Le monde de l’humanitaire a déjà été touché par plusieurs scandales similaires.
Prendre les devants plutôt que subir le soupçon. L’organisation humanitaire française Médecins sans frontières (MSF) a choisi de dévoiler, mercredi 14 février, les résultats de ses enquêtes internes sur les cas de harcèlement et de violences sexuelles en plein scandale Oxfam, la grande ONG britannique accusée d’avoir couvert plusieurs cas de viols et d’abus de pouvoir sur des populations vulnérables.
« Il est important que ce scandale Oxfam serve à nourrir un débat sain et transparent sur les lieux où l’on travaille, qui sont des zones de grande violence, de non-droit et de vulnérabilité, et sur les conduites que l’on se fixe, estime Thierry Allafort-Duverger, directeur général de MSF. Nous avons jugé que c’était le moment de réaffirmer nos valeurs et nos engagements. »
Accusée d’avoir fermé les yeux sur de nombreux cas de recours à la prostitution en Haïti et au Tchad, Oxfam, en pleine tourmente #MeToo, doit désormais faire face à des allégations plus graves de viols au Soudan du Sud et de violences sexuelles au Liberia. Nouveau coup dur : après la démission de Penny Lawrence, directrice générale adjointe, dans le cadre du scandale haïtien, on apprenait mardi l’arrestation de Juan Alberto Fuentes Knight, président d’Oxfam International, dans le cadre d’une affaire de corruption du temps où il était ministre des finances au Guatemala (2008-2012). C’est d’autant plus gênant qu’Oxfam, qui fédère une vingtaine d’ONG, est un acteur particulièrement riche et puissant de la scène humanitaire, n’hésitant pas à prendre des positions politiques et sociétales très morales.
Violences sexuelles sous-reportées
Dans son communiqué publié mercredi, Médecins sans frontières révèle de son côté que, sur 146 plaintes ou alertes reçues en 2017 par la direction de l’organisation, qui compte quelque 40 000 employés dans le monde, « 40 cas ont été identifiés comme des cas d’abus ou de harcèlement [de toutes sortes] au terme d’une investigation interne. Sur ces 40 cas, 24 étaient des cas de harcèlement ou d’abus sexuels », dont des cas de viols.
Dans 19 cas, dont aucun n’a donné lieu à un dépôt de plainte ou une action en justice, l’employé mis en cause a été licencié. « Dans les autres cas, les employés ont été sanctionnés par des mesures disciplinaires », précise le communiqué. Dans la quasi-totalité de ces cas, les victimes sont des employés de MSF. « Nous avons très peu d’exposés de cas d’abus sexuels visant les populations vulnérables dont nous nous occupons, bien que nous diffusions régulièrement des informations sur le fait que l’aide ne doit s’accompagner d’aucune contrepartie, ni argent, ni sexe », reconnaît Thierry Allafort-Duverger, qui reste persuadé que les violences sexuelles restent largement sous-reportées. Le directeur général de l’ONG fait état d’une légère hausse du nombre de cas, sans pouvoir préciser si elle était due à des signalements plus systématiques ou si le phénomène était en augmentation. Il précise aussi que les statistiques publiées mercredi ne prennent pas en compte les cas directement réglés par ses équipes sur le terrain.
MSF dispose d’une cellule dédiée aux problèmes de violences sexuelles, qui compte une dizaine de personnes, depuis 2007. En cas de licenciement, l’auteur de violences sexuelles est interdit de travailler dans l’ensemble des sections de MSF. Son comportement passé est mentionné en cas de demande de recommandation pour postuler dans une autre ONG.
Christophe Ayad