“Cela n’a pas juste été une vague. Un tsunami conservateur a balayé le pays”, écrit un éditorialiste du journal O Globo au lendemain du premier tour de la présidentielle du 7 octobre.
Donné favori et crédité de 32 % des intentions de vote avant le scrutin, le candidat du Parti social libéral (PSL, extrême droite), a finalement raflé 46 % des voix, à quatre points d’une victoire dès le premier tour. Il s’est largement démarqué de son adversaire de gauche, Fernando Haddad, candidat du Parti des travailleurs (PT), qui a obtenu 29 % des voix.
Un coup de vent qui atteint le Parlement
Cette lame de fond s’est aussi abattue sur le Parlement brésilien, où le PSL est passé de 8 à 52 députés, sur un total de 513, se classant juste derrière le PT, qui obtient 56 sièges, contre 61 précédemment.
Auparavant absent du Sénat, le minuscule parti de Jair Bolsonaro y a fait élire 4 parlementaires, tandis que le PT en compte désormais 6, contre 13 lors de la précédente législature. Ces résultats “contrarient toutes les prévisions des analystes, qui prévoyaient peu de changements et de grandes difficultés pour gouverner” du côté du candidat d’extrême droite s’il venait à être élu, estime le magazine Istoé.
La marée des fake news
Pour la version brésilienne du site The Intercept, engagé à gauche, le score inattendu obtenu par Bolsonaro s’explique en grande partie par les fake news relayées par cet ancien capitaine de l’armée et ses soutiens :
Avec la campagne de Donald Trump comme référence, la campagne ‘bolsonariste’ n’a pas seulement alimenté l’industrie des fake news contre ses adversaires. Les membres de la campagne sont devenus les porte-parole de fausses informations, qui ne se sont pas gênés pour mentir publiquement.”
The Intercept relaie une information d’agence selon laquelle les dix fausses informations les plus populaires, toutes en faveur du candidat Bolsonaro, ont été partagées 865 000 fois sur Facebook.
Cloué sur un lit d’hôpital pendant deux semaines après avoir été poignardé lors d’un bain de foule, Jair Bolsonaro n’a participé à aucun débat et a mené une grande partie de sa campagne sur les réseaux sociaux, avec l’aide de ses fils. L’un d’entre eux, Carlos Bolsonaro, conseiller municipal de Rio de Janeiro, a publié un texte affirmant que le Tribunal suprême électoral avait envoyé les codes de sécurité des urnes électroniques au Venezuela, “instillant le doute dans la tête de l’électeur quant à la régularité du scrutin”, poursuit The Intercept, indigné :
Et ce sont des responsables politiques dotés de mandats, candidats à leur réélection, qui mentent avec l’intention de porter préjudice à leurs adversaires et de déstabiliser la démocratie.”
Un deuxième tour délicat pour le candidat de gauche
Les médias traditionnels sont aussi pointés du doigt : “Les noms de Lula et du PT [Parti des travailleurs] ont été assimilés à des scandales de corruption, et désormais, une bonne partie du peuple brésilien ne supporte plus ce parti et ses dirigeants. Les grands médias […] ont joué un rôle central dans tout cela”, écrit un éditorialiste de l’hebdomadaire Carta Capital.
Dans ce contexte de rejet en bloc du parti de gauche, la suite de la campagne s’annonce très difficile pour le PT. La stratégie de celui-ci a d’abord consisté à associer l’image du dauphin Haddad à celle de Lula pour rallier les fidèles du parti. Mais Fernando Haddad va désormais devoir s’employer à nouer des alliances avec les partis centristes et séduire les électeurs modérés. “La campagne du second tour doit rassembler le plus possible à gauche, au centre ou à droite, pour défendre la démocratie contre Bolsonaro”, estime le journal Folha de São Paulo, qui appelle le PT “à se montrer digne du défi qui l’attend”.
Morgann Jezequel
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