Nikolaï Bondarenko, 33 ans, député communiste du Parlement régional de Saratov, au sud de Moscou, a décidé de se livrer à une expérience économique et sociale : se nourrir chaque jour pendant un mois avec 3 500 roubles (45 euros), soit le coût officiel du “panier alimentaire” de référence à partir duquel est calculé le salaire minimum obligatoire en Russie, fixé à 11 280 roubles (environ 148 euros).
Interrogé par le tabloïd Moskovski Komsomolets après deux semaines de “régime ministériel”constitué essentiellement de pâtes et de légumes, il a déclaré avoir perdu près de 6 kilos. “Ce régime est si faible en calorie que je ne peux tout simplement pas satisfaire mes besoins élémentaires en nourriture. La sensation de faim, l’énervement et la fatigue ne me quittent pas. Ce que j’éprouve ne peut être qualifié autrement que comme un sentiment de misère terrible”, a-t-il affirmé.
Le député compte aller jusqu’au bout de son expérience afin de présenter des “résultats concrets” et “prouver au Parlement régional de Saratov ainsi qu’au gouvernement fédéral” que “se nourrir avec 3 500 roubles par mois, ce n’est pas une vie, c’est de la survie”, comparant ses repas à des “rations de camp de concentration”.
13,2 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté
Le salaire minimum, dit “MROT”, a été augmenté deux fois en 2018 et atteindra 11 280 roubles à partir de janvier 2019. Il rejoindra donc pour la première fois la valeur du minimum vital ou “seuil de pauvreté” calculé par Rosstat, l’agence fédérale en charge des statistiques. Le salaire minimum russe restait inférieur au minimum vital depuis 2002, et plafonnait encore à 9 500 roubles (125 euros) en mai 2018 et à 11 163 roubles (144 euros) avant cette revalorisation.
Malgré ces coups de pouce du gouvernement, son montant reste désespérément bas, un des plus bas d’Europe. Nikolaï Bondarenko dit donc vouloir attirer l’attention de l’opinion publique sur ce “panier alimentaire famélique”, car c’est à partir du montant qui lui est fixé que sont calculés les revenus minimaux, le salaire minimal et les pensions de retraite. “C’est la cause d’une énorme quantité de problèmes et cette situation doit changer”, estime-t-il.
Selon le quotidien Kommersant, on évalue à 13,2 % la part de la population russe qui, en 2017, vivait en dessous du seuil de pauvreté. En 2018, Vladimir Poutine a demandé au gouvernement de réduire ce chiffre de moitié en six ans, soit à l’expiration de son dernier mandat. Et selon Nikolaï Bondarenko, on évalue à un tiers (pauvres, retraités, précaires) la part de ses concitoyens pour qui l’expérience qu’il s’inflige actuellement constitue le lot quotidien.
Laurence Habay
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