Son importance s’explique du fait que, ce qui domine en Grèce jusqu’ici ce sont deux tendances pas si opposées que cela sur le fond :
- D’un côté, le soutien affirmé du gouvernement Tsipras au gouvernement israélien,
- De l’autre un positionnement campiste bien ancré dans la plus grande partie de la gauche grecque, encore renforcé dans une logique simpliste par le soutien de Tsipras à Netanyahu et donc à ses alliés internationaux.
Il faut donc d’abord rappeler la politique pro-israélienne qu’appliquent désormais Tsipras et la direction de Syriza, comme on vient de le constater avec la rencontre des premiers ministres de Chypre, d’Israël et de Grèce, pour des accords économiques et industriels, avec entre autres la volonté (par ailleurs très peu écologique) que l’exploitation d’hydrocarbures dans la partie orientale de la Méditerranée soit aux mains exclusives de ces 3 pays et de l’Égypte. Certes, Tsipras a rappelé qu’il était partisan de la solution de l’État palestinien à côté de celui d’Israël, mais il a surtout insisté sur l’objectif commun : « que nous assurions la prospérité, la stabilité et la coopération entre nos pays mais aussi avec les pays voisins et les peuples de la région ». Au moment où l’armée israélienne massacre des dizaines de palestiniens sur la frontière de Gaza, Tsipras a osé dire cela, tout en se réjouissant après cette quatrième rencontre tripartite des avancées de cette coopération… et cela pendant qu’en Grèce se tenaient des manifestations pour protester contre les crimes de l’armée israélienne et la politique de pyromane régional de Netanyahu !
Assad ami des Grecs ?
Ce qui est sûr, c’est que la politique de Tsipras, avec d’un côté la poursuite des mémorandums et de l’autre le soutien de fait à Netanyahu, ne peut que renforcer la tendance campiste qui sévit gravement dans la gauche grecque, subissant quoi qu’elle dise l’influence du KKE (PC grec). Car au-delà du KKE, l’Unité Populaire (LAE) et même des organisations anarchistes (eh oui !) baignent dans un mélange d’idéologie nationaliste et campiste, où tout ce qui semble contrer l’impérialisme occidental prend une allure sympathique, même les pires dictatures. Même la coalition anticapitaliste Antarsya n’ose pas prendre une position claire… Le schéma est simple, et fonctionne : Trump et Netanyahu sont nos ennemis, leurs ennemis sont donc nos amis ! Et du coup, la position majoritaire à gauche en Grèce, c’est un soutien de fait ou assumé à Assad et à ses protecteurs russes et iraniens, ce qui s’est traduit récemment par plusieurs manifestations contre les seules agressions impérialistes de Trump et ses complices contre le peuple syrien… Cerise sur le gâteau : le boucher syrien vient d’accorder un entretien à un journal connu de la droite grecque, Kathimerini. Assad y parle notamment de ses adversaires turc et français, arguments en béton pour renforcer un sentiment anti-impérialiste qui cache mal son fond nationaliste !
C’est dans ce contexte de confusion extrême, de danger du renforcement du racisme contre les réfugiés (pourquoi des Syriens devraient fuir la Syrie de « l’anti-impérialiste » Assad… ?), que s’est produit un événement fort bienvenu pour avancer des éléments de clarification à gauche par rapport au Proche Orient : un meeting sur la Syrie avec Joseph Daher. Autour de ce meeting, notre camarade a eu aussi des entretiens, que ce soit pour un long article dans Efimerida ton Syntakton (Quotidien des Rédacteurs, un des principaux journaux grecs) ou un entretien dans Babylonia, revue en ligne [1].
Succès du meeting Révolution et contre-révolution en Syrie
Le 26 avril a donc eu lieu ce meeting autour d’une intervention sur l’histoire récente en Syrie faite par notre camarade de la IVe Internationale, Joseph Daher. Différentes organisations et associations ont coorganisé la réunion : Initiative anarcho-syndicaliste Rocinante, Mouvement Antiautoritaire (AK), Réseau pour les Droits sociaux et politiques, Réseau pour la Gauche Radicale, Organisation de jeunesse de la gauche radicale (ONRA), site elaliberta.gr [2]. Le meeting, qui se tenait à la faculté d’économie (ASOEΕ), a été un beau succès en réunissant plus de 250 personnes et en se voulant comme initiative unitaire de soutien à la révolution syrienne engagée en 2011. Les organisations grecques s’intéressant particulièrement aux aspects suivants : les formes d’auto-organisation à la base et les comités locaux élus ou de coordination dans les zones libérées, les luttes des femmes et des minorités pour leurs droits et les libertés.
Et le meeting était placé sous le signe de la solidarité : aujourd’hui encore, un peuple révolutionnaire a besoin de notre solidarité, qui devrait être évidente face aux multiples répressions, celle d’Assad et de ses alliés, celle des États-Unis et de ses alliés, celle des forces djihadistes. Un point fort de la part des organisations, c’est leur refus de laisser croire que les évènements en Syrie ne seraient que le simple jeu entre différents impérialismes : l’élément central, c’est la lutte du peuple syrien ! Mais là aussi, il faut condamner la position méprisante existant dans la gauche grecque selon laquelle c’est la lutte du peuple syrien qui permet l’intervention des États-Unis, contre laquelle il faut défendre Assad !
Dans son intervention, notre camarade Joseph Daher est revenu sur le pouvoir dictatorial d’Assad, sur la révolte populaire de 2011, sur Rojava. Il a aussi mis en avant plusieurs points clés :
- Souhait d’un appel des forces progressistes à la fin de la guerre, celle-ci ne faisant que servir les forces contre révolutionnaires de tout côté ;
- Rejet indispensable de toute tentative de légaliser le pouvoir d’Assad ;
- Froit au retour pour tous les réfugiés, droit à des dédommagements pour les biens anéantis ;
- Procès d’Assad et ses alliés pour leurs crimes, même chose pour les forces fondamentalistes et les différentes forces armées.
Il a enfin appelé à un Front Unique sur la base des principes de la révolution syrienne : démocratie, justice sociale, égalité, non au sectarisme et au racisme.
Un meeting qui en appelle d’autres
Ce meeting constitue un pas important pour renforcer la solidarité en Grèce avec la révolution syrienne, face à toute la confusion qui règne ici quant à la situation au Proche Orient. Il est donc tout à l’honneur des différentes organisations invitantes d’avoir coorganisé cet événement, politiquement très pertinent. Les camarades de la minorité de OKDE-Spartakos [3]
ont participé activement à la préparation et à l’organisation de cette initiative autour de notre camarade syrien. Le succès de ce meeting, on peut le mesurer, d’ailleurs, dans les paroles d’un camarade syrien –plusieurs réfugiés étaient présents – qui a salué cette soirée, en soulignant qu’il s’agissait du premier meeting en Grèce en soutien à la révolution syrienne.
Tassos Anastassiadis et Christos Ionas
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