Mi-janvier, la proposition de loi “Stop Soros” entendait obliger les ONG “encourageant l’immigration illégale” à rendre compte régulièrement de leurs activités, imposer 25 % de taxe punitive à celles percevant plus d’argent de l’étranger que de la Hongrie et bannir les Magyars ou les personnes d’autres nationalités aidant les réfugiés à rentrer dans le pays. Cette semaine, Budapest enfonce le clou et contraindrait ses “cibles” à obtenir l’aval du ministère de l’Intérieur sous peine d’interdiction d’exercer, indignant les concernés et le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks.
“Paillassons”
“Les ONG poursuivant des activités antigouvernementales avec l’argent d’un milliardaire spéculateur alimentant un réseau international usurpent leur statut. Il serait temps d’éloigner George Soros des affaires locales et européennes”, assène l’éditorialiste Ottó Gajdics sur le site du journal Magyar Idők. “Soros le philanthrope ne ferait pas de politique alors que des rapports documentés disent le contraire ? La belle affaire ! Ses paillassons – pardon, adorateurs – en Hongrie et ailleurs continuent de nier obstinément l’existence de son plan qu’il détaillait dans une tribune de 2016”, écrit Magyar Hírlap.
Publiées par Foreign Policy, ces préconisations visant à atténuer la crise des réfugiés ont servi de principale munition aux campagnes anti-Soros que le gouvernement Orbán finance depuis deux ans. Le dispositif “Stop Soros”, promu à travers un spot télévisé alarmiste expliquant que le philanthrope “implanterait des millions de migrants” et “détruirait la clôture frontalière”, s’ajoute à la longue liste des initiatives visant les intérêts de l’octogénaire. Dernière en date : un questionnaire polémique lancé cet automne sur le “plan Soros” auquel 2,3 millions de citoyens auraient répondu, selon le pouvoir.
Manœuvre politique
“Avec ce projet arbitraire et pernicieux, le gouvernement accule les ONG dans la catégorie des méchants menaçant l’intégrité du pays. Il pourrait tout aussi bien utiliser ce motif infondé contre les activistes anticorruption ou les opposants au projet nucléaire Paks II financé par Moscou”, grince HVG. Magyar Nemzet ironise : “Cette loi sera une arlésienne car elle n’aura pas la majorité des deux tiers validant son adoption. Le pouvoir se sert du bruit qu’elle suscite pour accuser à gorge déployée l’opposition de trahir la patrie, et nous voilà embarqués jusqu’aux législatives du 8 avril. Bien trouvé !”
Le diagnostic se confirme puisque le vote se déroulera après les élections faute de quorum nécessaire, comme annoncé ce jeudi 15 février par Gergely Gulyás, chef du groupe Fidesz [le parti conservateur d’Orbán] à l’Assemblée nationale. Le gouvernement attend la très probable réélection de Viktor Orbán et continue de répandre ses affiches incitant à arrêter Soros tout en accusant ses détracteurs de défendre le “parti du migrant”. Après avoir consacré une enveloppe de 93 millions d’euros aux posters et pubs anti-Soros sur l’ensemble de l’année 2017, Budapest refuse de communiquer le coût de sa nouvelle offensive.
Joël Le Pavous
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