être tardive, la vague #MeToo qui déferle sur l’Inde depuis début octobre prend une tournure de plus en plus violente, des personnalités du monde des médias et du cinéma étant ouvertement accusées de harcèlement sexuel. La situation s’avère particulièrement difficile pour Mobashar Jawed Akbar, secrétaire d’État aux Affaires étrangères du gouvernement Modi. Celui-ci est montré du doigt par une douzaine de femmes journalistes affirmant avoir été ses victimes, du temps où il occupait des postes à responsabilité dans différents organes de presse.
Samedi 13 octobre, l’intéressé a prévenu qu’il allait porter plainte, dénonçant des“allégations mensongères dénuées de tout fondement” et déclarant qu’il fallait voir dans les accusations portées contre lui un “complot” lié à la proximité des élections générales, qui se tiendront au printemps 2019, rapporte The Economic Times.
La riposte des victimes présumées
Trois jours après, les victimes présumées ont riposté. Éditrice du magazine Force, Ghazala Wahab s’est insurgée contre Mobashar Jawed Akbar, qui “tente de réfuter le récit” de l’agression qu’il lui aurait fait subir. “Soit il ment, soit l’âge l’a rattrapé”, a-t-elle déclaré au site d’information The Wire, avant de donner des détails d’une précision confondante pour “rafraîchir la mémoire” de l’ancien journaliste devenu homme politique. Tushita Patel, qui travaillait à la rédaction de The Asian Age au moment des faits qu’elle évoque, se dit quant à elle “indignée mais pas surprise par l’absence complète de contrition” de M. Akbar. Il avance “des arguments facétieux et des justifications d’une remarquable stupidité”, témoigne-t-elle sur le site d’information Scroll.
Elle livre, elle aussi, un témoignage d’une grande précision, considérant que si elle continuait de se taire, elle se sentirait “complice” de ses “crimes”. Elle se souvient notamment que, stagiaire à Calcutta, elle avait été “harcelée au téléphone” par M. Akbar et que, ayant fini par accepter un rendez-vous dans un hôtel, ce dernier lui avait ouvert la porte “en sous-vêtements”.
Le gouvernement silencieux
Pour le moment, le Premier ministre, Narendra Modi, garde le silence sur cette affaire. “Il protège un ministre accusé de harcèlement sexuel et d’attouchements”, alors qu’il n’est “pas déraisonnable” de penser que celui-ci “devrait au moins démissionner” d’un gouvernement “qui prétend défendre la cause des femmes”, affirme Scroll dans un édito.
Ce dernier relève que “seuls trois ministres, toutes des femmes, ont apporté publiquement leur soutien aux journalistes ayant fait part de leur expérience aux mains de M. Akbar”, saluant “leur énorme courage”. Pour Scroll, “le message sans équivoque que Modi envoie au pays est que le harcèlement sexuel envers les femmes est une bonne chose” et que l’Inde, “sous la direction du BJP”, le parti nationaliste hindou, “n’est pas un pays pour les femmes”.
La position de Mobashar Jawed Akbar est “intenable”, considère pour sa part le quotidien The Hindu,“sa démission est le seul moyen de limiter les dommages déjà importants causés à la haute fonction qu’il occupe”.
Guillaume Delacroix
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez chaque lundi par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais, dans la semaine écoulée.