigawatts de capacités, et peut extraire jusqu’à 65 millions de tonnes de charbon par an. L’entreprise va bénéficier des infrastructures de Shenhua pour s’approvisionner à meilleur coût. « Shenhua peut se fournir en charbon bon marché, et a ses propres infrastructures : rail, cargos… Elle possède même des ports. Ces infrastructures de distribution seront très utiles à Guodian pour réduire ses coûts d’approvisionnement en charbon, explique Frank Yu. De plus, Guodian est très endetté, alors que Shenhua a de bonnes réserves de cash. »
Intégrer plus de renouvelables
Le groupe de Shanghaï doit par ailleurs se diversifier pour intégrer plus de renouvelables. « Sans fusion et acquisition, Shenhua ne peut pas atteindre les objectifs du gouvernement fixés pour 2020 », indique Frank Yu. Grâce aux 26 gigawatts de capacités éoliennes de Guodian, ajoutées aux 7,4 gigawatts de Shenhua, le nouveau géant sera dans les clous. « C’est un changement crucial pour Shenhua, car du fait de nouvelles régulations, l’éolien, le solaire, le nucléaire et l’hydroélectrique ont des tarifs garantis, alors que le charbon fait désormais partie du marché de l’énergie libéralisé », estimait Sophie Lu, analyste pour Bloomberg New Energy Finance, dans une note publiée début août, quelques jours après le dépôt de la demande d’approbation de la fusion de Guodian et Shenhua auprès de la Sasac, le 4 août.
Si l’opération semble faire sens pour les deux entreprises, certains doutent de l’opportunité de renforcer les entreprises d’Etat. « La combinaison de Shenhua et de Guodian n’atteindra aucun des objectifs mis en avant pour justifier la restructuration de l’industrie et de l’énergie : réformer un secteur d’Etat boursouflé et réduire la dépendance au charbon du pays. Au contraire, cela aboutira à la création de quasi-monopole, trop gros pour échouer », analyse Nisha Gopalan, spécialiste des grandes entreprises chinoises, dans une chronique publiée par Bloomberg.
Simon Leplâtre (Shanghaï, correspondance)