A. Saadat : Nous voyons les Etats-Unis et l’administration Trump comme une puissance dangereuse, non seulement pour le peuple palestinien, mais pour tous les peuples du monde. La seule différence entre Trump et les administrations précédentes est que Trump montre clairement le vrai visage du capitalisme et de l’impérialisme. La décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat israélien et de transférer l’ambassade de Tel-Aviv est la continuation naturelle des cent ans de colonisation en Palestine, après la déclaration Balfour (1917), dans le but de supprimer les droits des Palestiniens et d’accélérer le nettoyage ethnique de notre peuple, en particulier en ce qui concerne Jérusalem. Tous les Palestiniens rejettent et luttent contre les tentatives de Trump pour éliminer la question palestinienne. Notre peuple résiste à cette tentative non seulement avec des mots, mais avec les faits qui constituent la « Marche du Grand retour » de Gaza, une véritable révolte populaire, à laquelle participe le FPLP, similaire à l’esprit de la première Intifada.
Quelle stratégie permettrait aujourd’hui la reconstruction d’un puissant mouvement de libération palestinien ?
A. Saadat : Le devoir principal est la reconstruction et la réunification du mouvement de libération nationale de la Palestine. L’objectif est de mettre la Palestine, pour la énième fois, sur la voie de la libération en réaffirmant l’essence même de la lutte palestinienne. Cela concerne principalement le retour des réfugiés et la construction d’un seul Etat libre, démocratique et laïque en Palestine – pas celui des frontières de 1967 – où tout citoyen peut vivre en paix sans distinction de religion ou de race.
Une rupture profonde dans le mouvement palestinien, sur un niveau historique, a été certainement celle des accords d’Oslo en 1993 : cela a déformé le véritable sens de notre lutte et la véritable essence du conflit. Une génération entière de Palestiniens est née et a grandi dans l’illusion, après la signature de ce document catastrophique, qui n’a amené que la division et la fragmentation du mouvement de libération palestinien.
Dans cet esprit, notre engagement est de reconstruire le front de libération nationale, c’est-à-dire l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) : nous nous voyons entre le Fatah et le Hamas pour créer un équilibre et préserver l’unité nationale, apportant notre idée progressiste de gauche et pour une représentation populaire. Toutes les classes palestiniennes doivent faire partie de ce processus d’unité. Les classes populaires ne devraient pas être exclues de la direction du mouvement, comme elles le sont depuis quarante ans.
Quelle alternative politique suggère donc le FPLP ?
A. Saadat : Le principe fondamental du changement est la participation populaire des Palestiniens à la lutte – et à la prise de décisions politiques – de manière efficace et significative. Cela nécessite non seulement un combat contre l’occupation, mais également une lutte pour regagner le droit à la participation de tous les Palestiniens, qu’ils soient en Jordanie, au Liban, en Syrie ou ailleurs. La participation et le leadership populaires sont nécessaires à la reconstruction du mouvement de résistance contre le sionisme et à la mise en œuvre d’une stratégie unifiée de libération de la Palestine. Cela doit évidemment se dérouler en Palestine comme ailleurs dans le monde. Si nos communautés sont toujours menacées par toutes sortes de crimes, des lois répressives et d’attaques de la part de la droite, nos objectifs seront plus difficiles à atteindre. Le point fondamental de notre vision est le droit des personnes à participer au développement de leur avenir. C’est le processus démocratique de représentation pour lequel nous luttons.
A. Saadat : Ces dernières années, le FPLP a été confronté à d’énormes difficultés en termes de répression politique et financière. Les persécutions, les arrestations massives et les meurtres de nos cadres en sont un exemple clair. Malgré cela, nous avons amélioré nos capacités militaires à Gaza, car nous ne sommes pas dans les mêmes conditions qu’en Cisjordanie. Nous y subissons à la fois l’occupation et la coordination sur la sécurité de l’Autorité palestinienne avec l’occupant ; de nombreux camarades, comme moi, sont emprisonnés précisément à cause de cela. Nous sommes cependant présents dans toutes les formes de lutte (militaire, politique, culturelle, sociale) et nous avons progressé en termes de participation populaire des jeunes, mais il est toujours difficile d’obtenir des résultats et une visibilité (par rapport au Fatah et au Hamas – ndlr) en raison de la situation actuelle. Malgré les difficultés, nous sommes toujours engagés dans un processus de construction et de croissance de notre parti.
À quel point le FPLP a-t-il changé depuis sa fondation jusqu’à maintenant ?
A. Saadat : Nous sommes parvenus à la conclusion, de 1992 à nos jours, à cause des forces des droites palestiniennes et de l’inexorable agression israélienne sur nos terres et contre notre droit d’exister, que notre parti comme notre peuple traversent une crise générale : théorique, politique, économique et nous pensons que cette crise ne peut être surmontée que par la résistance et la lutte populaire à tous les niveaux.
Quel est le rôle du mouvement des détenus dans les prisons israéliennes dans la lutte de libération palestinienne ?
A. Saadat Le mouvement des détenus à l’intérieur des prisons israéliennes a toujours joué un rôle central dans la lutte contre l’oppression sioniste. Non seulement dans notre confrontation quotidienne entre occupants et prisonniers, en tant que ’ligne de front’, mais également dans notre rôle sur la scène politique en Palestine. L’accord d’unité nationale palestinienne, appelé ’Document des prisonniers’, a été élaboré au sein des prisons et constitue la base de toutes les discussions sur la résistance palestinienne. Le mouvement des prisonniers a connu diverses expériences de lutte, de grève de la faim. De nombreux prisonniers sont morts sous la torture. Les prisonniers politiques palestiniens incarcérés dans les prisons américaines et françaises font partie de notre mouvement. En particulier Georges Ibrahim Abdallah, emprisonné en France depuis plus de trente-quatre ans.
Stefano Mauro
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