La République islamique d’Iran est secouée depuis le 28 décembre 2017 par des protestations populaires contre la hausse des prix des produits alimentaires, le chômage de masse, les inégalités sociales toujours plus grandes, le programme brutal d’austérité et la répression politique.
Les manifestations ont débuté à Mashhad, deuxième ville du pays, puis se sont étendues à près de 80 villes et villages ainsi qu’à la capitale, Téhéran. Malgré une répression violente et un quadrillage militaire important, les manifestantEs, souvent jeunes et issus des couches populaires, descendent dans les rues à la nuit tombée et défient le régime avec courage. Depuis le 28 décembre, le pouvoir reconnaît la mort de 22 manifestantEs et l’arrestation de près de 1 700 personnes. Selon les autorités judiciaires, 95 % des personnes arrêtées ont moins de 25 ans. À la faveur de cette nouvelle vague de répression, le régime a procédé à l’interpellation de militantEs étudiants et ouvriers reconnus, et ce sans qu’un lien direct ne soit établi avec les mobilisations actuelles.
Un mécontentement profond
La portée et l’intensité de ce mouvement, l’adoption rapide de slogans radicaux contre le gouvernement et le système théocratique et dictatorial ont surpris les autorités iraniennes et les observateurs occidentaux. Pourtant, ce mouvement a été précédé par des mois de protestations des travailleurs.
Le mécontentement profond porte notamment sur l’explosion des inégalités sociales, les suppressions d’emplois, le non-paiement des salaires et des pensions de retraites, sur l’indifférence des autorités envers les millions d’épargnantEs ruinés par l’effondrement frauduleux de plusieurs institutions financières non réglementées. L’abandon total des victimes des récents tremblements de terre meurtriers ainsi que la corruption généralisée du pouvoir ont eu également un rôle important dans le déclenchement de la révolte populaire.
Une combinaison de facteurs
La crise sociale aiguë que connaît l’Iran est le produit d’une combinaison de facteurs : la corruption des élites au pouvoir et la confiscation des richesses du pays par la mollahrchie et les Gardiens de la révolution, la pression militaro-stratégique des États-Unis et les sanctions économiques, la crise économique mondiale et l’effondrement des cours mondiaux du pétrole, les politiques libérales et les mesures d’austérité brutales que le président Rouhani a mis en place dans le but d’attirer les investisseurs occidentaux.
En effet, la politique économique violente menée par la République islamique accentue les conséquences sociales des sanctions internationales. En 2013, Rouhani a convaincu le Guide Khamenei et les autres composantes clés du régime de la nécessité d’un changement de cap. Ce changement de cap devait permettre de dégager un nouveau compromis avec les puissances impérialistes étatsunienne et européenne.
Aggravation des attaques
Cette politique s’accompagne d’une aggravation des attaques contre les concessions sociales faites à la classe ouvrière suite à la Révolution de 1979. Au cours des quatre dernières années et dans la continuité des politiques menées par Ahmadinejad, le gouvernement de Rouhani a accéléré les privatisations, la déréglementation et le démantèlement du code du travail. Ainsi, la mollahrchie a suivi les prescriptions du FMI en matière d’austérité et a remanié les règles régissant le secteur pétrolier et gazier pour séduire les géants européens et étatsuniens.
En janvier 2016, les sanctions étatsuniennes et européennes les plus sévères ont été levées ou suspendues en échange du démantèlement par Téhéran d’une grande partie de son programme nucléaire. Mais les bénéfices liés à cette levée des sanctions ont exclusivement profité aux couches privilégiées de la société et aux élites au pouvoir.
Malgré cela, le régime entend aller plus loin dans les attaques contre les classes populaires. Comme en témoigne le dernier budget en discussion au Parlement, Rouhani entend renforcer l’austérité pour les masses, tout en augmentant les budgets des institutions religieuses et du clergé.
Pauvreté grandissante
La présentation du budget a été la goutte d’eau. Alors que l’Iran connaît un taux de chômage officiel de 12,7 % et qu’environ 40 % de la jeunesse est sans emploi, le budget prévoit l’augmentation du prix de l’essence de 50 % et la réduction des subventions au prix de l’énergie. Les subventions aux produits alimentaires de base et aux services essentiels ont été supprimées entre 2010 et 2014, durant les présidences d’Ahmadinejad et de Rouhani. Dans le même temps le prix des produits alimentaires de base explose. Ainsi, le prix de l’œuf a par exemple augmenté de 40 % cette année. Tout cela, combiné à une inflation générale galopante (12 % selon le régime) est un nouveau coup dur porté au pouvoir d’achat des travailleurs et des couches les plus pauvres.
Selon les estimations gouvernementales, le nombre d’Iraniens pauvres est d’environ 15 millions, et 3 millions souffrent de malnutrition.
Selon le World Wealth and Income Database, 1 % des Iraniens les plus riches possèdent 16,3 % de la richesse. Ils possèdent l’équivalent de la richesse de 50 % de la population (sur la base des données de 2013).
Une dictature capitaliste réactionnaire
Dans le même temps des milliards d’argent public sont octroyés aux fondations religieuses. Ces fondations, qui n’ont de compte à rendre qu’au Guide et qui sont exonérées d’impôts, font partie des plus grandes holdings du Moyen-Orient. Dirigées par des dignitaires du régime et par le commandement des Gardiens de la révolution, elles détiennent des pans entiers de l’économie iranienne. Dans sa présentation du budget, le régime fait apparaître publiquement la somme de 1,7 milliard d’euros accordées aux fondations. Ce n’est évidemment que la partie émergée de l’iceberg. Selon Rouhani lui-même, 1/3 du budget annuel de l’État échappe au contrôle du gouvernement et du Parlement. Cette part directement contrôlée par le Guide Khaménei est accaparée par les Gardiens de la révolution et par les différentes fondations. En 2013, le Guide contrôlait une fortune s’élevant à environ 95 milliards de dollar par le biais du Setad (« Setad ejraiye hazrate emam » qui veut dire « Siège pour l’exécution des ordres de l’imam »). Cet organisme possède des parts dans pratiquement chaque secteur de l’économie du pays, de la finance au pétrole en passant par l’immobilier et les télécommunications.
La République islamique d’Iran est une dictature capitaliste réactionnaire et corrompue, en cela ce régime n’est pas réformable. Il est urgent de soutenir la mobilisation sociale actuelle et au-delà, l’ensemble des militants qui luttent pour le renversement de la mollahrchie, pour la justice sociale, l’égalité et la liberté.
Babak Kia et Houshang Sepehr