“Un groupe d’hommes éduqués au Royaume-Uni”, accusés d’avoir “décapité des otages britanniques au nom d’une prétendue guerre sainte”. La description du quotidien The Times est crue. Elle concerne Alexanda Kotey et Shafee El-Sheikh, deux membres des “Beatles” de Daech, un groupe de quatre djihadistes partis rejoindre les rangs du groupe terroriste en Syrie et en Irak. Retenus par des rebelles syriens depuis janvier, les deux hommes intéressaient à la fois les autorités américaines – ils auraient participé à l’exécution du journaliste américain James Foley – et les autorités britanniques.
Jusqu’au lundi 23 juillet et une lettre du ministre de l’Intérieur, Sajid Javid, adressée au procureur général des États-Unis, Jeff Sessions. Dans des extraits publiés par le Daily Telegraph, il apparaît que le gouvernement britannique ne souhaite pas leur retour à Londres. “Craignant que les preuves contre eux ne soient pas suffisantes pour parvenir à une peine exemplaire, l’exécutif a accordé la priorité des poursuites pénales à Washington, où il estime qu’une condamnation davantage en adéquation avec la nature des crimes pourra être prononcée”, analyse et approuve The Times.
Une décision exceptionnelle
La suite de la missive laisse en revanche le journal conservateur perplexe. “Dans ce cas précis, de très bonnes raisons m’incitent à ne pas vous demander l’assurance que vous n’aurez pas recours à la peine de mort”, écrit Sajid Javid. Pour The Times, le ministre de l’Intérieur “aurait dû être plus ferme dans ses demandes, au risque de provoquer la colère de Washington. L’opposition à la peine de mort devrait être centrale pour le Royaume-Uni.”
Le ministre de l’Intérieur a beau préciser que cette décision“ne constitue en aucun cas un changement de position du gouvernement britannique concernant son opposition à la peine de mort et à son utilisation aux États-Unis”, les associations de défense des droits de l’homme craignent l’ouverture d’une brèche dans les principes fondamentaux du pays.
Associations et députés inquiets
En vertu de l’Extradition Act de 2003, le Royaume-Uni ne peut effectivement valider l’extradition d’un citoyen vers un État où il risque l’exécution. Dans cette affaire, le gouvernement peut s’affranchir du cadre légal, les deux hommes n’étant pas détenus sur le sol britannique et ayant été déchus de leur nationalité en début d’année. Les militants craignent ainsi que “cela ne conduise le Royaume-Uni à assouplir sa position pour d’autres cas où les preuves seraient moins évidentes”, rapporte The Guardian. À en croire le Daily Telegraph, de nombreux députés, dont Boris Johnson, ont également fait part de réserves. Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères, une telle prise de position pourrait affaiblir la capacité du Royaume-Uni à demander l’assurance que la peine de mort ne soit pas appliquée dans d’autres affaires.
Ce débat à au moins le mérite de mettre en lumière les difficultés du système judiciaire à gérer le retour des djihadistes britanniques, conclut The Times. “Sur les 400 personnes revenues de Syrie et d’Irak, seules 54 ont été jugées. Il est urgent d’étoffer notre arsenal législatif et d’élargir le périmètre des lois existantes.”
Courrier International
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