“La terre est morte”, lance un Indien waorani à la cantonnade, à l’occasion d’une visite des zones contaminées par des déchets pétroliers de la province amazonienne de Sucumbíos, au nord-est du pays.
Une visite que le collectif UDAPT (Union des victimes des opérations pétrolières de Texaco) appelle “le tour toxique” d’un territoire de 450 000 hectares où se répartissent 30 000 personnes, précise le site engagé Mongabay dont un journaliste est présent ce jour-là.
Mais mardi 12 juillet, la Cour constitutionnelle d’Équateur a mis un terme définitif à une affaire qui remonte à 1993, rapporte El Telégrafo, “en condamnant le groupe pétrolier [américain] Chevron à payer 9,5 millards de dollars [8 milliards d’euros] pour les dégâts environnementaux causés aux populations de l’Amazonie équatorienne.”
L’histoire d’un désastre
Absorbée en 2001 par Chevron Petroleum, la compagnie pétrolière Texaco a exploité, avec le soutien de la société publique équatorienne Petroecuador, des gisements pétroliers dans les secteurs du Lago Agrio (province de Sucumbíos) et d’Orellana de l’Amazonie équatorienne, au nord-est du pays. Pendant près de trente ans, de 1964 à 1992, il a été établi que le groupe a déversé des eaux contaminées et des résidus de pétrole sur des zones cultivables.
Dès 1993, le collectif dépose une plainte devant un tribunal de New York. Les plaignants accusent Chevron d’avoir déversé dans ces régions “71 millions de litres de résidus pétroliers et 64 millions de litres de pétrole brut pendant vingt-six ans”, précise Mongabay. Le procès est par la suite transféré à la justice équatorienne à la demande du groupe américain.
En 2011, un tribunal de première instance condamne la multinationale à 9,5 milliards de dollars d’amende et “à demander pardon” aux indiens affectés par la pollution, mais “Chevron soutient que la sentence est illégitime”, notait alors le site Ecuavisa.
Dans un reportage réalisé sur place en 2015, le quotidien espagnol El Diario a pu voir “les immenses fosses – des piscines – qui avaient été creusées [par Chevron] au niveau même du sol et où étaient jetés le pétrole testé, les boues contaminées suite à la perforation et les eaux de formation” [qui se forment au contact du pétrole ou du gaz lorsque l’on fore]. Tout cela “sans aucune précaution prise pour imperméabiliser le sol (…) et suivant une pratique déjà considérée à l’époque comme obsolète voire interdite, par exemple aux États-Unis.”
Selon des informations maintes fois recoupées, nombre de ces “fosses” ont ensuite été recouvertes de terre par l’entreprise, dans le but de les cacher.
L’heure des comptes
La décision de la Cour constitutionnelle apparaît irrévocable à l’issue de ce long parcours judiciaire qui a opposé le pétrolier Chevron au collectif d’indiens soutenu par des ONG internationales, telles qu’Amazon Watch (États-Unis) ou l’International Institute for Sustainable Development (IISD, Canada), comme s’en réjouit un avocat du collectif :
Nous avons gagné définitivement cette bataille dans les tribunaux équatoriens, et c’est un triomphe pour notre pays et pour le monde entier, pour tous ceux qui luttent pour un environnement sain.”
Néanmoins, des obstacles judiciaires attendent encore les plaignants, qui devront “recourir à des tribunaux dans d’autres pays où Chevron a encore des activités”, rapporte El Universo, faute de pouvoir contraindre l’entreprise à payer sa dette en Équateur.
De son côté, l’avocat de l’entreprise américaine a dénoncé “le déni de justice, la fraude et la corruption contre Chevron en Équateur”, dans un communiqué rapporté par le quotidien El Comercio.
Sabine Grandadam
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