La récente visite de Merkel à Alger intervenant après les échanges téléphoniques entre Bouteflika et Macron démontre que les puissances impérialistes occidentales continuent de soutenir la stabilité du régime. Mais ce soutien n’est pas inconditionnel et s’accompagne au contraire de pressions de plus en plus importantes exercées sur le régime.
Les impérialistes accentuent leurs pressions sur l’Algérie
Les puissances impérialistes européennes poussent l’Algérie et les autres Etats du Maghreb à installer des centres de rétention sur leur sol afin d’empêcher l’entrée des migrants africains sur le Vieux continent. Elles attendent que ces Etats gèrent les conséquences de leurs ingérences perpétuelles et de leurs aventures militaires au Sahel et en Libye, de leur politique de pillage des richesses naturelles (pétrole, uranium, métaux précieux…) et de leur soutien aux dictatures locales.
Ces puissances pressent depuis des années le pouvoir algérien de contribuer à la défense de l’ordre impérialiste régional en intégrant l’ANP au G5 Sahel, aux côtés de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad, en tant que force supplétive du néocolonialisme français.
Soutenant la colonisation marocaine du Sahara Occidental et participant parfois directement au pillage des richesses de ce territoire, les puissances européennes demandent au régime algérien de cesser son soutien à la juste cause du peuple sahraoui et à son légitime représentant, le Front Polisario.
Enfin, les Etats impérialistes et leurs institutions (FMI, Banque mondiale, BCE…) exigent la mise en œuvre de réformes structurelles : ouverture du marché à algérien à leurs produits, recours à l’endettement extérieur, amélioration du « climat des affaires », convertibilité du dinar, privatisation des entreprises et terres publiques, arrêt des subventions…
Le pouvoir résiste de moins en moins à l’impérialisme
Le régime de Bouteflika a jusqu’ici résisté à certaines pressions : refus d’installer des centres de rétention pour migrants, d’envoyer l’ANP faire le ménage au Sahel et en Libye, d’abandonner la cause du peuple sahraoui…
Mais sa marge de manœuvre s’amenuise inexorablement du fait des intérêts qu’il défend et de sa politique libérale. C’est ainsi que le Premier ministre a révélé récemment que son gouvernement joue déjà le rôle de garde-frontières de l’UE en interceptant annuellement 30 000 subsahariens candidats à la traversée de la Méditerranée.
C’est surtout sa politique économique et sociale qui le pousse à céder aux pressions de l’impérialisme et de la bourgeoisie compradore : suppression des licences d’importation, libre transfert des devises pour les opérations de transfert de devises pour les opérations d’importation, privatisation des entreprises publiques par le partenariat public-privé, bradage des terres agricoles au profit de groupes privés algériens ou étrangers…
La corruption illustrée par les scandales de « Kamel El Bouchi » et du procès Saipem qui gangrène les hautes sphères de l’Etat n’est pas seulement immorale. Elle facilite également les pressions impérialistes et contribue surtout au processus d’accumulation primitive du capital privé au profit d’une minorité bourgeoise compradore qui dépossède ainsi le peuple algérien de ses richesses et de ses biens.
La société algérienne plus polarisée que jamais
Alors que cette bourgeoisie compradore étale son luxe de manière éhontée, acquiert des biens illicites (hôtels, appartements…) dans le monde entier, ouvre des comptes dans les paradis fiscaux pour abriter le fruit de leurs forfaits, se soigne et favorise le départ de ses enfants à l’étranger, les travailleurs et les couches laborieuses subissent de plein fouet les effets sociaux désastreux de la politique d’austérité, d’inflation, de désengagement de l’Etat des secteurs de la santé, de l’éducation, des travaux publics… : recul de l’hygiène et de la vaccination, réapparition d’épidémies de choléra, progression du nombre de victimes de piqures de scorpions, détérioration de l’environnement, pollution, dégâts occasionnés par les intempéries, sureffectifs des classes, privatisation de l’éducation…
Le pouvoir reconduit le statu quo
Afin de poursuivre sa politique libérale antinationale et antisociale, le pouvoir travaille d’arrache-pied à assurer la continuité du régime. Il le fait en reconduisant, autour de l’appel à une candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat, le consensus des forces politiques et sociales qui ont soutenu le quatrième mandat : FLN, RND, TAJ, direction bureaucratique de l’UGTA, FCE… Entravant l’action des forces qui n’adhèrent pas à ce consensus, le pouvoir élimine les récalcitrants au sein du régime. Des magistrats et de hauts gradés de l’ANP et de la DGSN sont écartés brutalement de leurs postes.
La reconduction d’un consensus interne au régime s’accompagne de la fermeture du champ politique et de la répression des contestations sociales : interdiction des marches et répression des récalcitrants (Mouwatana…), remise en cause du droit de grève par l’instrumentalisation de la Justice (Air Algérie..), condamnation de facebookers et autres opposants ou critiques (Merzoug Touati, Salim Yezza, Djamel Marih à Tiaret…), censure à l’encontre des Rencontres cinématographiques de Bejaïa (RCB), fin de non-recevoir aux ouvertures des partis de l’opposition libérale (MSP…)…
Une résistance populaire éparse et encore fragile
Confrontées aux effets de la politique libérale d’austérité et de remise en cause des acquis en matière de retraites, de droit de grève, d’éducation, de santé, de droit du travail ainsi qu’aux attaques contre l’environnement (gaz de schistes à In Salah, bande boisée à Aokas…), les classes populaires réagissent. Les travailleurs luttent à l’appel de syndicats autonomes et de structures de base de l’UGTA. La mobilisation des salariés de Fertial a fait échouer le projet de vente de cette juteuse entreprise au groupe ETRHB d’Ali Haddad. Bouteflika a annulé la transaction autorisée par Ouyahia et imposer le droit de préemption de l’Etat. Des ouvriers agricoles s’opposent au bradage de leurs terres, des étudiants inquiets pour leur avenir revendiquent des débouchés, des chômeurs manifestent pour obtenirun emploi…
Des citoyens se battent pied à pied localement pour l’obtention de logements, de routes, des centres de santé, des réseaux d’assainissement des eaux usées, la préservation de leur environnement face aux pilleurs de sable, aux destructeurs de bandes boisées… Ces mouvements à revendications locales posent en réalité des questions d’ordre national et montrent la voie à suivre. C’est notamment le cas du mouvement d’Aokas contre la déstruction bande boisée et le célibatorium de la police. C’est, à une échelle plus vaste encore, le cas du mouvement populaire de Ouargla qui rayonne déjà sur plusieurs wilayas et qui pose clairement la question du développement économique et social au service de la population et la question démocratique à travers la critique de la gestion des autorités et de la répression policière.
Un mouvement populaire orphelin d’une perspective politique
Peu de forces politiques sont réellement à l’écoute des revendications sociales de la population et disponibles autrement que dans une perspective de récupération politicienne.
Centrés exclusivement sur les questions identitaires, certains courants ne perçoivent pas les enjeux internationaux et régionaux quand ils n’inscrivent pas leur action dans l’agenda des grandes puissances impérialistes. Généralement porteurs d’une vision libérale, ils sous-estiment, voire ignorent les contradictions sociales et politiques qui opposent les croyants entre eux ou les membres d’une même région. L’impasse politique dans laquelle ils se trouvent les pousse à faire dans une surenchère dangereuse.
Souvent plus libérale (donc antisociale) et antinationale (donc pro-impérialiste) que le pouvoir lui-même, l’opposition de Zeralda s’est fragmentée. Subordonnant la satisfaction des revendications sociales de la population à son arrivée au pouvoir, arrivée abusivement assimilée à l’avènement de la démocratie, elle cherche à intégrer les « catégories démunies », mais nullement à faire disparaître le dénuement social. Elle ne peut de ce fait s’appuyer sur une mobilisation populaire ni même espérer capitaliser électoralement le mécontentement social. Il ne lui reste dans ces conditions qu’à quémander auprès du pouvoir l’organisation de son propre dépassement par la tenue d’une présidentielle ouverte et honnête ou d’interpeler la haute hiérarchie militaire afin qu’elle renverse l’actuel régime.
L’opposition de gauche antilibérale reste fragmentée et sans stratégie précise alors que nombre de ses mots d’ordre rejoignent ou complètent les revendications populaires élaborées par les syndicats et autres mouvements sociaux et leur offrent une perspective.
Soutenir la résistance populaire et offrir une perspective politique en rassemblant la gauche anti-impérialiste, antilibérale et démocratique
Il ne s’agit ni d’inventer des formes de résistance ni de donner des leçons mais de se mettre au service des luttes et mouvements réellement existants. La mobilisation des habitants de Ouargla ou d’Aokas, celles des travailleurs de Fertial, de la Fonction publique, des chômeurs, des ouvriers agricoles, des étudiants… montrent la voie.L’unité des travailleurs et de leurs syndicats représente dans ce cadre un objectif central.
Il convient, dans le respect de l’autonomie des mouvements sociaux, de soutenir, renforcer et démultiplier les formes d’action et d’organisation qui naissent dans les luttes populaires elles-mêmes et de faciliter leur convergence autour d’une perspective nationale (anti-impérialiste), démocratique (anti-autoritaire) et sociale (antilibérale) couronnée par leur mot d’ordre commun d’Assemblée Constituante.
Les forces politiques anti-impérialistes, antilibérales et démocratiques doivent dépasser leur état de fragmentation afin d’incarner une alternative politique et de mener ensemble un combat pour l’hégémonie culturelle dans la société face aux idées néolibérales, autoritaires, réactionnaires, racistes, misogynes…
– Non aux pressions impérialistes
– Non au statu quo libéral et autoritaire
– Soutien aux luttes populaires
– Pour une convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste
Le Secrétariat national du PST
Alger, le 25 septembre 2018