Vainqueur de l’élection partielle du 13 octobre dans la circonscription de Port Dickson, Anwar Ibrahim a prêté serment lundi devant le Parlement malaisien. “C’est le troisième retour d’Anwar au Parlement dans une carrière politique tumultueuse au cours de laquelle il a été emprisonné deux fois”, rappelle The Straits Times.
“Anwar Ibrahim, qui a passé huit des vingt dernières années en prison pour corruption et sodomie, est sur le point de voir se terminer en conte de fées son long combat pour la ‘reformasi’ qui pourrait le voir passer de prisonnier à Premier ministre”, écrivait en mai dernier dans un long portrait The Straits Times.
Sur ce chemin vers la fonction de Premier ministre, son élection au Parlement était essentielle.
D’anciens opposants aujourd’hui alliés
Toutefois, au moment de sa prestation de serment devant le Parlement, Anwar a rappelé qu’il n’avait“pour le moment aucune intention de briguer un poste ministériel”, indique The Straits Times.
Son objectif affiché est de soutenir le gouvernement dirigé par Mahathir Mohamad, nommé Premier ministre au lendemain de la victoire historique, le 9 mai dernier, de l’opposition incarnée par la coalition Pakatan Harapan.
Ancien vice-Premier ministre et ministre des Finances de Mahathir (Premier ministre entre 1981 et 2003), Anwar avait été jeté en prison, en 1998, après avoir été accusé de corruption et de sodomie par son ancien mentor. Aujourd’hui, les deux hommes sont réunis dans une même coalition.
Une alliance durable ?
“Ils font une démonstration de soutien mutuel en dépit de leur relation compliquée et antagonique du passé”, souligne The Nikkei Asian Review. Ainsi, relève le magazine, Mahathir a lancé lors d’un meeting de soutien à la candidature d’Anwar au Parlement :
J’espère que nous pourrons travailler ensemble.”
“Une telle démonstration d’unité était impensable jusqu’à il y a un an, quand ils se sont retrouvés autour d’un but commun : renverser Najib Razak, l’ancien Premier ministre accusé d’avoir détourné des millions de dollars d’argent public.”
Anwar a, pour sa part, fait référence à Mahathir en ces termes, selon le magazine :
Oui, j’ai combattu contre lui, mais je reconnais aujourd’hui qu’il est le meilleur homme pour diriger la Malaisie.”
Selon l’accord signé au sein de la coalition, Mahathir, âgé de 93 ans, doit céder la place de Premier ministre à Anwar Ibrahim d’ici un an ou deux.
The Nikkei Asian Review cite des proches du parti de Mahathir qui “voient Anwar comme un homme pressé de remplacer leur champion”. Ils suggèrent d’ailleurs, selon le journal, que Mahathir “voudrait rester autant qu’il le peut”.
Attention aux tensions ethniques et religieuses
Selon Malaysiakini, la priorité d’Anwar sera aussi de gérer les tensions au sein d’une coalition victorieuse mais disparate. Car si la corruption du précédent gouvernement de Najib Razak a réuni les électeurs, la société malaisienne demeure divisée par plus de cinquante ans de politique ethnique et religieuse.
Depuis l’indépendance, un équilibre subtil entre majorité malaise et minorités chinoise et indienne organise la vie politique et sociale. On se définit plus par son appartenance ethnique ou religieuse que par sa citoyenneté.
“Nous verrons à présent si Anwar est le réformateur qu’il prétend être ou un cheval de Troie de l’extrémisme religieux. Il ne faut pas oublier, poursuit le commentateur de Malaysiakini, qu’une partie de la base d’Anwar souhaite qu’il soit le champion de la cause malaise et islamique.”
Ainsi, selon le commentateur, “Anwar mène un combat sur plusieurs fronts. Il doit convaincre les factions progressistes de Pakatan Harapan tout en gardant à l’esprit qu’il représente les droits de musulmans malais.”
Une gageure alors que d’autres composantes de l’élite politique n’hésitent pas à attiser les antagonismes religieux et ethniques.
Courrier International
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez chaque lundi par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais, dans la semaine écoulée.