L’attaque au couteau à Paris revendiquée par l’organisation Etat islamique (EI), qui a coûté la vie, samedi 12 mai, à un passant, a été perpétrée par un Français né en 1997 en Tchétchénie, dont les parents ont été placés, dimanche, en garde à vue. Un troisième individu, présenté comme un ami du même âge que l’auteur de l’attaque, a été interpellé à Strasbourg et placé en garde à vue, dans l’après-midi, selon une source judiciaire.
Comment s’est déroulée l’attaque ?
Aux environs de 20 h 40 samedi soir, un homme a commencé à attaquer des passants avec un couteau. L’attaque s’est déroulée entre la rue Saint-Augustin et la rue Monsigny, dans le 2e arrondissement de Paris, à proximité de l’Opéra Garnier. Il s’agit d’un quartier touristique de bars, restaurants et théâtres, très fréquenté le samedi soir.
Une patrouille de trois agents de police secours des 2e et 3e arrondissements circule rue Saint-Augustin. Elle est alertée par des passants qui les informent de la présence d’un homme muni d’un couteau, qui vient d’agresser plusieurs personnes. Ils le rattrapent au niveau du 8, rue Monsigny, dans le prolongement de la rue Marsollier. Les voyant arriver à sa hauteur, l’agresseur se dirige vers eux et les menace.
A deux reprises, un des policiers essaie de le maîtriser avec un pistolet à impulsion électrique, sans succès. Son collègue sort alors son arme et tire deux fois. Le jeune homme est atteint au niveau du cœur. Il lâche son couteau, dont la lame de dix centimètres se brise.
Qui sont les victimes ?
Un passant, âgé de 29 ans, a été tué. Un homme de 34 ans a été transporté en « urgence absolue » à l’hôpital parisien Georges Pompidou et une femme de 54 ans a aussi été grièvement blessée. Une femme de 26 ans et un homme de 31 ans l’ont été plus légèrement.
« La personne la plus grièvement blessée (…) va mieux », elle « a été opérée et donc aujourd’hui elle est sauvée », a déclaré dans la nuit le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, qui s’est rendu à l’hôpital Georges-Pompidou. « Deux de ses amis sont dans un autre hôpital, ils sont totalement hors de danger. Une quatrième personne qui avait été blessée est aussi hors de danger », a-t-il ajouté.
Une cellule psychologique, ouverte après chaque attaque de ce type, a accueilli, dès samedi soir, une quinzaine de passants et riverains « choqués » par l’attaque, selon l’entourage de la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo. Ces personnes sont depuis rentrées chez elles, mais la cellule, située au sein des urgences de l’Hôtel-Dieu, dans le 4e arrondissement de la capitale, reste ouverte.
Qui est l’assaillant ?
Né en 1997 en Tchétchénie, Khamzat Azimov est arrivé en France avec ses parents au début des années 2000, période à laquelle cette république musulmane russe du Caucase traversait une deuxième guerre, après celle des années 1990. Il a grandi à Nice, puis à Strasbourg, dans le quartier populaire d’Elsau, où vit une importante communauté tchétchène, selon une source proche du dossier. En 2004, la famille bénéficie du statut de réfugiés, avant que la mère n’obtienne la nationalité française six ans plus tard, permettant ainsi la naturalisation de son fils, alors âgé de 13 ans. La demande de naturalisation du père, séparé de sa femme, est, elle, refusée.
En 2016, alors qu’il est âgé de 19 ans, il apparaît dans les radars des services antiterroristes en raison de ses liens avec un groupe de jeunes souhaitant gagner la Syrie, dans lequel figure un autre Tchétchène. Durant l’été, il est fiché « S » (pour « sûreté de l’Etat ») et inscrit au FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation islamiste. Dans le groupe qu’il fréquente, parmi lesquels deux Tchétchènes suivis par la DGSI, Khamzat Azimov apparaissait comme un « suiveur », un personnage secondaire, selon une source proche des services de renseignement.
Pour autant, il fait l’objet d’un suivi de la DGSI, et son cas est régulièrement évoqué dans les groupes d’évaluation départementaux (GED), chargés d’estimer le degré de radicalisation des personnes inscrites au FSPRT. Il s’agit toutefois d’un suivi « léger », car rien dans son comportement où ses activités sur les réseaux sociaux ne permet d’en faire un « objectif prioritaire ».
« Il n’avait pas d’antécédent judiciaire », a déclaré à l’Agence France-Presse une source judiciaire. Le jeune homme avait été « entendu il y a un an par la section antiterroriste de la brigade criminelle, car il connaissait un homme lui-même en lien avec quelqu’un parti en Syrie », a rapporté une source proche de l’enquête. Peu avant son passage à l’acte, le jeune homme avait rejoint le domicile parental, à Paris.
L’EI a diffusé dimanche, via son organe de propagande Amaq, une vidéo d’un peu plus de deux minutes de Khamzat Azimov. Le jeune y prête allégeance au groupe terroriste et appelle les djihadistes en Europe à commettre d’autres attentats.
Quelle revendication ?
L’organisation Etat islamique a revendiqué l’attentat, rapporte le SITE Intelligence Group, spécialisé dans la surveillance des sites Internet islamistes.
« L’auteur de cette attaque au couteau à Paris est un soldat de l’Etat islamique et l’opération a été menée en représailles envers les Etats de la coalition » internationale antidjihadiste en Irak et en Syrie, a déclaré une « source sécuritaire » à Amaq, l’agence de propagande de l’EI.
Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov a réagi en affirmant que « toute la responsabilité » de cette attaque, qui a fait un mort, revenait à la France, où a grandi l’assaillant présumé. Pour autant, de nombreuses attaques terroristes ont été commises ces dernières années par des Tchétchènes, principalement en Russie où une rébellion islamiste est active dans tout le Caucase du Nord. Cette rébellion a prêté allégeance à l’EI en 2015 et a été une source importante de combattants dans les rangs des groupes djihadistes en Syrie et en Irak.
L’enquête
La section antiterroriste du parquet de Paris a été saisie compte tenu du mode opératoire de l’attaque et « sur la foi de témoignages faisant état du fait que l’agresseur a crié “Allahou akbar !” », a précisé le procureur de Paris, François Molins.
Les qualifications d’« association de malfaiteurs terroriste pour préparer la commission de crime d’atteinte aux personnes » et « d’assassinat et tentative d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste » ont été retenues.
« Son père et sa mère ont été placés en garde à vue dimanche matin », a fait savoir une source judiciaire. Le domicile familial, rue Pajol dans le 18e arrondissement, a été perquisitionné, selon une source proche du dossier.
Un troisième individu, présenté comme un ami du même âge que Khamzat Azimov, a été interpellé à Strasbourg et placé en garde à vue, dans l’après-midi. Les policiers ont perquisitionné son domicile situé dans un immeuble du quartier de l’Esplanade. Ils en sont ressortis accompagnés du jeune homme, menotté, et d’un deuxième homme, emmené lui aussi sans être menotté.
Le contexte
Cette attaque intervient sept semaines après celles du 23 mars à Carcassonne et à Trèbes (Aude), qui avaient porté à 245 le nombre de victimes tuées dans les attentats sur le sol français depuis 2015. Des attaques ont déjà été menées au couteau, notamment à Marseille en octobre 2017. La France fait partie de la coalition militaire internationale intervenant en Syrie et en Irak contre l’EI.
Le Monde.fr avec AFP et Reuters