Le départ de Nicolas Hulot aurait-il libéré les esprits et les initiatives ? Au lendemain de la démission du ministre de la transition écologique, qui dénonçait notamment le nucléaire comme « une folie inutile où l’on s’entête », Les Echos révèlent un rapport dans lequel deux industriels pronucléaires recommandent au gouvernement la relance d’un programme de construction de centrales. Une conclusion d’autant plus surprenante que ce document avait été commandé au printemps par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et par… Nicolas Hulot.
« Si je m’en vais, il va y avoir trois EPR de plus dans les prochaines années », confiait ce dernier début août à Libération, qui a publié ses propos après sa démission. En réalité, il faudrait construire six de ces réacteurs à partir de 2025 pour un premier démarrage dix ans plus tard, selon le rapport. Ses auteurs sont Yannick d’Escatha, conseiller du PDG d’EDF et ex-administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique, et Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement jusqu’en juin 2017.
« Ce n’est pas un rapport qui décide de la politique du gouvernement »
Il faut maintenir les compétences dans ce secteur, plaident les rapporteurs. Sans la vente de nouveaux réacteurs de troisième génération (seulement six ont été vendus depuis 2003), c’est l’avenir de la troisième filière industrielle française (plus de 200 000 salariés) qui serait menacé. « Ce n’est pas un rapport qui décide de la politique du gouvernement », a réagi M. Le Maire jeudi matin, sur Radio Classique. Le ministre a renvoyé au plan de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui fixera à l’automne la feuille de route du gouvernement pour les cinq prochaines années.
Le choix d’une relance – ou non – du nucléaire est au cœur des arbitrages. Le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, s’est toujours prononcé en faveur de cette énergie. Tout comme le premier ministre, Edouard Philippe, directeur des affaires publiques d’Areva entre 2007 et 2010. M. Le Maire y voit, de son côté, « un atout pour la France ». Il faudra néanmoins, prévient-il, attendre la mise en service de l’EPR de Flamanville (Manche) avant d’envisager de nouveaux chantiers. Celui-ci ne sera pas raccordé au réseau avant début 2020, pour un coût qui a déjà plus que triplé (11 milliards) et un chantier qui a près de huit ans de retard.
Jean-Michel Bezat
• LE MONDE | 30.08.2018 à 10h19 • Mis à jour le 30.08.2018 à 11h23 :
https://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2018/08/30/nucleaire-un-rapport-preconise-la-construction-de-six-epr_5348004_3244.html
Projet de construire 6 réacteurs EPR : une plaisanterie alors qu’EDF est incapable d’en construire un seul !
L’industrie nucléaire mondiale n’en finit plus de se déliter (*), sa part dans la production d’électricité est passée de 17% en 2001 à 10% à ce jour, et cette chute libre va continuer au fil des nombreuses fermetures de centrales : la plupart des 400 réacteurs encore en service sur Terre sont très anciens et en fin de vie.
Mais, en France, le lobby de l’atome vit dans un déni total de cette réalité et croit pouvoir revivre un âge d’or (ou plutôt d’uranium) comme au siècle dernier, quand une soixantaine de réacteurs ont été construits en quelques années.
Or, à l’époque, l’argent coulait à flot, EDF était encore un service public puissant et avait (hélas) les compétences nécessaires pour un tel programme.
Aujourd’hui, la société anonyme EDF SA est en quasi faillite et, de plus, elle se montre incapable de construire un seul réacteur EPR : le chantier de Flamanville n’en finit plus de collectionner les malfaçons les plus graves, les retards et les surcoûts.
Ce réacteur devait être construit en 4 ans et demi pour un coût de 2,8 milliards (et non 3,3 comme écrit ici où là) or, au bout de 11 ans, il est loin d’être terminé et coûte déjà 4 fois plus, sachant que ce bilan catastrophique n’est en rien définitif.
Aussi, il est parfaitement dérisoire et ridicule de voir que de prétendus « experts » préconisent la construction par EDF de 6 EPR. Et encore, sans rire, ils évoquent là seulement « un premier lot ».
Non seulement EDF est bien incapable de construire des EPR, que ce soit en France ou en Grande-Bretagne (projet virtuel à Hinckley Point) mais la société n’est même pas en capacité de financer la rénovation des réacteurs actuels qui, inévitablement, vont devoir être fermés les uns après les autres dans les années à venir (en espérant que ce soit avant une catastrophe et non du fait d’une catastrophe comme au Japon en 2011).
Au final, sachant qu’il empêche le développement de toute alternative au nucléaire alors que ce dernier est amené à disparaitre, le lobby de l’atome condamne la France à l’impasse énergétique et au désastre financier. Et ce sont bien sûr les habitants les plus modestes qui vont être les principales victimes de cette folie…
L’observatoire du nucléaire
Communiqué publié le 30 août 2018
(*) Faillite d’Areva et de Westinghouse ; désengagements d’entreprises en Allemagne, au Japon, aux USA ; annulation de programme nucléaire en Afrique du Sud, en Tchéquie, ralentissement net en Chine, etc
• http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?article356