“Chaque Angolais doit 754 dollars [643 euros] à la Chine, 106 dollars à Israël, 63 dollars à la Russie, 41 dollars au Brésil, 21 dollars au Portugal…” Les noms des pays créanciers de l’Angola s’affichent à la une de l’Expansão ce 11 mai. “La dette envers la Chine représente 55,6 % de la dette publique extérieure de l’Angola, qui a atteint 38,3 milliards de dollars (32,4 milliards d’euros)”, alerte l’hebdomadaire angolais.
“Le problème, ce n’est pas seulement que l’Angola emprunte beaucoup à la Chine, c’est aussi la nature de la dette”, observe Quartz Africa, qui critique les accords de troc passés entre les deux pays :
Luanda utilise le pétrole pour effacer sa dette [en le livrant à la Chine] au lieu de le vendre sur le marché et d’obtenir des liquidités. Ce n’est pas un souci quand le [baril de] pétrole est à 100 dollars, mais ça devient risqué quand les prix chutent.”
Au Kenya, le quotidien The Standard s’inquiète aussi de la “mauvaise stratégie [qui] enterre le Kenya dans le gouffre commercial chinois”.
La Chine, par ses largesses, a su séduire beaucoup de dirigeants africains de toute façon lassés de recevoir des leçons de leurs bailleurs de fonds traditionnels en Occident. L’argent chinois vient sans contrepartie. Mais les détracteurs affirment que la Chine n’a fait qu’alourdir encore le fardeau de la dette des pays d’Afrique.”
Si la croissance du continent africain est en hausse de 1 point en 2018, à 3,5 %, selon le Fonds monétaire international (FMI), la menace du surendettement est réelle pour le Financial Times, qui craint que “les pays d’Afrique ne sombrent dans une nouvelle crise de la dette [comme dans les années 1980 et 1990], 40 % d’entre eux se trouvant aujourd’hui menacés de faillite – soit deux fois plus qu’il y a cinq ans”.
Six pays africains (Tchad, Soudan du Sud, république du Congo, Mozambique, Zimbabwe, Érythrée) sont désormais en situation de “faillite” selon le FMI, ce qui veut dire qu’ils se sont déclarés en défaut de paiement ou ne sont pas capables de rembourser leurs dettes.
15 pays africains en “faillite” ou menacés de l’être
Au milieu des années 2000, alors que le continent était en forte croissance grâce à la hausse record du prix des matières premières, de nombreux États africains ont vu leurs dettes annulées par le FMI et la Banque mondiale. Mais de nombreux dirigeants africains se sont mis à emprunter de nouveau massivement pour financer l’investissement public.
En Afrique du Sud, le Mail & Guardian lance ainsi un cri d’alarme en prenant l’exemple de la Zambie, en Afrique australe, l’un des neuf pays africains menacés de faillite :
En 2011, l’État zambien devait 2 milliards de dollars [1,7 milliard d’euros] à des créanciers extérieurs. À la fin de 2017, ce chiffre avait plus que quadruplé, pour atteindre 8,7 milliards. Les investisseurs étrangers pensent qu’il pourrait y avoir également 8 milliards de ‘dette cachée’.”
L’hebdomadaire sud-africain regrette que “des centaines de millions de dollars soient dépensés chaque année pour assurer le service de la dette, alors qu’il serait plus utile que cet argent soit consacré à la santé, à l’éducation ou au logement”. Et de dénoncer le “gouvernement de Zambie [qui] a hypothéqué l’avenir du pays”.
“Afrique, désintoxique-toi du crédit”, appelle le journal :
Comme un acheteur compulsif qui utilise une carte de crédit pour rembourser les frais d’une autre, les gouvernements africains sont trop nombreux à accepter trop facilement de s’endetter.”
Pour se prémunir contre le “piège de la dette”, “le FMI enjoint à tous les pays d’Afrique d’augmenter leurs impôts afin d’avoir plus de marge pour payer les intérêts”, rapporte le Financial Times.
Sébastien Hervieu
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