Vendredi 27 avril, le leader nord-coréen Kim Jong-un va rencontrer son homologue sud-coréen Moon Jae-in à Panmunjom, dans la zone démilitarisée. Il s’agira du premier sommet intercoréen depuis onze ans.
À l’approche du sommet, Pyongyang a pris un certain nombre d’initiatives, promettant notamment de mettre fin aux essais nucléaires et aux tests de missiles, et aussi de mettre en place un “téléphone rouge” avec Séoul. Le régime a par ailleurs signalé qu’il était prêt à accepter la présence de forces américaines sur la péninsule coréenne et à signer un pacte de non-agression.
Mais Pyongyang a utilisé la même tactique lors de précédentes négociations, et des doutes subsistent quant aux véritables intentions de Kim Jong-un.
Voici cinq choses à savoir en ce qui concerne la réunion Kim-Moon :
Pourquoi maintenant ?
Officiellement, la Corée du Nord et la Corée du Sud sont toujours en guerre. En effet, les combats de la guerre de Corée de 1950-1953 s’étaient terminés par un armistice. Mais aujourd’hui, les deux pays ont un intérêt commun : empêcher une intervention militaire américaine [contre le Nord] qui pourrait déboucher sur un conflit de grande ampleur. Une telle intervention constitue une possibilité réelle sous le président Donald Trump, qui en a proféré la menace à plusieurs reprises [en réponse aux essais de missiles et nucléaires de Pyongyang].
Un régime de sanctions économiques contre le Nord, sur l’initiative des États-Unis, a également contribué à amener Pyongyang à la table des négociations, les rares sources de revenus du pays s’étant asséchées.
Du point de vue nord-coréen, le moment est bien choisi pour nouer le dialogue. “La Corée du Nord a projeté d’entamer des pourparlers avec les États-Unis du moment où elle a acquis la technologie des missiles intercontinentaux balistiques”, note Masao Okonogi, professeur honoraire à l’université Keio de Tokyo.
Le pays affirme avoir mis au point un missile de longue portée [en juillet 2017], capable d’atteindre le territoire américain, et avoir testé [en janvier 2016] ce qu’il décrit comme une bombe à hydrogène. Ce qui en théorie lui permet de peser davantage dans les négociations.
En février, lors des Jeux olympiques de Pyeongchang (Corée du Sud), Kim Yo-jong, la sœur et proche collaboratrice de Kim Jong-un, a invité Moon Jae-in à rencontrer le leader nord-coréen à Pyongyang. Les deux pays ont finalement accepté de tenir un sommet à Panmunjom.
Kim Jong-un y est attendu vendredi matin. Il va traverser la frontière à pied et entrer dans la Maison de la paix, située du côté sud-coréen du village. Ce sera la première fois qu’un leader nord-coréen franchit la frontière depuis la Corée du Nord.
En quoi ce sommet est-il différent des deux précédents ?
Le premier sommet intercoréen a eu lieu en 2000 et réunissait le père de Kim, Kim Jong-il, et le président sud-coréen de l’époque, Kim Dae-jung. L’économie de la Corée du Nord était alors en crise, et une famine avait décimé la population dans les années 1990, incitant Kim l’aîné à rechercher une aide extérieure.
Le deuxième sommet a eu lieu en 2007 quand Kim Jong-il a été incité à venir à la table des négociations par Roh Moo-hyun, alors président de la Corée du Sud. Cette réunion a conduit à un accord de codéveloppement de la zone industrielle de Kaesong, du côté nord de la frontière, malgré les craintes américaines de voir l’aide économique saper la campagne multilatérale contre le programme d’armement nucléaire de Pyongyang.
Pour le prochain sommet, il y a eu une coordination bien plus étroite entre les États-Unis et la Corée du Sud. Séoul joue le rôle d’intermédiaire entre Washington et Pyongyang, tandis que Trump cherche à passer un accord avec Kim Jong-un afin d’obtenir le soutien [de l’électorat] en vue des élections de mi-mandat, qui auront lieu en novembre, explique Masao Okonogi.
Qu’en espère la Corée du Sud ?
Moon Jae-in, partisan du dialogue avec le Nord, a eu dans un premier temps des relations tendues avec Trump, puis s’est présenté comme l’intermédiaire entre les deux leaders qui doivent parvenir à un accord.
Maintenant qu’il a négocié un sommet entre Trump et Kim Jong-un, prévu pour mai ou juin, il doit veiller à ce que la réunion avance et crée une dynamique devant aboutir un jour à la dénucléarisation de la péninsule coréenne.
Les navettes diplomatiques de Moon Jae-in ont fait suite à une escalade verbale entre Pyongyang et Washington. En septembre 2017, lors d’une session de l’Assemblée générale des Nations unies, Trump avait déclaré que les États-Unis étaient prêts à “détruire totalement” la Corée du Nord, tandis que cette dernière avait menacé de faire exploser une bombe à hydrogène sur le Pacifique.
Moon Jae-in a insisté sur le fait que Séoul doit être “au poste de commande” pendant les négociations sur la dénucléarisation.
Qu’en espère la Corée du Nord ?
Kim Jong-un est devenu le leader de la Corée du Nord en 2011, avant même ses 30 ans, et l’on peut s’attendre à ce qu’il occupe ce poste pendant encore de nombreuses années.
Son objectif immédiat est d’obtenir un allégement des sanctions. Les Nations unies ont complètement interdit les exportations nord-coréennes de charbon, de minerai de fer, de textiles et autres produits, et ont fortement réduit les approvisionnements du pays en pétrole.
Pyongyang cherche en outre à obtenir des garanties en termes de sécurité, et notamment une normalisation des relations avec les États-Unis, moyennant quoi le pays serait prêt à mettre fin à son programme d’armement nucléaire.
Kim Jong-un pourrait utiliser ce sommet pour donner l’image d’un leader pragmatique, qui prône la coexistence entre les deux pays et non la confrontation.
“Avec ce sommet intercoréen, Kim Jong-un veut se présenter comme le jeune leader d’un pays normal, qui peut traiter d’égal à égal avec d’autres chefs d’État”, fait valoir Bong Young-chik, chercheur à l’institut d’études nord-coréennes Yonsei à Séoul.
Quel sera le résultat de ce sommet ?
Pyongyang et Séoul veulent jeter les bases d’une réunion Trump-Kim fructueuse, et les deux Corées devraient se prévaloir d’avancées vers l’objectif final de la dénucléarisation.
Elles pourraient aussi annoncer officiellement la fin de la guerre, en lieu et place de l’armistice de 1953.
Mais il y a peu de chances que les deux dirigeants entrent dans des détails tels que le calendrier ou l’ampleur de la dénucléarisation, ou encore des réductions précises des armes qu’ils braquent l’un sur l’autre.
Plus généralement, les deux Corées devraient confirmer les bases de leurs discussions futures, qui doivent porter tant sur la dénucléarisation que la paix, les questions humanitaires et l’amélioration des relations bilatérales, selon Shin Beom-chul, chercheur à l’Asan Institute for Politicy Studies, un think tank à Séoul.
Mitsuru ObeKim Jaewon