« Un échec en Iraq renforcerait la position de l’Iran, qui représente une menace significative pour la paix mondiale », c’est en ces termes que le président américain a résumé ses craintes des Iraniens. Mais le vice-président, Dick Cheney, a encore dit ce qui était caché dans les déclarations de George Bush. « Téhéran représente une menace croissante pour l’ensemble de la région. (...) Il est très important que les autorités iraniennes gardent leurs hommes chez eux », a-t-il dit. Rien de nouveau. Washington ne cesse de critiquer ou d’accuser Téhéran. Mais ce qui est de nouveau cette fois-ci, c’est que dans la nouvelle stratégie américaine pour l’Iraq se trouvent des indices très clairs et nets d’une nouvelle stratégie plutôt envers l’Iran. Avec comme mot d’ordre de « s’attaquer aux réseaux iraniens qui aident les combattants anti-américains en Iraq ». Et contrairement aux recommandations du rapport Hamilton qui insistait sur la nécessité d’intégrer Téhéran au dialogue sur la situation en Iraq, George Bush vient une nouvelle fois accuser les Iraniens de soutenir les terroristes. Il a exclu toute possibilité de dialogue avec Téhéran et ses propos s’apparenteraient presque à une déclaration de guerre.
D’ailleurs, le renforcement de la présence militaire américaine dans le Golfe semble être un signal adressé notamment à l’Iran. Une stratégie de confrontation qui, selon le New York Times, serait justifiée par des statistiques militaires indiquant que 78 soldats de la coalition ont été tués et 243 blessés entre septembre et décembre par des présumées bombes fabriquées en Iran. Quant au Pentagone, celui-ci croit qu’en 2006, la sophistication des engins qui explosent au passage des convois américains en Iraq montre qu’ils ont été fabriqués ailleurs. Du coup, les gardiens de la révolution sont accusés de fournir « des fonds, des armes, un savoir-faire technique et de l’entraînement aux groupes qui tentent de déstabiliser le gouvernement iraqien et d’attaquer les forces de la coalition ». Des préparatifs de guerre contre l’Iran seraient-ils en cours ?
Jusqu’à présent rien ne semble clair, d’autant plus que les déclarations restent contradictoires. Selon le conseiller pour la sécurité nationale de la Maison Blanche, Stephen Hadley, Washington n’exclut pas de pénétrer sur le territoire iranien pour poursuivre des Iraniens participant à des attaques contre les forces américaines en Iraq.
Cependant, pour le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, toute action militaire contre l’Iran ne serait envisagée qu’en « tout dernier recours. Nous ne pensons pas nécessaire de frapper des cibles dans le pays lui-même ». En tout cas, une nouvelle décision de guerre sera difficile. Les démocrates, contrôlant depuis début janvier le Congrès, estiment que l’Administration Bush n’a pas le droit d’intervenir en Iran sans un accord explicite des parlementaires. Face à cette inquiétude de l’opposition démocrate, qui craint un dérapage militaire en Iran, la Maison Blanche a cherché à dissiper les craintes et rumeurs d’un nouveau conflit. « Je veux aborder une sorte de rumeur, de légende urbaine qui circule interprétée comme s’il essayait de préparer une guerre et que des préparations étaient en cours. Elles ne le sont pas », a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche, Tony Snow.
Arrestation de diplomates
Mais les Américains ont déjà commencé à cibler des intérêts iraniens en Iraq. Les forces américaines ont ainsi arrêté six Iraniens à Erbil, au Kurdistan iraqien, sous l’accusation d’activités hostiles visant l’Iraq et les forces de la coalition en Iraq. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois ; fin décembre, l’armée américaine a arrêté en plein Bagdad deux diplomates iraniens, avant de les libérer quelques heures plus tard. Téhéran a immédiatement réagi, en affirmant : « Les Américains veulent radicaliser le climat qui prévaut en Iraq pour justifier leur occupation, mais nous agirons avec sagesse ». Washington continue désormais de faire cavalier seul.
Cette politique va continuer, a prévenu Condoleezza Rice. « Nous allons continuer à inscrire des banques iraniennes » sur la liste des établissements avec lesquels les entreprises américaines ont l’interdiction de travailler, a-t-elle dit. En effet, le Trésor américain avait mis au ban deux banques iraniennes depuis septembre et fait pression sur les établissements financiers mondiaux pour qu’ils rompent leurs liens avec l’Iran. L’objectif ultime des Américains serait d’isoler complètement l’Iran. La visite de Rice dans la région ne cache pas ce dessein. Renoncer à un dialogue avec Téhéran et renouer avec les Arabes inquiets par l’activisme tous azimuts de Téhéran.