Agressions verbales, physiques, menaces, tag « LGBT hors de France » inscrit rue des Archives, à Paris, dégradations lors des Marches des fiertés nantaises, locaux de l’association LGBT d’Angers couverts de menaces de mort et de tags homophobes… trois jours avant la Marche des fiertés de Paris, une étude de l’IFOP réalisée pour l’Observatoire LGBT + de la Fondation Jean-Jaurès et la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) était présentée, mercredi 27 juin, au secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Elle dresse un constat alarmant : au total, 53 % des LGBT (lesbiennes, gays, bi, trans) ont fait l’objet d’une forme d’agression à caractère homophobe au cours de leur vie. Cette étude confirme celle de SOS-Homophobie, en mai, qui avait relevé que le nombre d’agressions physiques déclarées avait augmenté pour la deuxième année d’affilée en 2017.
Agressions verbales, physiques, menaces
Les formes verbales d’homophobie sont les plus répandues, notent les auteurs de l’étude : plus d’un quart (28 %) des LGBT (et jusqu’à 49 % chez les homosexuel·le·s) ont déjà fait l’objet d’insultes ou d’injures homophobes, dont 7 % au cours des douze derniers mois.
De même les agressions physiques ne sont par rares : un quart des LGBT (24 %) ont déjà été agressés sexuellement et plus d’un sur six (17 %) ont fait l’objet d’actes de violences physiques, dont 39 % des homosexuel·le·s résidant dans des banlieues « populaires ».
Aux violences verbales et physiques, s’ajoutent les menaces : 18 % des LGBT ont fait l’objet de menaces « d’outing » (révélation au public), cette proportion montant à 24 % chez les homosexuel·le·s et autour d’un tiers chez les homosexuel·le·s des banlieues dites « populaires » (34 %) ou perçu·e·s comme racisé·e·s (32 %).
Les auteurs de l’étude notent que « faire gay » constitue un « facteur aggravant en matière d’agressions : l’apparence physique constitue un des principaux facteurs venant accroître les risques d’exposition à des agressions. La transgression des normes esthétiques en vigueur les exposait plus à des risques de “rappel à l’ordre” dans leur vie quotidienne ».
Ils relèvent encore que les « LGBT appartenant aux minorités religieuses, ethniques ou culturelles tendent à souffrir d’une double discrimination, portant à la fois sur leur identité sexuelle ou de genre et leur appartenance à une communauté ethnique ou culturelle ».
Le milieu scolaire et l’espace public
Les agressions à caractère homophobe se produisent le plus souvent dans les établissements scolaires, puis dans les transports et dans la rue, remarque aussi l’étude. Viennent ensuite le lieu de travail, la famille ou les réseaux sociaux. Conséquence de ces agressions, 43 % des sondés disent avoir évité d’embrasser un partenaire de même sexe en public, et 34 % de fréquenter certains lieux.
En réaction à ces risques réels ou anticipés, près de six personnes LGBT sur dix (59 %) déclarent adopter des comportements visant à éviter des injures ou des agressions homophobes. Un taux qui atteint même 75 % parmi les homosexuels assumés.
L’enquête dresse un constat inattendu : c’est dans l’agglomération parisienne – qui abrite le quartier du Marais où sont concentrés la majorité des bars et boîtes de nuit gays – que se produisent le plus ces agressions, à la différence des milieux ruraux, moins concernés. « Ce qui semblait être protecteur – l’anonymat des grandes villes – ne l’est plus, relève Flora Bolter, codirectrice, avec Denis Quinqueton du nouvel observatoire de l’homophobie. La ville, qui était perçue comme un passage obligé pour un coming out personnel, n’est plus un espace de protection. »
Ce ne sont « pas des petits faits anecdotiques qui arrivent à trois personnes en France comme on voudrait nous le faire croire », insiste Mme Bolter. « On est passé de la dénégation à la reconnaissance de l’homosexualité, qui suscite le rejet », ajoute M. Quinqueton. Les codirecteurs relèvent encore qu’« on agresse plus facilement une femme qu’un homme ».
La réponse à apporter
Les auteurs de cette étude notent que 87 % des personnes LGBT souhaitent voir les propos homophobes punis au même titre que les propos racistes ou antisémites, les « personnes racisées » exprimant même plus fermement ce souhait (82 % de réponses « tout à fait ») que les « personnes non-racisées » (65 % de réponses « tout à fait »). « Les recours juridiques existent, les lois existent, le principal chantier, aujourd’hui, c’est de faire accepter la différence, la non-norme », constatent Flora Bolter et Denis Quinqueton.
L’étude repose sur un questionnaire mis en ligne du 23 mai au 6 juin. Elle a été menée auprès de 994 personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres, à partir d’un échantillon national représentatif de 12 137 Français selon la méthode des quotas. « Jusqu’à présent, l’essentiel des données sur le sujet reposait sur le rapport annuel de SOS Homophobie, basé sur les témoignages reçus par l’association », explique François Kraus, de l’IFOP.
Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes reconnaît un « retard » français dans la collecte de données l’homophobie. « Je trouve cela vraiment important qu’on puisse avoir des données précises qui nous permettent de sortir des clichés et représentations qu’on puisse avoir, qui sont forcément biaisées », a-t-elle affirmé, estimant « qu’analyser permet d’apporter des solutions ». Ella a ajouté qu’on a « un outil précis et fin qui permet d’adapter toutes nos politiques publiques ».
Le Monde.fr avec AFP