La controverse sur les vrais chiffres du chômage s’amplifie grâce au collectif les Autres chiffres du chômage (ACDC). Celui-ci tenait, le 29 janvier, sa deuxième conférence de presse, pour analyser où vont les chômeurs sortis des listes officielles.
Auparavant, un « incident d’État » a validé indirectement la contestation des indices officiels que le collectif ACDC avait inaugurée fin décembre (Rouge n° 2187 du 4 janvier). Le Canard enchaîné révèle que l’Insee a retardé après les élections la publication d’un autre indice du taux de chômage, construit à partir de l’enquête emploi trimestrielle, auprès de 70 000 personnes déclarant leur situation. Régulièrement, cette mesure diverge du taux officiel. Mais le chiffre qui aurait dû être rendu public prochainement aurait réduit à néant les boniments du gouvernement sur la décrue du chômage. Dans les « sphères » politiques, « on » a donc décidé de surseoir ! Mais le collectif ACDC pose la question suivante : puisque, chaque mois, un nombre important de chômeurs sortent des statistiques (le taux de sortie a augmenté de 17 % en deux ans), où vont-ils ? Vers l’emploi ? Fort peu. Comme le dit la note ACDC : « Sortir des listes ANPE signifie de moins en moins sortir du chômage. » Sur 26 000 sorties supplémentaires, 5 000 environ vont vers l’emploi (précaire) ou la formation (courte).
La plus grande partie sort des listes de deux façons : les radiations (+39 %), et le non-renouvellement d’inscription, « accidentel » (+31 %) ou « motivé » (+31 %). Le non-renouvellement accidentel résulte des changements incessants du contrôle purement administratif des inscrits, qui finissent par se lasser. Ce que le collectif appelle les chômeurs « dégoûtés ». Le non-renouvellement « motivé » provient du durcissement des droits à l’indemnisation décourageant l’inscription, ce que le collectif appelle les chômeurs « déboutés ». Conclusion : « déboutés, radiés, dégoûtés », les chômeurs sortent des listes. « ll n’est donc pas étonnant, conclut l’un des porte-parole d’ACDC, Thomas Coutrot, que l’enquête emploi Insee ne constate pas de vraie baisse du chômage. »
* Paru dans Rouge n° 2191 du 1er février 2007.
Chômage : pour une alternative statistique
Paru dans Rouge n° 2187 du 4 janvier 2007.
Un nouveau collectif associatif, Les autres chiffres du chômage (ACDC), a rendu public ses propres indices de mesure du chômage ou du sous-emploi.
Mercredi 27 décembre, deux jours avant la publication des chiffres officiels du chômage, un collectif unitaire rendait public la mesure du « chômage invisible » et masqué. Si, en septembre 2006, le chiffre officiel comptait 2 172 000 demandeurs d’emploi, la note du collectif Les autres chiffres du chômage (ACDC) explique qu’à la même date « le nombre total de personnes recensées par l’ANPE en tant que demandeurs d’emplois s’élevait à près de 4 450 000 personnes ». Ce qui signifie que plus de 50 % des personnes inscrites à l’ANPE échappent au chiffre « politique » communiqué par le gouvernement, à grand renfort de publicité mensongère. Or, cette proportion n’était que de 10 % en 1982 ! Il faut voir là tout le travail de déréglementation des indices de mesure par les gouvernements successifs.
En fait, tous les chiffres du collectif ACDC sont officiels et connus : ils sont collectés par l’ANPE et le ministère du Travail. Seule leur présentation à l’opinion publique change. Le chômage « invisible » comprend : 220 000 chômeurs des DOM (jamais inclus !), 871 000 demandeurs d’emplois temporaires ou à temps partiel, 412 000 chômeurs âgés et « dispensés » de recherche, 452 000 chômeurs qui « travaillent » mais en « activité réduite » et, enfin, 312 000 demandeurs d’emploi, inscrits à l’ANPE, mais non immédiatement disponibles car en stage, ou malades, etc. L’ensemble de ces chiffes a été multiplié par quatre en 25 ans.
Mais cette fafsification est aussi un révélateur politique : le chômage ou le sous-emploi ont changé de définition, ils sont devenus des catégories « relatives », des dégradés de situation en fonction d’une précarité en hausse. Par exemple, la catégorie des « demandeurs d’emploi temporaire ou à temps partiel » (812 000 personnes) ne reflète nullement un engouement extraordinaire pour des petits boulots. Une enquête montre que les aspirations à un emploi stable à plein-temps ne changent pas, mais que l’ANPE a changé ses « cases » de rangement, basculant hors de l’indice des pans entiers de sous-emploi. De même, en 1995, le Conseil d’État enlève de l’indice les chômeurs travaillant plus de 78 heures par mois. Le collectif ACDC exige donc une batterie alternative de mesures plus complètes, pour tenir compte de la réalité. Chaque mois, il rendra compte de ses travaux.
En fait, pour aller plus loin, il y a deux façons de faire disparaître le chômage. Une façon égalitaire et juste : répartir les emplois à créer et la durée du travail entre tous et toutes en allant vers les 32 heures. Ou alors répartir le chômage par des morceaux variables d’activité et de salaire : temps partiels, CDD, stages, emplois aidés, etc. Le rêve patronal est la fluidité maximale du marché du travail : travailler seulement pendant le temps nécessaire (flexible) à la production profitable.
• Collectif ACDC : Réseau d’alerte sur les inégalités (RAI), AC !, MNCP, Stop précarité, CGT Insee, SNU ANPE, SUD ANPE.