Elle ne dure que quelques secondes, mais la vidéo du site d’information sénégalais Rewmi, visiblement tournée avec un téléphone portable, illustre la violence des émeutes du mardi 15 mai.
Des femmes hurlent d’effroi en voyant un fourgon de la police foncer sur des dizaines de manifestants en fuite aux alentours de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Les étudiants de la capitale sénégalaise, tout comme ceux des villes de Thiès et Ziguinchor, avaient emboîté le pas de leurs camarades de l’université Gaston Berger de Saint-Louis, point de départ du soulèvement estudiantin.
Depuis plusieurs semaines, de nombreux étudiants sénégalais réclament le dégel du versement de leurs bourses. En attendant, les universitaires de Saint-Louis organisent des actions “Journées sans tickets” (JST) pour fréquenter sans payer le restaurant de la faculté.
Confrontation brutale
“Les responsables des restaurants et autres responsables de l’université avaient laissé faire jusqu’à ce que les étudiants décident dans la journée de lundi de prolonger encore ces JST, croit savoir le journal Le Quotidien. Mais le rectorat avait décidé de reprendre les choses en main en signifiant aux pensionnaires de l’UBG (Université Gaston Berger) que les restaurants universitaires seront sécurisés et qu’il ne sera plus permis aux étudiants de se nourrir gratuitement.”
S’ensuit une confrontation brutale qui conduira à la mort par balle de Fallou Sène, 25 ans, étudiant à l’UGB. C’est l’annonce de ce décès qui a déclenché les révoltes estudiantines à travers le pays, qui ont fait une vingtaine de blessés, dont 18 gendarmes, selon les autorités sénégalaises.
Le gouvernement et les syndicats universitaires se renvoient la responsabilité des événements. Le responsable du Syndicat autonome des enseignants du supérieur à l’UGB, Patrice Corréa, s’exprime sur le portail d’actualités La vie sénégalaise :
Pour nous, c’est juste inadmissible qu’une vie humaine tombe dans un campus universitaire”.
De son côté, le ministre des Forces armées, Augustin Tine, “refait le film du drame en donnant l’impression de donner des circonstances atténuantes à ses hommes”, écrit Le Quotidien sur son site, qui cite l’homme politique :
Les étudiants ont encerclé les gendarmes et c’est alors que le chef des opérations, ayant senti que ses hommes étaient en danger, a réagi, ce qui a provoqué la mort du jeune Fallou Sène”.
« Le mort de trop »
Dans une vidéo publiée par Rewmi, Fadel Baro, fondateur du mouvement citoyen Y en a marre, interpelle le chef de l’État sénégalais au pouvoir depuis 2012 : “C’est la deuxième fois sous le mandat de Macky Sall que des étudiants sont tués. Récemment, il y a eu Bassirou Faye [en 2014]. Aujourd’hui, c’est le tour de Fallou Sène, dénonce-t-il. C’est le mort de trop”.
“Après le décès de 2014, ils étaient nombreux à penser que le gouvernement sénégalais allait tirer les leçons de cette tragédie et régler une bonne fois pour toutes le problème du paiement des bourses des étudiants”, rappelle L’Enquête.
Hélas ! Moins de 4 ans après cet épisode douloureux dans l’histoire du mouvement estudiantin, il est écœurant de constater qu’on en est toujours à la case départ”.
Sidy Yansané
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