TOKYO, CORRESPONDANT
Les pourparlers à six (la Chine, les deux Corées, les Etats-Unis, le Japon et la Russie) destinés à persuader la République populaire démocratique de Corée (RPDC) de renoncer à son programme nucléaire se sont achevés, vendredi 22 décembre à Pékin, sans résultats. Américains et Nord-Coréens s’accusent mutuellement d’être responsables de l’échec de ces cinq jours de négociations. Aucune date n’a été arrêtée pour leur reprise.
Le chef de la délégation américaine, Christopher Hill, a critiqué Pyongyang pour son « manque de sérieux », faisant valoir que son homologue nord-coréen passait d’un point de désaccord à un autre.
Pour le régime nord-coréen, toute discussion sur le fond - son programme nucléaire - doit avoir pour préalable la levée des sanctions financières qui ont conduit au gel de ses comptes à la Banco Delta Asia (BDA) de Macao. C’est sur cette question que les pourparlers ont achoppé.
Dès le redémarrage des négociations, lundi 19 décembre, Pyongyang avait exigé la levée de toutes les sanctions à son encontre, y compris celles prises à la suite de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant son essai nucléaire du 9 octobre.
Dans un communiqué signé par les six participants, le 19 septembre 2005, Pyongyang s’était engagé à renoncer à son programme nucléaire en échange de garanties de sécurité des Etats-Unis et d’une aide multilatérale. Mais, quarante-huit heures plus tard, le Trésor américain avait accusé la BDA de blanchiment d’argent et de diffusion de faux dollars pour le compte de Pyongyang, et interdit aux banques américaines toute transaction avec celle-ci.
Sous la pression de Washington, les autorités de Macao ont gelé les comptes nord-coréens à la BDA. Et, pendant treize mois, la RPDC refusa de revenir à la table de négociation.
TROUBLANTE COÏNCIDENCE
Pour Washington, les deux questions (sanctions financières et programme nucléaire) sont distinctes. « Je ne suis pas chargé de négocier la question de la BDA », a déclaré M. Hill. Parallèlement aux négociations à six, des pourparlers ont eu lieu à Pékin entre des délégations financières américaine et nord-coréenne sur le gel de comptes. Mais elles n’ont pas abouti.
La troublante coïncidence entre la signature de l’accord du 19 septembre et l’offensive du Trésor américain contre la BDA a été soulignée par le président sud-coréen, Roh Moo-hyun, qui a indirectement accusé les Etats-Unis d’avoir torpillé l’accord de septembre 2005. « La déclaration commune a été enterrée avant même de naître », a déclaré M. Roh, s’interrogeant sur l’apparente absence de coordination entre le Trésor et le département d’Etat.
Citant une source non identifiée à Macao, le quotidien sud-coréen JongAng Ilbo écrivait, jeudi 21 décembre, que la moitié des fonds bloqués à la BDA provient de paiements effectués par l’entreprise sud-coréenne Hyundai Asan, qui gère un complexe touristique en RPDC, et qu’ils ne sont donc en rien illicites.
Une autre partie des fonds (6 millions de dollars) provient de Daedong Credit Bank - le capital est détenu par des intérêts nord-coréens et étrangers -, qui vient d’être rachetée par un fonds d’investissement britannique.
Selon le Financial Times, ces 6 millions de dollars appartiennent à une société conjointe formée par British Tobacco et l’entreprise nord-coréenne Taesong, qui fabrique des cigarettes destinées au marché local. Le Trésor n’a, pour l’instant, rendu publique aucune preuve étayant ses accusations portées contre BDA.