En proposant son « pacte écologique », Nicolas Hulot a sans nul doute réussi à donner une visibilité bienvenue à l’urgence écologique. Il y a de bonnes raisons à cela. Gouvernements de gauche et de droite se sont succédé aux affaires depuis une trentaine d’années sans prendre en compte le moins du monde les menaces sur la planète. La participation respectueuse des Verts au gouvernement de Lionel Jospin n’a pas laissé un souvenir impérissable du point de vue de la défense de l’environnement. Marqué par le poids du passé productiviste du mouvement ouvrier, le PCF continue de participer allégrement au concert du lobby nucléaire. Quant à J. Chirac, il allie sans vergogne une posture de « super écolo » à l’étranger et un soutien indéfectible à l’industrie automobile et à l’agroalimentaire, activités parmi les plus polluantes ! Il existe donc un vaste espace inoccupé en matière d’écologie politique...
On peut aisément approuver beaucoup des constats établis par Nicolas Hulot, ainsi que sa volonté de placer les enjeux écologiques et climatiques au cœur des débats politiques. Effectivement, une des dimensions de la crise que traversent nos sociétés est bien d’ordre écologique et environnemental. C’est bien à cause de cette conviction partagée que la rencontre prévue prochainement entre Olivier Besancenot et Nicolas Hulot a un sens : poursuivre cet échange sur le fond. La défense des équilibres écologiques, l’arrêt des dégradations et des pollutions, la nécessité de mettre un frein aux dérèglements climatiques sont des conditions sine qua non de l’émancipation humaine. Mais, justement, au nom de ces exigences, on ne peut souscrire aux propositions qui accompagnent le « pacte écologique », tant elles semblent éloignées des enjeux réels.
Ceux-ci, en effet, supposent - comme l’écrit Nicolas Hulot - « une évolution en profondeur vers d’autres façons de produire, de travailler, de consommer, de se nourrir, de se loger, de se déplacer, de se chauffer ». Mais écrire cela, c’est en appeler à une rupture radicale, écosocialiste, avec la façon dont est organisé le système économique, ses transports, ses modes énergétiques, son industrie ou son agriculture. Force est de constater que l’on ne trouve ensuite rien de tel dans les pistes proposées. La principale raison est sans doute à chercher dans la volonté de voir dans les enjeux écologiques « une priorité commune qui dépasse les clivages entre partis politiques » et de se situer « ni à gauche, ni à droite, mais au-dessus ». Or, si on veut la prendre au sérieux, l’écologie n’est pas consensuelle : elle ne peut être détachée des enjeux politiques, des conflits sociaux, des luttes contre les inégalités. On ne peut faire cause commune avec ceux qui délocalisent, défendent le tout-camion, le productivisme agricole et l’énergie nucléaire, ceux qui cassent les services publics et diminuent les budgets pour le développement des énergies propres.
Les menaces sur la planète sont une des conséquences barbares du système économique et politique actuel : le capitalisme mondialisé. C’est la course au profit qui est responsable des désastres écologiques passés, présents et à venir. Ce sont les multinationales et leur concurrence exacerbée qui détruisent la biodiversité et menacent les conditions d’existence des êtres humains. Ce sont les politiques irresponsables - nucléaire, OGM, agriculture productiviste, dilapidation des ressources naturelles (à commencer par l’air, l’eau et la terre) - qui sont en cause.
Faute de s’attaquer vraiment aux racines du mal, on en est réduit à chercher des solutions qui sont à la fois socialement fort discutables et écologiquement inefficaces. Ainsi en va-t-il de la taxe sur le carbone, mesure phare. Elle pose exactement les mêmes problèmes que le fameux principe du « pollueur payeur » dont elle s’inspire : loin d’avoir un effet significatif sur les niveaux de pollution, il se transforme facilement en autorisation à polluer... du moins pour ceux qui en ont les moyens ! De même, on peut s’étonner que les propositions de Nicolas Hulot fassent l’impasse sur l’énergie nucléaire, les OGM ou encore la question du développement des sociétés du Sud (et du codéveloppement), alors que ces thématiques sont, depuis longtemps, au cœur de la réflexion et des mobilisations écologistes... Si l’on en croit Nicolas Hulot, sa décision de se porter candidat à l’élection présidentielle est conditionnée par le fait que les autres candidats reprennent à leur compte le « pacte écologique » et se prononcent sur ses propositions. De fait, Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Marie-George Buffet l’ont déjà fait. Ségolène Royal devrait bientôt s’exécuter. Une telle unanimité devrait donc le rassurer. Venant de dirigeants politiques qui, dans le passé, ne se sont pas particulièrement illustrés dans ce domaine, elle contribuerait plutôt à nous inquiéter !
Encart
au fil de la campagne
Union sacrée. Manifestement, l’hypothèse d’une candidature de Nicolas Hulot perturbe les frères Cohn-Bendit. Daniel le presse déjà de dire pour qui il appellera à voter au second tour de la présidentielle. Quant à Gabriel, fervent supporter de Ségolène Royal, il consacre une page entière de Libération (3 janvier) à l’exhorter à « ne pas y aller » et de se contenter de labelliser des candidats aux législatives, pris sur le quota de chaque parti : 20 ou 25 sièges à l’UMP et au PS - cinq ou dix sièges à l’UDF... parce qu’elle « ne joue pas encore tout à fait dans la cour des grands » ! Avec de pareils stratèges, l’écologie est mal barrée.