L’exécution de Saddam Hussein à la sauvette, au petit matin, à quelques instants du début de l’Aïd, a de quoi provoquer l’écœurement. Et pas seulement du fait de l’application d’une peine capitale odieuse quelles que soient les circonstances et les latitudes...
Certes, le personnage était un tyran de la pire espèce, responsable avéré de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Encore eût-il fallu qu’il réponde de ses actes au terme d’une procédure transparente. L’Irak se trouvant sous tutelle étrangère, les règles du droit international eussent dû conduire à la constitution d’un tribunal international indépendant. Or, c’est sous l’autorité de Paul Bremer, l’ancien administrateur américain du pays, que fut créé le Tribunal spécial irakien, chargé de juger les responsables baasistes.
La sentence, prononcée au terme d’une procédure de circonstance et confirmée en quatrième vitesse, le 26 décembre dernier, par la Haute cour d’appel irakienne, était connue d’avance : la Maison Blanche avait besoin de ce « succès », au moment où elle s’enlise dans une guerre qui aura fait imploser l’Irak, déstabilisé un peu plus la région et causé des victimes par dizaines de milliers.
Du coup, on n’aura même pas jugé l’ex-dictateur pour le massacre de 180 000 Kurdes durant la guerre Iran-Irak, ni pour le gazage de 5 000 autres Kurdes à Halabja en 1991, ni pour l’écrasement, la même année, de milliers de chiites révoltés. Il est vrai que ces épisodes sanglants auraient mis en évidence la responsabilité écrasante des puissances occidentales. Jusqu’en 1989, le régime baasiste était un allié privilégié des États-Unis. La France et ses firmes d’armement contribuaient amplement à son effort de guerre contre son voisin iranien. Et c’est alors que le pays était (déjà) occupé par une coalition occidentale (comprenant, cette fois, la France), à la suite de l’invasion du Koweït, qu’on laissa le « Raïs » anéantir le soulèvement des populations kurdes et chiites.
En faisant taire Saddam Hussein, on aura aussi évité que ces cadavres ne sortent des placards...