La croissance est en Orient, du côté des émergents, y compris dans le business de la sécurité privée. Une société fondée par Erik Prince, l’ancien patron des mercenaires de Blackwater, a signé un accord préliminaire pour la gestion d’un centre de formation au Xinjiang, province où les autorités chinoises mènent une intense campagne de répression contre les Ouïgours.
L’accord a été conclu lors d’une cérémonie, le 11 janvier, entre des responsables chinois de Frontier Services Group (FSG), société fondée en 2013 à Hongkong, et le Comité de gestion du parc industriel de Caohu, rattaché à Tumxuk, localité située à 300 kilomètres de la ville de Kashgar, centre culturel de cette minorité musulmane et turcophone.
Selon la presse chinoise, il s’agirait de « former » 8 000 personnes par an. Une photo de la cérémonie de signature a été postée sur le site de FSG mais en a ensuite été retirée, tout comme le communiqué. Puis un porte-parole de FSG a déclaré à l’agence Reuters que M. Prince n’avait pas eu connaissance de la signature de ce qu’il précise être un simple « mémorandum préliminaire », dont le communiqué aurait été « publié par erreur par un membre de l’équipe à Pékin ». Mais plusieurs communications de FSG depuis 2016 disaient bien l’intention du groupe d’y développer son activité.
Depuis l’arrivée, il y a deux ans, d’un nouveau secrétaire du Parti communiste chinois (PCC), Chen Quanguo – auparavant en poste au Tibet –, à la tête de cette région située aux confins de l’Asie centrale, la répression des Ouïgours, que Pékin accuse de séparatisme, n’a cessé de s’aggraver. Environ un million de membres de cette minorité pourraient être détenus arbitrairement dans ce que Pékin présente comme des centres de « déradicalisation », forcés à apprendre des chants patriotiques, à chanter les louanges du PCCi, et souvent envoyés en prison ensuite sans autre forme d’explication.
« Russiagate »
Ex-commando des Navy Seals et frère de l’actuelle ministre américaine de l’éducation Betsy DeVos, Erik Prince s’est fait connaître en envoyant des privés suppléer l’armée des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak, à l’heure où la « Guerre contre le terrorisme » battait son plein. Les multiples exactions de ses hommes, notamment le meurtre de dix-sept civils sur la place Nisour à Bagdad en 2007, lui vaudront une audition au Congrès.
Ce fervent républicain a depuis cédé ses parts dans Blackwater, devenu « Academi ». Et, après avoir assemblé une armée privée de 800 hommes pour le compte des Emirats arabes unis, a lancé plusieurs sociétés de sécurité et de logistique, dont FSG. Il apparaît par ailleurs dans le « Russiagate », soupçonné d’avoir rencontré un homme d’affaires russe dans un hôtel des Seychelles à neuf jours de l’investiture de Donald Trump, possiblement pour créer un canal de communication entre le nouveau président des Etats-Unis et Moscou.
FSG se focalise largement sur la Chine et les besoins de sécurité qu’implique la nouvelle présence des entreprises de ce pays dans des zones difficiles. La société a pour actionnaire, à 25 %, un puissant conglomérat financier étatique chinois, CITIC.
FSG se positionne en particulier sur les « Nouvelles Routes de la soie », grand projet de politique étrangère du président Xi Jinping, devant relier, par les investissements et les infrastructures, la Chine au reste de l’Asie, à l’Afrique et à l’Europe.
En décembre 2018, un des directeurs régionaux de FSG intervenait ainsi auprès des employés d’un constructeur de camions de la province chinoise du Shaanxi (centre) pour leur apprendre à survivre lors d’attaques au Pakistan, prenant l’exemple d’un attentat en novembre 2018 contre le consulat de Chine à Karachi.
Harold Thibault