La plus grande centrale électrique solaire du monde a été inaugurée en septembre 2004 à Leipzig, en Allemagne (ex-RDA), sur le site ultra-pollué d’une exploitation de lignite désaffectée. Composée de 35.000 modules photovoltaïques (PV) et reliée au réseau, la centrale assurera une production de 5 Mégawatts, couvrant les besoins énergétiques de 1.800 ménages. L’investissement permettra d’éviter chaque année l’émission de 3.700 tonnes de dioxyde de carbone.
Quelques semaines après que le ministre Trittin ait coupé le ruban de la centrale de Leipzig, son homologue chinois de la province de Gansu faisait de même devant la nouvelle centrale de Dunhuang, une installation hybride combinant des modules photovoltaïques et des éoliennes. La capacité de la centrale chinoise est nettement inférieure à celle de la centrale allemande (100kW en panneaux photovoltaïques, et 10 éoliennes). Il s’agit en fait d’un essai, dans le but de tester des batteries japonaises, de mieux apprécier les ressources énergétiques régionales et de vérifier les possibilités d’électrification de cette région d’Asie centrale.
Les nouvelles technologies permettant de freiner le changement climatique sont là. Le potentiel des convertisseurs solaires (panneaux thermiques et panneaux photovoltaïques) est particulièrement impressionnant, puisqu’il équivaut à quatre fois la consommation mondiale d’énergie ! Selon une étude récente réalisée à la demande de la DG Energie et Transports de la Commission Européenne, l’installation de panneaux photovoltaïques sur tous les toits orientés au Sud dans l’UE suffirait à couvrir l’entièreté des besoins européens en électricité.
Il n’y a d’ailleurs pas que le solaire, ou l’éolien que chacun connaît. A l’université d’Edinbourg, des spécialistes estiment que l’approvisionnement de l’Ecosse en électricité pourrait être entièrement assuré par la conversion de l’énergie marine. Des bouées équipées de turbines peuvent transformer le mouvement des vagues en courant électrique. L’énergie des courants océaniques peut être convertie par des « hydroliennes » fonctionnant grosso modo sur le même principe que les éoliennes, mais sous la mer. Un prototype existe en Norvège. Une centrale électrique marine pilote est en voie de construction près de Santander, en Espagne, et certains estiment qu’un système de bouées au large de la côte cantabrique totaliserait une puissance de 100 MW.
On pourrait citer beaucoup d’exemples de ce genre. D’un côté, ces informations sont rassurantes. D’un autre côté, on peut évidemment se demander pourquoi, le risque climatique étant ce qu’il est, on ne va pas beaucoup plus vite dans la transition vers les énergies renouvelables ? La réponse est simple : parce que l’économie mondiale est basée sur la combustion des énergies fossiles, que des capitaux énormes ont été investis en fonction de ce modèle énergétique dépassé, que les propriétaires de ces capitaux veulent avant tout que ceux-ci leur rapportent le fameux « return » de 15% (le chiffre fétiche du capitalisme mondial), et que tout dispositif énergétique nouveau doit leur garantir au moins le même profit.
N’allez pas croire pour autant que les grandes entreprises restent les bras ballants. Le maître d’œuvre de la centrale de Leipzig est le groupe privé GEOSOL, les équipements photovoltaïques ont été fournis par Shell Solar, et Siemens a produit une série d’autres matériels indispensables. Eh oui ! Comme beaucoup de ses sœurs pétrolières, Shell est très active dans le secteur solaire. Les grandes compagnies pétrolières et autres préparent très activement la transition énergétique, qu’elles savent inévitable. Mais elles la préparent à leur rythme, et en fonction de leur profit. Pas en fonction des demandes non solvables des plus pauvres, qui seront les victimes principales de la désertification, des inondations et de la hausse du niveau des mers.
L’Espagne découvre le soleil…
Le gouvernement espagnol a adopté pour le secteur du bâtiment un nouveau code technique stipulant notamment que les besoins en eau chaude sanitaire de toutes les constructions, neuves ou rénovées, devront être couverts par l’énergie solaire dans une proportion de 30 à 70%. Voté en mars dernier, le nouveau code entre en application dès ce mois d’octobre. Le recours au solaire thermique dans la construction est déjà obligatoire dans certains pays extra-européens (Israël par exemple), mais aucun gouvernement de l’UE n’avait encore franchi le pas.
Outre le recours minimum au solaire comme source d’énergie thermique, le nouveau code impose une série de critères de base en matière de demande générale d’énergie, de performance des installations thermiques et d’efficacité énergétique des dispositifs d’éclairage. De plus, des dispositions sont prises afin de garantir une contribution minimale des systèmes photovoltaïques à la consommation d’électricité. C’est ainsi que l’installation de panneaux photovoltaïques (utilisant la propriété des semi-conducteurs de générer du courant électrique à partir de l’énergie lumineuse) devient obligatoire sur les centres commerciaux, les bâtiments industriels, les hôtels et les hôpitaux dont la surface bâtie est supérieure à 3.000 m2.
L’Institut Espagnol pour la Diversification Energétique (IDAE) estime que ces décisions auront pour effet de réduire de 30 à 40% la consommation énergétique du secteur du bâtiment, et de 40 à 55% les émissions correspondantes de gaz à effet de serre dans le secteur de la production d’énergie. Tous ces efforts s’inscrivent dans le cadre du Plan Energie Renouvelable adopté par Madrid et qui court jusqu’en 2010. A terme, cinq millions de mètres carrés de panneaux solaires thermiques seraient installés, tandis que la capacité des systèmes photovoltaïques passerait de 143 à 400 MW.
Mieux vaut tard que jamais, dira-t-on. Certainement… Mais on peut s’interroger sur les raisons qui expliquent que l’Espagne ait mis si longtemps à découvrir… le soleil ! Le pays subit depuis plusieurs années une sécheresse croissante, le potentiel hydroélectrique est menacé, l’approvisionnement en eau est un sujet de tensions économiques et sociales, le Sud est en voie de désertification… Faut-il vraiment la conjonction d’une hausse durable des prix du pétrole et d’une menace climatique de plus en plus palpable pour que le gouvernement d’un pays développé, disposant de ressources humaines et économiques importantes, se décide enfin à prendre les (premières) mesures qui s’imposent ? Quant au rythme d’introduction de ces mesures, faut-il vraiment qu’il soit subordonné à la rentabilité des entreprises, à la compétitivité ? Comme si la loi du profit était aussi « naturelle » que la gravitation universelle ? Plutôt que cette politique de gribouille, ne serait-il pas temps de réhabiliter les notions de planification économique et d’initiative publique, de service public, dans l’intérêt général ? L’énergie, après tout, est un patrimoine collectif…
Valables pour l’Etat espagnol, ces questions se posent a fortiori dans le cas des autres pays européens, car ceux-ci n’ont même pas commencé à agir sérieusement. On pense spontanément à l’Italie, à la Grèce, au Sud de la France, au Portugal, parce qu’il s’agit de régions bien ensoleillées. Mais le rayonnement solaire est présent partout. Les pays d’Europe où la capacité de production d’électricité photovoltaïque est la plus utilisée sont d’ailleurs… le Grand Duché de Luxembourg et l’Allemagne. Viennent ensuite – loin derrière – les Pays-Bas, l’Autriche et l’Espagne. Et nos régions dans tout cela ? La Wallonie compte à peine 20.000 m2 de panneaux solaires (thermiques pour la plupart). N’en déplaise au ministre André Antoine, il n’y a vraiment pas de quoi se gonfler comme un dindon écologiste...