À Srinagar le 6 août, au deuxième jour de l’opération ville morte. PHOTO Tauseef MUSTAFA / AFP
Opération ville morte à Srinagar. Depuis deux jours, la capitale de l’État indien du Jammu-et-Cachemire parait comme abandonnée par ses habitants. “Les routes et les marchés étaient déserts, les entreprises et les commerces fermés, et les transports publics paralysés en raison du déploiement massif des forces de sécurité”, rapportait The Hindustan Times le 5 août. L’opération a été menée à l’initiative des séparatistes cachemiris, qui accusent les nationalistes hindous au pouvoir à New Delhi de “chercher à modifier la démographie” de cette région, la seule à majorité musulmane dans toute l’Inde.
Lundi 6 août, la Cour suprême devait entendre les opposants à l’article 35A de la Constitution indienne, un texte qui accorde depuis 1954 à l’assemblée législative du Jammu-et-Cachemire le droit exclusif de définir “qui peut être résident permanent” et “qui peut être propriétaire foncier” dans la région, rappelle The Indian Express. Les plaignants, partisans d’une intégration absolue à l’Inde, estiment que l’article 35A va “à l’encontre des droits fondamentaux” qui prévalent dans le sous-continent, tels que “l’égalité, la non-discrimination et la liberté”.
La situation de ces dernières heures étant “sans précédent” sur le terrain, les magistrats ont finalement décidé d’“ajourner leur audience” et de donner rendez-vous aux pétitionnaires à la fin du mois d’août, le temps que la tension retombe. Il faut dire que l’examen de l’article 35A “intervient à un moment crucial de l’agenda politique local”, souligne le site d’information Scroll.in. Le 19 juin, le parti nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi, le BJP, a quitté la coalition au pouvoir au Jammu-et-Cachemire, “provoquant la chute du gouvernement régional” et le placement de la province sous la tutelle de New Delhi.
“Peu de gens ont pleuré la disparition de cet exécutif, qui était considéré comme un traître à la cause cachemirie”, estime Scroll.in. L’amertume était du reste palpable depuis longtemps déjà : à l’été 2016, la région avait été secouée par de violentes manifestations, après que l’armée indienne avait abattu Burhan Wani, l’une des grandes figures de la mouvance indépendantiste. “Pendant des décennies, la vallée du Cachemire a connu des cycles de colère et de réconciliation précaire, conclut Scroll.in, il est à craindre que les prochaines élections locales entraînent encore davantage de troubles et de morts”.
Guillaume Delacroix
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