PROCÈS - “C’est très douloureux pour ma famille. Moi, je résiste”. Au HuffPost Maroc, l’écrivain et historien Maati Mounjib confie que le procès, dont il fait l’objet avec six journalistes, n’a pas été sans impact sur sa famille et sa vie personnelle. “C’est une perte de temps, pour moi. Mais je ne vais pas quitter le Maroc”, affirme-t-il, convaincu qu’un militant doit aller jusqu’au bout.
Ce mercredi 28 mars, c’est une nouvelle audience de ce procès qui se tient à 15h au tribunal de première instance de Rabat. Le comité national de soutien à Maati Mounjib et aux six journalistes a tenu, quelques heures avant l’audience, une conférence de presse au siège de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) pour mettre la lumière sur cette affaire. “Cela fait trois ans que le procès dure, on en est à la dixième audience. Un marathon !”, lance Abdel-ilah Benabdesselam, membre du comité à l’ouverture de la conférence de presse.
Depuis trois ans, Maâti Monjib, Hicham Mansouri, Hicham Al-Miraat (de son vrai nom Hicham Kribchi), Abdessamad Aït Aïcha, Mohamed Essabeur, Rachid Tarik et Meriem Moukrim font l’objet de cette affaire. Les 5 premiers sont poursuivis pour atteinte à la sécurité de l’Etat “pour avoir organisé des formations sur Story Maker, une application en logiciel libre téléchargeable sur internet”, précise le comité dans sa déclaration de presse. Tandis que les deux derniers sont poursuivis pour avoir omis de notifier au Secrétariat général du gouvernement (SGG) la réception d’un financement venant de l’étranger pour le bénéfice de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI). Ils risquent d’être condamnés à une amende de 10.000 dirhams.
“L’atteinte à la sécurité de l’Etat est un crime grave dont la peine va jusqu’à la peine de mort. Mais depuis quand exercer sa liberté est devenu un crime ?”, s’interroge l’avocat Abderrahim El Jamai. Indigné, ce dernier qui représente les 7 accusés estiment que ces journalistes “paient la taxe de la liberté”. Pour lui, leur délit commun ne laisse aucun doute sur sa qualité “politique”. “C’est honteux ! Le dossier est vide et l’institution judiciaire n’a pas le courage de trancher en prolongeant constamment la durée du procès. Peut-être que ce prolongement durera encore les trois prochaines années”, redoute l’avocat.
Un verdict semble être, pour le comité de soutien, “inespéré”. “Nous sommes poursuivis pour des raisons politiques. Il ne peuvent ni nous condamner, ni nous acquitter. Chaque audience dure de 3 à 5 mn au bout desquelles on annonce un report de 3 à 4 mois”, résume Maati Mounjib.
Attente et diffamation
Au procès sans fin s’ajoute “une campagne médiatique diffamatoire agressive visant souvent Maati Mounjib”, selon le comité de soutien. Il s’agit d’articles publiés par au moins six médias différents, arabophones en majorité et électroniques, qui l’accusent de presque “tout”.
“Depuis le 18 mars, 15 articles dans la presse m’ont attaqué en m’accusant de m’adonner à l’alcool, à la drogue, de recevoir de l’argent de l’étranger, d’être l’ennemi de la monarchie, d’être anti-juif et pro-sionistes...”, affirme Maati Mounjib au HuffPost Maroc. En exemple, il cite un éditorial dans un quotidien arabophone, “l’accusant d’avoir reçu deux milliards”. “Ils n’ont pas précisé s’il s’agissait de dirhams ou de centimes, mais deux milliards de centimes fait deux millions d’euros et c’est déjà beaucoup !”, ironise Maati Mounjib comme pour apaiser ce mal inconnu qui le persécute.
“On a aussi dit de moi que je suis un historien négationniste, que mes écris son anti-juifs. Pourtant, tout ce que j’ai écrit sur les juifs leur est favorable”, se défend-t-il, avant d’ajouter avec amertume :“au Maroc, je suis attaqué également comme homosexuel ! Il y a une semaine, un site électronique arabophone a publié dans un article que je recevais des garçons pour des relations homosexuelles... Qu’est-ce que je peux faire ? Je résiste ! Plus ils me diffament, plus ils perdent de crédibilité”.
Mais face à la cascade d’accusation, Maati Mounjib a porté plainte en France contre un site électronique marocain, ce dernier disposant d’une adresse IP en France. “La chambre correctionnelle du tribunal de grande instance (TGI) à Paris a émis deux commissions rogatoires mais aucune n’a abouti”, regrette-t-il. Et d’expliquer que “les autorités marocaines ont répondu une fois en indiquant qu’elles ignoraient les adresses de ceux qui me diffament et, une autre fois, elles ont émis le doute sur le fait que les noms existent réellement. Pourtant, ces noms sont très connus dans le champ médiatique”.
De cette épreuve naîtra peut-être un nouveau livre. “Dans les prochaines années, je vais certainement publier mon témoignage sur cette épreuve. Je procède en ce moment à la collecte de tous les documents... Je fais l’objet d’une dizaine d’attaques par mois sur des médias. Je parlerais de tout cela, du régime politique et du harcèlement judiciaire et médiatique”, affirme Maati Mounjib. Une manière pour lui de tenir tête, de ne pas baisser les bras. “Je résisterai pour la liberté et la dignité du Maroc”.
Leïla Hallaoui