Même l’organe du Parti communiste chinois s’y met : une vaste campagne pour la tolérance de la diversité des orientations sexuelles traverse les médias chinois.
Le 13 avril, une opération de nettoyage des “contenus indésirables” parmi les vidéos et les jeux de sa plateforme est lancée par Weibo, qui vise notamment des messages parlant ouvertement d’homosexualité. Cette mesure suscite une levée de boucliers qui prend la forme d’un coming out géant : les militants pour la protection des droits des homosexuels inventent le 13 avril le hashtag #JeSuisHomosexuel. Succès magistral, relève le webzine Haoqixin Ribao : “En une nuit, les dizaines de milliers de messages portant ce hashtag avaient été lus 240 millions de fois.” Ce chiffre a été multiplié par trois depuis.
Le 16 avril, Weibo réagissait en annonçant que le nettoyage de son site “ne s’en prendrait plus aux contenus homosexuels, mais seulement aux contenus pornographiques et violents”.
Appel au consensus
Le phénomène a impressionné jusqu’à la presse officielle, pourtant plus connue pour son soutien à toutes les opérations de censure décrétées par les autorités. Le 15 avril, le Renmin Ribao, le quotidien du Parti communiste chinois lui-même est intervenu discrètement dans le débat en publiant une chronique sur le sujet – faisant preuve d’une ouverture d’esprit assez exceptionnelle :
“Les enfants demandent souvent d’où ils viennent” et les parents ont bien du mal à répondre, commence par avancer précautionneusement le Renmin Ribao. Mais un petit livret les a sauvés de cette difficulté : un “Livret d’éducation à la santé sexuelle pour élèves du primaire” rédigé selon les recommandations de l’Unesco et publié pour la première fois en 2011 par les éditions de l’École normale de Pékin. “Certains ont pu trouver que ce livret ‘allait loin’, mais il est de mieux en mieux accepté”, affirme le journal (des protestations de parents avaient en effet mené à son retrait dans certaines écoles en 2017).
Dans le livret de CM2, au chapitre intitulé “Genre et droits”, est expliquée l’existence de différentes orientations sexuelles, poursuit l’article. Il y est expressément affirmé qu’il “n’y a pas qu’une seule sorte d’orientation sexuelle : l’homosexualité, comme l’hétérosexualité, appartient à la normalité, il ne s’agit pas d’une maladie”. Et Le Quotidien du peuple d’insister : “Vraiment, il doit y avoir consensus sur le fait que l’homosexualité n’est pas une maladie.”
La Chine a dépénalisé l’homosexualité en 1997 seulement. Jusque-là, elle condamnait régulièrement à la détention en camp de rééducation les personnes reconnues coupables de “hooliganisme”, euphémisme désignant alors les relations homosexuelles. L’homosexualité a été retirée de la liste des désordres mentaux en 2001, mais la société conserve une très forte réticence à l’accepter – un grand nombre d’homosexuels cachent encore leur orientation sexuelle et se marient avec quelqu’un du sexe opposé. En outre, des “thérapies de conversion” sont parfois imposées par des parents à leurs enfants qu’ils pensent malades.
Courrier International
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