Une icône de l’écologie impuissante à imposer un nouveau modèle
Le ministre de la transition écologique a démissionné du gouvernement avec un bilan décevant sur beaucoup des grands dossiers environnementaux et climatiques.
C’est Nicolas Hulot lui-même qui en fait l’aveu : la politique écologique et climatique du gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux. « Est-ce que les petits pas suffisent à endiguer, inverser et même à s’adapter, parce que nous avons basculé dans la tragédie climatique, et bien la réponse est non », a déclaré le désormais ex-ministre de la transition écologique et solidaire, sur France Inter, mardi 28 août.
Sur les principaux dossiers de son ministère, Nicolas Hulot dit sa déception, voire son impuissance : « Est-ce que nous avons commencé à réduire les émissions de gaz à effet de serre ? La réponse est non », a-t-il reconnu avant d’égrener la liste de ses échecs : la réduction de l’utilisation des pesticides, l’enrayement de l’érosion de la biodiversité, l’artificialisation des sols… Alors que tous les signaux du réchauffement sont au rouge et appellent des solutions urgentes, Emmanuel Macron n’a pas fait de l’environnement la priorité de son quinquennat. Le chef de l’Etat s’est contenté de paroles fortes et de gestes symboliques, mais n’a jamais fait la démonstration qu’il souhaitait changer de modèle économique.
Nicolas Hulot l’a sans doute compris dès les premiers instants de son arrivée à l’hôtel de Roquelaure, avalant au fil des mois des couleuvres de plus en plus grosses. « Je ne veux plus me mentir », a-t-il confié au micro de France Inter. L’affaire de la chasse est peut-être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Lundi 27 août, Emmanuel Macron, qui recevait le président de la puissante Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, en présence de Nicolas Hulot et de son secrétaire d’Etat, Sébastien Lecornu, aurait arbitré en faveur d’une division par deux du prix du permis de chasse (qui est actuellement de 400 euros pour la validation nationale incluant petit et grand gibier).
Défaite du nucléaire
La réforme de la chasse, promise par M. Macron aux porteurs de fusil, avait déjà donné lieu, avant l’été, à une passe d’armes entre M. Hulot et M. Lecornu. Elle ne se limite pas à la baisse du prix du permis, puisqu’elle prévoit aussi la mise en place d’une gestion adaptative des espèces, ainsi qu’un renforcement de la police de l’environnement, dans le cadre d’un regroupement, au sein d’une nouvelle structure, de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et de l’Agence française pour la biodiversité. Mais la baisse du coût du permis, dont les chasseurs espèrent qu’elle permettra de « démocratiser » leur « loisir », était sans doute inacceptable pour M. Hulot, qui s’est toujours présenté comme un défenseur de la cause animale.
Depuis un an, le ministre de la transition écologique et solidaire a perdu la plupart des arbitrages, notamment contre Bercy et contre le ministère de l’agriculture. Dans la liste de ses défaites figure, bien sûr, le nucléaire. Nicolas Hulot était apparu à contre-emploi quand, en novembre 2017, à l’issue d’un conseil des ministres, il avait dû par lui-même annoncer l’abandon de l’échéance de 2025 pour la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le « mix » électrique national. Un objectif pourtant gravé dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, qui constituait le legs principal que lui avait laissé Ségolène Royal et qu’Emmanuel Macron s’était engagé à respecter. M. Hulot avait alors expliqué vouloir faire preuve de « pragmatisme », rien n’ayant été fait par le gouvernement précédent pour préparer la baisse du nucléaire.
DEPUIS UN AN, NICOLAS HULOT A PERDU LA PLUPART DES ARBITRAGES, NOTAMMENT CONTRE BERCY ET LE MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE
Les discussions sur la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui doit fixer la trajectoire des renouvelables et du nucléaire pour les dix prochaines années, montraient combien le ministre de la transition écologique était isolé au sein de l’exécutif, face à un chef de l’Etat et un premier ministre ouvertement pronucléaires. Alors que M. Hulot souhaitait que cette PPE comporte un échéancier précis, avec le calendrier et le nombre des arrêts de réacteurs nécessaires pour descendre à 50 % du « mix » électrique, les arbitrages en cours laissaient prévoir un texte beaucoup plus flou, repoussant une nouvelle fois à plus tard la baisse du nucléaire. Le comble est que M. Hulot risquait, dans ce domaine, de ne pouvoir afficher comme seul bilan que la fermeture de la centrale nucléaire alsacienne de Fessenheim, déjà promise par François Hollande avant la fin de son quinquennat, mais qui, liée à la mise en service de l’EPR de Flamanville (Manche), n’a cessé d’être différée et n’est plus attendue avant 2020.
L’un des échecs les plus humiliants de Nicolas Hulot fut son éviction de la tenue et du suivi des Etats généraux de l’alimentation, à l’automne 2017. Alors qu’il en avait fait un marqueur de son action, voulant « redéfinir un modèle agricole et alimentaire », plus sain et respectueux de l’environnement, la tenue de ce rendez-vous comme la loi qui en a découlé ont été entièrement maîtrisées par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Stéphane Travert. Avec lequel les rapports étaient plus que tendus. Sur le dossier emblématique du glyphosate, Nicolas Hulot avait affirmé son regret de n’avoir pas imposé son interdiction dans la loi sur l’alimentation, votée fin mai, justifiant de ne pouvoir tout réussir en un an.
Petite victoire
Bien sûr, le ministre de la transition écologique peut se targuer de quelques succès, ou à tout le moins, d’avoir pu limiter les dégâts. La décision d’abandonner la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à proximité de Nantes, alors que, depuis plusieurs décennies, tous les gouvernements en avaient défendu la nécessité, sans pour autant en démarrer le chantier, fut considérée comme une preuve évidente de son poids auprès d’Emmanuel Macron.
Au début de l’été, l’ex-président de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme savourait une autre petite victoire. Dans le vaste chantier, désormais reporté, de la réforme des institutions, il obtient de l’exécutif que les mots « environnement, climat et biodiversité » figurent dans l’article premier de la Constitution, et non dans l’article 34, comme l’avait pourtant annoncé le premier ministre, Edouard Philippe, en avril.
Sur le dossier de la biodiversité, il laisse un plan mais le ministre ne nourrit aucune illusion. « Je vous présenterai un plan pour la biodiversité, mais tout le monde s’en fiche, à part quelques-uns », avait lancé M. Hulot aux parlementaires, en rappelant le rythme catastrophique de l’érosion du vivant. Un plan en faveur de la biodiversité a bien été présenté début juillet, porté par un comité interministériel. Mais, donnant l’impression d’un vaste catalogue de mesures, il a été critiqué par les associations environnementales, qui jugent qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux et qu’il ne bénéficie pas de moyens financiers suffisants pour lutter efficacement contre la disparition des espèces et la dégradation des milieux naturels.
Le 6 juillet, à l’occasion du premier anniversaire de son ambitieux « plan climat », destiné à mettre la France sur la voie de la neutralité carbone au mitan du siècle, Nicolas Hulot dressait déjà un constat d’échec : « Malgré la mobilisation de tous les acteurs, le découplage entre les activités économiques et les émissions de gaz à effet de serre n’est toujours pas là », convenait publiquement le ministre.
Rémi Barroux, Sophie Landrin, Simon Roger et Pierre Le Hir
• LE MONDE | 28.08.2018 à 10h42 • Mis à jour le 28.08.2018 à 13h23 :
https://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2018/08/28/nicolas-hulot-une-icone-de-l-ecologie-impuissante-a-imposer-un-nouveau-modele_5346951_3244.html
Ce que l’ex-ministre a dit en direct
Verbatim. Le ministre, invité de France Inter, a pris tout le monde de court en annonçant sa démission du gouvernement. Voici les principaux extraits de son interview.
« Je ne comprends pas que nous assistions à la gestation d’une tragédie bien annoncée dans une forme d’indifférence. La planète est en train de devenir une étuve, nos ressources naturelles s’épuisent, la biodiversité fond comme neige au soleil. Et on s’évertue à réanimer un modèle économique qui est la cause de tous ces désordres. Je ne comprends pas, comment, après la conférence de Paris, après un diagnostic imparable, ce sujet est toujours relégué dans les dernières priorités. Contrairement à ce que l’on dit, la France fait beaucoup plus que beaucoup de pays. Mais, la pression du court terme sur le premier ministre est si forte qu’elle préempte les enjeux de moyen et long termes. Je demeure dans ce gouvernement tout seul à la manœuvre.
Le premier ministre, le président, ont été pendant ces quatorze mois à mon égard d’une affection, d’une loyauté et d’une fidélité absolues. Mais au quotidien, qui ai-je pour me défendre ? Ai-je une société structurée qui descend dans la rue pour défendre la biodiversité ? Ai-je une formation politique ? Est-ce que les grandes formations politiques et l’opposition sont capables de se hisser au-dessus de la mêlée pour s’entendre sur l’essentiel ? Alors nous faisons des petits pas.
Avons-nous commencé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? Non. Avons-nous commencé à réduire l’utilisation des pesticides ? Non. Ou à enrayer l’érosion de la biodiversité ? Non.
« Peut-être n’ai-je pas su convaincre »
Je vais prendre la décision la plus difficile de ma vie. Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l’illusion que ma présence au gouvernement signifie qu’on est à la hauteur sur ces enjeux. Et donc, je prends la décision de quitter le gouvernement. Aujourd’hui.
C’est la décision la plus douloureuse. Que personne n’en tire profit ! Car la responsabilité est collégiale, collective, sociétale. J’espère que cette décision qui me bouleverse, qui est mûrie depuis de longs mois, ne profitera pas à des joutes ou à des récupérations politiciennes. J’ai une immense amitié pour ce gouvernement auquel je m’excuse de faire une mauvaise manière, mais sur un enjeu aussi important, je me surprends tous les jours à me résigner, à m’accommoder des petits pas alors que la situation mérite qu’on change d’échelle.
C’était un véritable dilemme en sachant que si je m’en vais, je crains que ce soit pire, soit je reste, mais en donnant le sentiment par ma seule présence que nous sommes en situation d’être à la hauteur de l’enjeu. C’est une décision d’honnêteté et de responsabilité. Je souhaite que personne ne fustige ce gouvernement, car c’est l’ensemble de la société et moi qui portons nos contradictions.
Peut-être n’ai-je pas su convaincre. Peut-être n’ai-je pas les codes. Mais, si je repars pour un an, cela ne changera pas l’issue. J’ai pris cette décision hier soir. Elle a mûri cet été. J’espérais qu’à la rentrée, fort des discussions que j’ai eues avec le premier ministre, avec le président, il y aurait un affichage clair.
« Accumulation de déceptions »
Cela va paraître anecdotique, mais c’est un élément qui a achevé de me convaincre que cela ne fonctionne pas comme ça devrait. On avait une réunion hier à l’Elysée sur la chasse, et j’ai découvert la présence d’un lobbyiste qui n’était pas invité. C’est symptomatique de la présence des lobbyistes dans les cercles du pouvoir. C’est un problème de démocratie. Qui a le pouvoir ? Qui gouverne ? J’ai dit à Thierry Coste qu’il n’avait rien à faire là. Mais ma décision ne vient pas simplement d’une divergence sur la réforme de la chasse. C’est une accumulation de déceptions. C’est surtout que je n’y crois plus.
Je n’ai pas forcément de solution. Je n’y suis pas parvenu. J’ai obtenu certaines avancées. Mais je n’ai pas réussi, par exemple, à créer une complicité de vision avec le ministre de l’agriculture alors que nous avons une opportunité exceptionnelle de transformer le modèle agricole. Je n’ai pas prévenu Emmanuel Macron et Edouard Philippe de ma décision. Je sais que ce n’est pas forcément très protocolaire. Je sais que si je les avais prévenus avant, peut-être ils m’en auraient, une fois encore, dissuadé. J’ai une profonde admiration pour eux, mais sur les sujets que je porte, on n’a pas la même grille de lecture.
J’espère que mon départ provoquera une profonde introspection de notre société sur la réalité du monde. Sur le fait que l’Europe ne gagnera que si l’Afrique gagne. Où est passée la taxe sur les transactions financières, qui était le minimum pour tenter d’aider l’Afrique ? Le nucléaire, cette folie inutile économiquement et techniquement, dans lequel on s’entête… C’est autant de sujets sur lesquels je n’ai pas réussi à convaincre. J’en prends ma part de responsabilité. »
• LE MONDE | 28.08.2018 à 10h49 • Mis à jour le 28.08.2018 à 12h55 :
https://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2018/08/28/demission-de-nicolas-hulot-c-est-un-probleme-de-democratie-qui-a-le-pouvoir_5346956_823448.html
Démission de Nicolas Hulot : quel est son bilan écologique ?
Le ministre de la transition écologique a démissionné mardi. En quinze mois, il a obtenu quelques avancées, mais a aussi dû faire de nombreuses concessions.
« Make our planet great again », lançait Emmanuel Macron en juin 2017. En paraphrasant le slogan de Donald Trump (« Make America great again »), le jeune chef d’Etat français veut s’afficher comme le leader de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais un an et quelques mois plus tard, lassé des « petits pas » et de se « résigner », le ministre de la transition écologique et numéro trois du gouvernement, Nicolas Hulot, claque la porte.
Entre ces deux dates, quelques avancées mais surtout beaucoup d’aménagements et de concessions.
Les concessions
De possibles dérogations à l’interdiction du glyphosate dans trois ans
Après la décision de l’Union européenne, en novembre 2017, de renouveler la licence de l’herbicide controversé pour cinq ans, le président de la République promet que la substance, principe actif du Roundup de la firme Monsanto, sera bien interdite en France « au plus tard dans trois ans ». Nicolas Hulot, qui soutient cette position, réaffirme plusieurs fois cette échéance avant de devoir la nuancer en évoquant des « exceptions si, dans un secteur particulier ou une zone géographique, certains agriculteurs ne sont pas prêts en trois ans ». Fin janvier, le ministre de l’agriculture Stéphane Travert – avec lequel le ministre de l’écologie était en conflit ouvert sur de nombreux sujets – a déclaré que la France allait « essayer de sortir » du glyphosate dans les trois ans, ajoutant que « tant qu’il n’y a pas de substitution, il n’y a pas de suppression ».
Les députés ont par ailleurs rejeté un amendement, publiquement soutenu par Nicolas Hulot, visant à inscrire dans la loi l’interdiction du pesticide.
Un texte jugé laxiste sur les perturbateurs endocriniens
A son arrivée au pouvoir, le gouvernement d’Edouard Philippe prend le contre-pied de la position de son prédécesseur sur le dossier des perturbateurs endocriniens. Après des mois d’opposition, notamment par la ministre de l’environnement d’alors, Ségolène Royal, la France vote finalement, le 4 juillet 2017 au niveau européen, pour une définition jugée laxiste et inefficace par la communauté scientifique de ces substances chimiques omniprésentes dans l’environnement humain. Ce premier renoncement environnemental du quinquennat sera finalement de courte durée : le Parlement européen a depuis rejeté ce texte, forçant la Commission à revoir sa copie.
Le report de l’objectif de réduction du nucléaire
Emmanuel Macron avait promis de respecter la loi sur la transition écologique de 2015, qui prévoit une baisse à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’énergie. Mais encore faut-il y parvenir : suite à un rapport insistant sur les difficultés à approvisionner la France en électricité en cas de fermeture de quatre centrales à charbon et de réacteurs nucléaires, Nicolas Hulot doit admettre lui-même, fin 2017 qu’il sera « difficile » de tenir l’objectif, et qu’une nouvelle date sera proposée.
L’adoption du CETA sans véritables garde-fous
Un an avant l’adoption du CETA, Nicolas Hulot, qui n’était pas encore ministre, avait signé une tribune dans Le Monde pour exprimer ses craintes sur ce traité commercial Europe-Canada, jugé dangereux pour l’environnement par de nombreuses ONG. Malgré sa nomination, il n’a pu faire échouer son approbation et son entrée en vigueur provisoire, à l’automne 2017. Tout juste le gouvernement français a-t-il annoncé un « plan d’action » sans réelle substance, censé encadrer la mise en œuvre de l’accord. Ainsi, le « veto climatique » promis par la France pour protéger les mesures pro-environnement du mécanisme d’arbitrage privé n’a toujours pas été concrétisé.
Les promesses vagues des états généraux de l’alimentation
Ce sera l’un des « coups de blues » publics de Nicolas Hulot : au sortir de cette rencontre avec le secteur de l’alimentation, fin décembre, le ministre confie au Monde que « le compte n’y est pas ». Et pour cause : c’est le ministère de l’agriculture de Stéphane Travert qui mène débats et conclusions, soucieux avant tout de ne pas brusquer le monde agricole. Les quelques annonces issues des rencontres sont essentiellement des vœux pieux : « objectif de 15 % de surface utile agricole » d’ici 2022, « objectif de 50 % de produits bio » dans la restauration collective publique d’ici à la fin du quinquennat… Mais rien sur le climat, ni les pesticides, déplorent associations et ONG.
La fin de la subvention pour les vélos électriques
C’est un petit renoncement, mais il est exemplaire : lancé en février 2017 par Ségolène Royal, ce bonus de 200 euros maximum pour l’achat d’un vélo électrique est victime de son succès, avec 150 000 demandes d’accès au dispositif. Trop cher, estime Bercy, qui le rabote dans le cadre du projet de loi de finances 2018, le réservant aux ménages non imposables, au grand dam du secteur, ravi de cette aide qui dopait les ventes.
Le refus de généraliser l’étiquetage alimentaire
Dans la loi agriculture et alimentation, plusieurs amendements avaient été déposés pour rendre obligatoire l’étiquetage Nutri-Score sur les produits alimentaires, destiné à visualiser leur valeur nutritionnelle, qui était testé depuis novembre 2017. Mais sur ce sujet, c’est le ministère de l’agriculture qui a eu le dernier mot et le projet de généralisation a été abandonné pour éviter de « fragiliser l’expérimentation au niveau européen ».
La baisse du coût du permis de chasse
L’annonce du 27 août 2018 a-t-elle été le coup de grâce ? Emmanuel Macron a confirmé une forte baisse (de 400 à 200 euros) du permis de chasse national pour contenter le lobby des chasseurs, alors que Nicolas Hulot y était opposé. Pour faire passer la mesure, le dossier avait été confié non pas au ministre mais à son secrétaire d’Etat, Sébastien Lecornu.
Les avancées
L’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes
Le 17 janvier 2018, le premier ministre Edouard Philippe a annoncé l’abandon du projet d’aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes, mettant fin à cinquante années de tergiversations. Dans un entretien au Parisien, Nicolas Hulot, opposant de longue date au projet d’aéroport, avait déclaré être « convaincu que c’est la moins mauvaise des solutions qui a été retenue ». Cependant, l’avenir des terres agricoles reste encore en suspens. Le ministre de la transition écologique et la préfète de Loire-Atlantique, Nicole Klein, ne sont pas parvenus à trouver un accord lors de la médiation organisée avec les habitants historiques de la ZAD (zone à défendre). En avril, Hulot implorait ces derniers « de ne pas rater la dernière marche » vers la régularisation de leur situation.
La fin de la vente de véhicules essence ou diesel à l’horizon 2040
Engagement du candidat Macron pendant la campagne présidentielle, la fiscalité du diesel va progressivement être alignée sur celle de l’essence jusqu’en 2021. La mesure a été votée par les députés à l’automne dernier. Nicolas Hulot a également fixé en juillet 2017 un objectif de fin de commercialisation des véhicules roulant à l’essence ou au gazole d’ici à 2040.
L’extension de la prime à la casse
C’était l’une des promesses les plus visibles du programme transport d’Emmanuel Macron : la prime à la casse étendue à l’achat d’un véhicule d’occasion plus récent et moins polluant. Depuis début 2018, tous les propriétaires d’un véhicule ancien peuvent toucher une prime de 1 000 euros, voire de 2 000 euros s’ils sont non imposables, en achetant une voiture neuve ou un véhicule d’occasion récent.
La rénovation énergétique des logements
Nicolas Hulot a annoncé au printemps 2018 un plan quinquennal de rénovation énergétique des bâtiments. Il contient une série de mesures censées permettre d’atteindre les 500 000 rénovations annuelles promises par Emmanuel Macron pendant sa campagne.
Toutefois, après avoir annoncé sa démission, le 28 août, l’ex-ministre a lui-même mis en doute la crédibilité de cet objectif, en regrettant que les aides à la rénovation aient été réduites « de moitié ». Il a également échoué à imposer son idée de bonus-malus modulé en fonction des performances énergétiques sur la vente des logements.
La fin de nouveaux permis d’hydrocarbures en France d’ici à 2040
Nicolas Hulot a fait voter fin 2017 une loi qui programme la fin de la production pétrolière et gazière sur le sol français. Cette extinction sera toutefois très progressive : certes, plus aucun permis de recherche ou d’exploitation ne peut être aujourd’hui délivré. Mais les 62 concessions déjà attribuées pourront potentiellement être renouvelées jusqu’en 2040 – voire plus tard, si leurs titulaires démontrent qu’ils ne les ont pas encore rentabilisées.
La portée de ce projet de loi était très symbolique, puisque l’extraction de pétrole du sous-sol français (800 000 tonnes en 2016) et celle de gaz (400 millions de mètres cubes) ne couvrent qu’environ 1 % de la consommation nationale.
Les Décodeurs
• LE MONDE | 28.08.2018 à 12h40 • Mis à jour le 28.08.2018 à 14h42 :
https://abonnes.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/08/28/glyphosate-nucleaire-nddl-quel-bilan-ecologique-pour-nicolas-hulot_5347054_4355770.html
Démission de Nicolas Hulot : « C’est la fin d’une illusion » pour les écologistes
La nomination en mai 2017 de Nicolas Hulot à la tête du ministère de la transition écologique et solidaire avait suscité beaucoup d’espoirs chez les écologistes. Mais son départ suscite des craintes sur la politique environnementale du gouvernement.
Les espoirs étaient grands du côté des écologistes au moment de la nomination, en mai 2017, de Nicolas Hulot à la tête du ministère de la transition écologique et solidaire. Mais le désenchantement a été rapide et la démission de M. Hulot marque la « fin d’une illusion » pour beaucoup d’écologistes, qu’ils soient dans la majorité ou l’opposition.
Ainsi pour Matthieu Orphelin, député de La République en marche et proche de M. Hulot, la décision du ministre de la transition écologique et solidaire « doit sonner comme un électrochoc. Pour tout le monde » :
« Il faut faire plus, beaucoup plus. Pour le climat, la biodiversité, l’environnement, la solidarité. Et changer de modèle et de priorités. Car pour l’instant, on va dans le mur. »
« Il a eu du courage d’entrer dans ce gouvernement. Nicolas Hulot a essayé, c’est la fin d’une illusion », et cette démission est une « mauvaise nouvelle pour l’écologie », a déploré l’eurodéputé d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Yanick Jadot. Il rejette la faute sur le président de la République Emmanuel Macron, qui « a manipulé Nicolas Hulot comme il l’a fait avec Jean-Louis Borloo » et qui « reste le meilleur ami des lobbys ».
« Chapeau à Nicolas Hulot d’avoir pris ses responsabilités en démissionnant d’un gouvernement libéral et anti-écologiste. Il ne pouvait plus servir de caution et avaler des couleuvres », a également salué sa collègue au Parlement européen, Michèle Rivasi. « Puisse sa démission servir de déclic », a-t-elle souhaité.
« Orphelins »
D’autres tirent également la sonnette d’alarme : « Nicolas Hulot annonce son départ du gouvernement par l’omniprésence des lobbys. L’écologie et les biens communs sont encerclés par les intérêts privés », a déploré le secrétaire national EELV, David Cormand. Le bilan de M. Hulot à la tête de son ministère est également très contesté du côté des écologistes.
« Les mesures qu’il a eues à prendre étaient des mesures dans le meilleur des cas faibles, et dans le plus mauvais contre-productives », a jugé l’ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage sur BFM-TV.
« Je le dis avec d’autant plus de tristesse que j’étais un soutien d’Emmanuel Macron pendant la campagne, parce que j’étais convaincu que son intelligence lui permettait de percevoir l’urgence des enjeux, et je constate que je me suis trompée. »
Du côté des ONG, le sentiment est le même. « Quel gâchis ! Il aura essayé mais n’a jamais pu s’imposer dans un gouvernement pour lequel l’écologie n’est qu’un vernis, a réagi Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. Alors que l’été a montré l’ampleur des dérèglements du climat, le gouvernement n’a pas le choix : avec ou sans Hulot, il doit faire de l’écologie une priorité. »
« Ce matin on a le sentiment d’être un peu orphelins », regrette de son côté Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) :
« Soit le président entend le message de Nicolas Hulot, soit il persiste, et c’est très inquiétant. Rien n’a changé depuis quarante ans et le livre écrit par Robert Poujade [premier ministre de l’environnement en France] qui s’appelait “Le Ministère de l’impossible”. La boucle est bouclée… »
• LE MONDE | 28.08.2018 à 12h34 • Mis à jour le 28.08.2018 à 12h38 :
https://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2018/08/28/c-est-la-fin-d-une-illusion-les-ecologistes-inquiets-apres-la-demission-de-nicolas-hulot_5347050_823448.html
Déforestation : « Le gouvernement doit définir des règles et les appliquer fermement »
Le gouvernement français compromet sa propre stratégie nationale contre l’importation de produits qui concourent à la déforestation, s’indigne Clément Sénéchal, chargé de campagne à Greenpeace France, dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Il y a plus d’un an, le 6 juillet 2017, la France se dotait d’un plan Climat avec, parmi ses objectifs, celui de lutter contre la déforestation importée. Ce terme désigne la part des produits que nous importons de différentes régions du monde et qui contribuent à la déforestation dans les pays dont ils proviennent. La déforestation représente entre 12 % et 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (une part proche de celle du secteur des transports). La France est directement concernée, du fait qu’elle importe de nombreuses matières premières et produits transformés associés à la déforestation : bois, huile de palme, soja, cacao, café, caoutchouc…
Avec des mois de retard, une première mouture de la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) a enfin été proposée, le 3 juillet, par le gouvernement, et une version finale est attendue pour la rentrée. Malheureusement, en l’état, ce texte condense tous les vices classiques des tentatives écologiques en milieu ultralibéral, pour aboutir in fine à une démission lamentable de la puissance publique.
Un problème global
Pour commencer, la SNDI vise l’horizon 2030. La France s’est pourtant engagée auprès de l’ONU à mettre un terme à la déforestation en 2020 (c’est l’Objectif de développement durable n° 15). Pourquoi, alors, repousser l’échéance ? Cela revient à dissoudre le sens de l’urgence, en repoussant la résolution du problème. C’est aussi se défausser de ses responsabilités : Nicolas Hulot sera-t-il encore ministre dans douze ans, quand il faudra rendre des comptes ?
LA STRATÉGIE NATIONALE SOUHAITE ENCOURAGER LA « FINANCE VERTE », MAIS REFUSE D’INTERDIRE OU MÊME DE PÉNALISER LA FINANCE DITE « BRUNE », CELLE QUI PORTE ATTEINTE À L’ENVIRONNEMENT
Autre exemple : la SNDI ne vise qu’un certain nombre de matières premières et en laisse d’autres de côté, comme… le bois, mais aussi le colza, le café, le coton, le cuir, etc. A quoi bon morceler un problème global, au risque de substituer des flux de matières à d’autres ? De même, la stratégie retenue s’occupe des forêts tropicales mais oublie les forêts boréales, pourtant menacées. D’ailleurs, si la Suède résiste aujourd’hui si mal aux incendies, c’est à cause de la monoculture massive de résineux exotiques largement destinés à la surconsommation européenne de produits papetiers à usage unique : emballages, papier toilette, gobelets, serviettes jetables, etc.
Mais le plus grave réside certainement dans l’application avec laquelle la SNDI s’interdit d’évoquer la moindre mesure réglementaire, alors même que cette option figurait dans le texte liminaire du plan Climat. Comme s’il était interdit d’interdire en matière d’environnement. Nulle part le mot sanction ne figure dans le texte.
La SNDI souhaite encourager la « finance verte », mais refuse d’interdire ou même de pénaliser la finance dite « brune », celle qui porte atteinte à l’environnement. Elle souhaite étendre le marché des certifications « écologiques », alors qu’aucune n’a fait ses preuves en quinze ans et qu’une telle approche dispense surtout les Etats de sanctionner la déforestation. Elle veut « verdir » les agrocarburants de première génération au lieu de les interdire, alors que leur consommation croissante a un impact désastreux pour le climat et la biodiversité.
A ce sujet, le gouvernement, en mai, avait autorisé Total à importer jusqu’à 550 000 tonnes d’huile de palme dans son usine de La Mède (Bouches-du-Rhône) pour faire des agrocarburants (ce qui représente plus de la moitié des importations françaises actuelles d’huile de palme), alors même que Nicolas Hulot avait déclaré vouloir en finir avec ce carburant nocif.
Projet de méga mine d’or
La stratégie gouvernementale prétend réduire notre dépendance au soja d’Amérique du Sud, responsable de la disparition de millions d’hectares au Brésil et en Argentine, mais ne fixe aucun indicateur quantitatif ou calendaire et n’évoque pas la réduction de la consommation de viande et de produits laitiers, point pourtant indissociable de cette question.
Elle préconise aux acteurs du développement français de ne plus financer de programme risquant d’entraîner de la déforestation, ce qui n’empêche pas l’Agence française de développement de porter actuellement un programme d’exploitation industrielle massive de la forêt tropicale du bassin du Congo en RDC ! Enfin, elle entend mettre un terme à la déforestation importée sans s’occuper des risques de déforestation sur le territoire français, alors que la forêt amazonienne guyanaise se trouve sous la menace d’un projet de méga mine d’or.
Sur le front de la déforestation, l’approche incitative a fait son temps, il est temps de changer de paradigme. Les industriels eux-mêmes, aux premières loges de la raréfaction des denrées qu’ils exploitent, attendent cet interventionnisme, car ralentir sans contrainte publique, c’est se voir condamné dans la compétition économique. Les ONG qui travaillent sur ce sujet l’appellent de leurs vœux depuis des années. La rentrée sera-t-elle l’occasion pour ce gouvernement de prendre enfin ses responsabilités ? Il revient au régulateur public de définir des règles et de les appliquer fermement. Nous n’avons plus de temps pour l’écologie velléitaire.
Clément Sénéchal (Chargé de campagne et porte-parole de Greenpeace France)
• LE MONDE | 25.08.2018 à 06h32 • Mis à jour le 25.08.2018 à 10h43 :
https://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2018/08/25/deforestation-le-gouvernement-doit-definir-des-regles-et-les-appliquer-fermement_5346067_3232.html
Les grandes villes françaises sont en passe de perdre la bataille du climat
Selon une étude du WWF publiée vendredi, les dix principales métropoles doivent doubler ou tripler leur effort avant 2030 pour tenir les engagements de l’accord de Paris.
Les métropoles françaises, qui se veulent en pointe dans la lutte contre le réchauffement, aiment répéter que c’est dans les villes que se gagnera la bataille du climat. Si l’on en croit le WWF (Fonds mondial pour la nature), au rythme actuel, cette bataille est perdue. L’organisation de défense de l’environnement publie, vendredi 6 juillet, à l’occasion du premier anniversaire du Plan climat porté par Nicolas Hulot, une étude sur « le défi climatique des villes ».
Etabli avec la société de conseil, EcoAct, le document met en lumière, pour la première fois, le « budget carbone » des dix plus grandes métropoles françaises au regard à la fois de l’objectif national d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et de l’accord de Paris, adopté lors de la COP21, de maintenir le réchauffement global en dessous de 2 °C, voire de 1,5 °C.
Le budget carbone désigne la quantité maximale de gaz à effet de serre que l’humanité peut encore émettre avant de dépasser l’objectif de limitation du réchauffement. Ce plafond a été estimé pour la première fois par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) en 2013. Pour leur étude, le WWF et EcoAct ont décliné ce budget carbone à l’échelle de la France, puis au niveau des dix premières métropoles, dans lesquelles vivent 20 % des Français.
« Près de quinze ans de retard »
Ils ont ensuite passé au crible les engagements des villes pour estimer l’évolution de leurs émissions jusqu’en 2050. Conclusion : « Sur la base de leurs engagements actuels, les métropoles ont près de quinze ans de retard pour l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 », écrit Pascal Canfin, le directeur général de WWF France.
Au rythme actuel, si elles ne revoient pas leurs ambitions, les dix agglomérations retenues auront épuisé leur budget carbone en 2036 pour un objectif de 2 °C, et dès 2022 pour une limite de réchauffement à 1,5 °C. La métropole du Grand Paris est l’une de celles où l’urgence est la plus forte, avec une échéance à 2025 pour un objectif de 2 °C, contre 2031 pour Lille et Lyon, 2039 pour Bordeaux. Pour corriger le tir, les métropoles doivent prendre des mesures immédiates et doubler ou tripler le niveau de leurs ambitions à l’horizon 2030, estime le WWF : « Tout retard pris à court terme rendra difficile, voire impossible le respect de son droit à émettre. »
« Les villes sont un écosystème très important pour la politique climat, elles concentrent 67 % des émissions de gaz à effet de serre en France, explique Pierre Cannet, responsable du programme climat au WWF France. Beaucoup de villes se sont fortement mobilisées, avec des engagements sur la neutralité carbone, sur les énergies renouvelables, une dynamique existe. Mais ce n’est pas suffisant, ça va trop lentement. La question des prochains mois, c’est comment massifier la décarbonation avec des solutions déjà existantes, sans attendre des innovations qui changeraient tout. »
« Ce sera un travail énorme »
Au moment où nombre de ces métropoles discutent de leur plan climat-air-énergie territorial, un projet de développement durable obligatoire avant la fin 2018, le WWF et EcoAct proposent à ces collectivités des scénarios de réduction drastiques de leurs émissions de gaz à effet de serre, en agissant sur l’énergie, les transports, les bâtiments, les déchets, l’alimentation…
Un objectif illusoire ? « Tout n’est pas perdu, il est possible de frôler le zéro émission et de compenser le peu qui reste par du stockage de carbone, en changeant les pratiques agricoles et la gestion des forêts, mais ce sera un travail énorme, on n’est qu’au début du virage », assure M. Cannet.
Pour le WWF, qui accompagne la métropole de Rouen-Normandie dans une « COP21 » locale pour impliquer tous les acteurs dans un processus débouchant sur un engagement contractuel, cette transition nécessitera une multiplication de partenariats locaux entre les collectivités, les acteurs économiques, le milieu rural environnant… et le gouvernement. « L’Etat doit aider les métropoles à tenir leurs objectifs en renforçant les moyens attribués à la transition écologique des territoires », plaide M. Cannet. Les maires demandent ainsi qu’une partie de la contribution climat énergie soit fléchée vers les collectivités.
Grégoire Allix
• Le Monde | 06.07.2018 à 06h47 • Mis à jour le 06.07.2018 à 11h28 :
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