Le 26 janvier 2017, ils avaient cessé le travail deux heures et obtenu 30 000 forints (100 euros) de mieux sur les salaires de base. Deux ans plus tard, presque jour pour jour (le 24 janvier), les ouvriers d’Audi Hongrie suivent largement l’appel au débrayage d’une semaine du syndicat AHFSZ, refusant en bloc les offres de la direction. Les dernières négociations, lundi 28 janvier, ont échoué malgré les 18 % de revalorisation salariale proposés en échange d’une diminution de moitié de la somme accordée à chaque employé pour les frais de cafétéria.
“L’AHFSZ syndiquant 8 700 des 13 000 salariés estime que le prix à payer était trop élevé, d’autant plus qu’il s’agissait de toucher au montant obtenu lors de la grève d’avertissement de 2017. Le blocage pourrait bien se poursuivre après jeudi si aucun compromis n’émerge”, explique le quotidienNépszava. “La direction envoie des messages d’avertissement et d’intimidation sur les moniteurs des employés non grévistes afin de les dissuader de suivre leurs collègues mobilisés”, précise 24.hu,images à l’appui.
Fleuron de l’industrie automobile allemande en Hongrie, où Mercedes et Opel se sont aussi établis, bientôt rejoints par BMW en 2020, qui s’installera non loin de Debrecen, l’usine Audi de Gyor, spécialisée dans l’assemblage de moteurs et de pièces mécaniques, fabrique environ 9 000 pièces chaque jour. Les retards de production bousculent la maison mère bavaroise d’Ingolstadt, contrainte de mettre 10 000 ouvriers au chômage technique, ralentissent l’activité à Bratislava et paralysent deux équipementiers magyars partenaires.
“Ces événements dégradent l’image réputée honorable et fiable de la Hongrie auprès des investisseurs. Le rattrapage salarial doit s’effectuer en douceur et non avec des grands sauts ne servant pas la productivité et l’efficacité”, déplore le président de la Chambre nationale de commerce et d’industrie, interrogé par Vilaggazdaság. “La direction expliquait dans un message écrit et vidéo transmis dimanche aux employés qu’une augmentation de 18 % mettrait en difficulté la compétitivité et l’avenir de l’usine”, souligne le portail Index.
Le débrayage de Gyor suscite une solidarité syndicale rarement vue depuis la chute du communisme et montre les limites des délocalisations à bas coût consécutives à l’élargissement de l’Union européenne vers l’est en mai 2004. L’usine magyare est le parent pauvre du groupe Volkswagen dans la région. Un employé hongrois perçoit respectivement 25, 28 et 39 % de moins en moyenne qu’en République tchèque, en Slovaquie et en Pologne. Reste à savoir si cette mobilisation redynamisera le mouvement anti-loi travail, qui s’essouffle.
Joël Le Pavous
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