Les propos tenus devant la commission des lois tenant lieu de commission d’enquête sénatoriale par Patrick Strzoda, directeur du cabinet de la présidence de la république en a surpris plus d’un. Mis à pied pour quinze jours, la retenue correspondante sur la rémunération d’Alexandre Benalla, n’a pas encore été effectuée et ne sera effective qu’en déduction de son solde de congés à l’issue de la procédure de licenciement. Le juriste ne sera cependant pas surpris de cette information.
L’on peut débattre de la proportionnalité de la sanction à la faute, encore faut-il qu’il y ait sanction. Or, et selon la formule désormais consacrée, « à ma connaissance », le maintien de la rémunération d’Alexandre Benalla confirme que la suspension du 2 mai n’était pas une sanction . En effet, l’article 43 du Décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat dispose bien qu’il s’agit d’une mesure conservatoire « en cas de faute grave commise par un agent non titulaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun », dans l’attente d’une décision, et qu’en attendant, « L’agent non titulaire suspendu conserve sa rémunération et les prestations familiales obligatoires ». Si dans le délai de la suspension (d’un maximum de quatre mois) « aucune décision n’a été prise par l’autorité précitée, l’intéressé, sauf s’il fait l’objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions ». Il ne faut donc pas confondre « suspension » (mesure conservatoire), avec une sanction telle celle prévue par le décret, « l’exclusion temporaire des fonctions avec retenue sur rémunération », qui n’a pas été prononcée.
Ce qui signifie, en droit, que la mise à pied conservatoire ayant pris fin selon les versions entre le 19 et le 22 mai, et aucune procédure disciplinaire n’ayant été lancée durant ces quinze jours de suspension, à l’issue de cette « suspension » Alexandre Benalla était donc rétabli dans ses fonctions, et ne pouvait être privé de sa rémuneration intégrale. La reconfiguration de ses missions par son employeur relevant de son pouvoir de direction et d’organisation du travail de son subordonné ne constitue pas une sanction.
La mise en examen d’Alexandre Benalla du 22 juillet et la procédure de licenciement engagée par l’Elysée sont postérieures de deux mois à la première séquence. L’on peut en conséquence considérer que la connaissance par l’employeur le 2 mai au plus tard des faits reprochés à Alexandre Benalla n’a pas donné lieu à sanctions. Les mauvais esprits pourraient en conclure que l’observateur de la Contrescarpe a donc pu bénéficier de quinze jours supplémentaires de repos payés.
Robi Morder
Extraits du titre X (Suspension et discipline) du décret.
Article 43-2
Les sanctions disciplinaires susceptibles d’être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes :
1° L’avertissement ;
2° Le blâme ;
3° L’exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d’un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ;
4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement.
Article 44
La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée.
L’agent non titulaire à l’encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous documents annexes et à se faire assister par les défenseurs de son choix.
L’administration doit informer l’intéressé de son droit à communication du dossier.