GENEVE (20 décembre 2018) – Les experts auprès des Nations Unies ont exprimé leur inquiétude devant la violence politique, les restrictions de la liberté d’expression et le montée de l’intégrisme religieux au Bangladesh à l’approche des élections du 30 décembre.
”Dans la course aux votes, les minorités religieuses, et spécialement les Hindous, craignent d’être de nouveau ciblés” disent les experts. “Malheureusement, ces peurs sont fondées”, ont-ils déclaré, ajoutant que les rapports indiquent qu’environ 380 membres de groupes minoritaires ont été attaqués au cours de la première moitié de 2018.”
Les forces de sécurité auraient arrêté et intimidé des figures de l’opposition et des voix dissidentes, selon les experts. Des membres et des partisans des partis de l’opposition ont été arrêtés, tués ou ont disparu. Les rapports affirment que des partisans du parti au pouvoir ont été impliqués dans certains des incidents. “ L’un des membres des Commissaires de l’Election a même dit qu’il ne croit pas du tout qu’on lutte à armes égales dans cette élection” ont-ils déclaré.
“Une action urgente est requise de la part des autorités du Bangladesh pour, durant cette période de turbulences, garantir la sécurité de tous, et créer un climat favorable à un débat public des plus nécessaires”.
Les inquiétudes des experts ont été mises en évidence par l’attaque, menée le 14 décembre, contre le cortège de voitures de Kamal Hossain, homme politique de l’opposition – attaque au cours de laquelle, selon les rapports, au moins 25 personnes auraient été blessées. Entre les 9 et 12 décembre 2018, il y aurait eu 47 incidents de violence au cours desquelles 8 personnes auraient été tuées et 560 blessées.
“Nous en appelons aux autorités pour que soit autorisé et encouragé un contrôle de la situation des droits humains par la société civile - en amont, pendant et après les élections”, ont déclaré les experts.
Les experts auprès des Nations Unies ont exprimé leurs graves inquiétudes devant la montée du fondamentalisme religieux et son impact négatif sur les droits humains, y compris le droit à la vie, le droit à participer à la vie culturelle, la liberté d’expression et la liberté de religion ou de croyance. Ils sont inquiets au vu des rapports selon lesquels les deux principaux partis politiques auraient recherché conciliation et cooperation avec les groupes fondamentalistes.
Les restrictions croissantes sur la liberté d’expression, combinées avec la violence liée aux élections et avec la montée du fondamentalisme ont ensemble créé au Bangladesh un climat de peur, situation qui doit être traitée de toute urgence par les autorités”, a déclaré Karima Bennoune, Rapporteure spéciale dans le champ des droits culturels ; celle ci, dans son rapport de 2017 au Conseil des Droits Humains, avait abordé la question de l’impact du fondamentalisme sur les droits culturels.
Les experts ont exprimé leurs inquiétudes devant l’utilisation de la surveillance, l’intimidation, et la persécution pour motifs politiques de membres-clé de l’opposition. “Nous sommes particulièrement inquiets de l’utilisation de la loi sur la sécurité numérique pour criminaliser les journalistes et quiconque utilise les media sociaux pour exprimer librement son opinion, ainsi que de l’impact que cela a sur le droit du public de savoir, qui est de la plus haute importance dans le contexte d’une élection”, ont déclaré les experts.
Ils ont exprimé leurs craintes que les prochaines élections générales au Bangladesh puissent déclencher encore plus de violence contre les figures de l’opposition et les laïques, et les attaques contre les membres des minorités religieuses, leurs maisons, leurs temples et leurs sources de subsistance. “ Pris dans leur ensemble, les développements récents soulèvent de sérieuses inquiétudes quant au fait que les élections puissent être organisées de façon libre et équitable. Nous en appelons aux autorités pour endiguer, de façon urgente, la vague de violence et pour démontrer leur engagement envers les droits humains et envers des élections vraiment libres et justes”
Signé par
Mme. Karima Bennoune, Rapporteure Spéciale dans le champ des droits culturels ; Mr. David Kaye, Rapporteur Spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression ; Mr. Ahmed Shaheed, Rapporteur Spécial sur la liberté de religion et de croyance ; Mr. Michel Forst, Rapporteur Spécial sur la situation des défenseurs des droits humains ; et Mr Fernand De Varennes, Rapporteur Spécial sur les questions des minorités ; Mme Cecilia Jimenez-Damary, Rapporteure Spéciale sur les droits humains des personnes déplacées de façon interne ; Mr. Clément Nyaletsossi Voulé, Rapporteur Spécial sur les droits à la liberté de rassemblement pacifique et d’association ; et Mme. Agnes Callemard, Rapporteure Spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires.