La campagne contre les Palestiniens a pris dans les années 1990 une forme qui se voulait pacifique et diplomatique. Les évènements clés de cette phase sont les négociations israélo-palestiniennes qui se sont tenues à Madrid et à Washington de 1991 à 1993, puis les pourparlers qui ont eu lieu à Oslo et ailleurs. Les gouvernements israélien et américain affirmaient qu’il s’agissait de résoudre le conflit pacifiquement et entièrement mais avaient en fait pour principal objectif de gérer la situation tout en maintenant le statu quo pour l’occupation et la colonisation [israéliennes].
Les Palestiniens ne négociaient donc pas avec Israël par le biais d’un intermédiaire américain neutre, mais étaient opposés à deux adversaires : Israël et les États-Unis, son proche allié. Et les obstacles auxquels ils devaient faire face ne se limitaient pas à cela. Ils comprenaient aussi les régimes autocratiques du Golfe, dont la faiblesse vis-à-vis de menaces, tant externes qu’internes, faisait qu’ils demeuraient des clients obéissants et fiables pour les États-Unis, qui pouvaient alors compter sur eux pour faire pression sur l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
À cela s’ajoutaient une incompétence extrême, une méconnaissance juridique et une ignorance, de la part des négociateurs de l’OLP impliqués dans les accords d’Oslo de 1993, de la situation qui régnait en Palestine occupée. Ces gens ont accepté des conditions qui avaient été rejetées par la délégation [des Palestiniens de l’intérieur] de Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, que l’OLP avait elle-même envoyée à Washington et dont les membres se sont révélés plus réalistes et opiniâtres que la direction de l’Organisation, qui était basée à Tunis.
Les Palestiniens privés d’autodétermination
Conséquence de tous ces éléments et surtout de la collusion entre Israël et les États-Unis, le régime né des négociations de Washington de 1991-1993 et des accords d’Oslo a eu pour effet de priver les Palestiniens de l’autodétermination, tout en laissant perdurer la colonisation et l’occupation militaire. La preuve en est que l’occupation, qui entre dans sa cinquante et unième année, est toujours effective et que le nombre d’Israéliens vivant dans les colonies illégales de Cisjordanie et de Jérusalem-Est est passé de 200 000 à l’époque des pourparlers de Madrid en 1991 à plus de 600 000 aujourd’hui. Le prétendu processus de paix a donc été une phase de plus dans la campagne menée par les États-Unis et Israël contre les Palestiniens. Il avait pour premier objectif d’amener ces derniers à accepter leur défaite.
Il s’est produit un autre événement qui équivaut de fait à une autre déclaration de guerre contre les Palestiniens aux cours des douze dernières années. C’est le refus des États-Unis, de l’Union européenne (UE) et d’Israël de reconnaître le résultat des élections de 2006 remportées par le Hamas, ou de traiter avec l’ensemble du mouvement national palestinien, dont le Hamas. Ce boycott était officiellement justifié par le refus du Hamas et d’autres factions radicales de renoncer à la violence, mais il a eu pour effet de diviser et d’affaiblir le mouvement national palestinien, et c’est bien ce qui était recherché. Les actes de guerre menés au cours de cette période ont été le fait d’Israël, avec le soutien total des États-Unis, de l’UE et de plusieurs pays arabes, notamment l’Égypte. On relève entre autres le siège et le blocus de la bande de Gaza et les attaques aériennes, terrestres et maritimes massives lancées par Israël en 2008-2009, 2012 et 2014 sur cette enclave isolée et qui ont fait un nombre de victimes disproportionné. Pendant ce temps, la colonisation s’est poursuivie en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Aujourd’hui, cette oppression se fait avec la collaboration de l’Autorité palestinienne (AP) mise en place à Ramallah à la suite des accords d’Oslo. Certains Palestiniens avaient vu dans l’AP le premier pas vers un État indépendant mais, quelles que soient les illusions qu’ils aient pu avoir, elle a toujours été conçue pour protéger l’entreprise d’occupation et de colonisation israélienne. Cet organe ne possède ni souveraineté, ni compétence juridique ni autorité, sauf celle que lui laisse exercer Israël. Et l’AP continue à coopérer étroitement avec l’armée d’occupation et les services de renseignement israéliens.
Rashid I. Khalidi
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