Idir Achour – Toutes les Wilayas du pays se sont mobilisées pour cette journée. Il y avait des milliers de personnes qui ont manifesté dans les rues de chaque Wilaya, pratiquement pacifiquement partout, sauf à Alger où il y a eu de petites émeutes, des tirs de lacrymogènes, de la répression. Des rumeurs d’un mort et de blessés à cause des grenades lacrymogènes restent à confirmer.
La majorité des Algérien·ne·s a donc manifesté contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika et tout le monde est dans l’attente du 3 mars. En effet, ce jour est le dernier délai de dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle. Ça reste un point d’interrogation : vont-ils déposer sa candidature officiellement ou vont-ils renoncer ? Cet élément est déterminant pour les jours à venir et l’évolution de la mobilisation. Plusieurs hypothèses sont possibles.
Quel est le bilan de la journée ?
C’est une mobilisation en évolution positive par rapport à vendredi dernier. Il y avait plus de monde est mobilisé ce vendredi 1er mars. Cela dénote que le rejet du cinquième mandat est l’opinion de la majorité des Algérien·ne·s, et c’est une mobilisation qui va continuer à faire ses effets vers un probable changement en Algérie.
L’état d’esprit à Bejaïa, où je suis, est que cette ville adhère à la logique de rejet du cinquième mandat et d’une nouvelle candidature du président Bouteflika, une ville qui sentait l’humiliation d’être gouverné par une personne physique incapable de se prononcer, de bouger, etc. et ensuite, cela se développe sur d’autres revendications. Au-delà, les gens évoluent vers de nouvelles revendications qui s’inscrivent dans le changement du système.
Quels étaient les mots d’ordre de la manifestation ?
Les mots d’ordre étaient clairs : il y en a marre de ce pouvoir, de ce régime, de ce système. En parallèle, au-delà du fait que les manifestants savent ce qu’ils n’aiment pas, il y a de la nouveauté, ils commencent à exprimer ce qu’ils veulent. Plusieurs mots d’ordre sont avancés : la Constituante, pour une nouvelle politique qui garantit les besoins sociaux des Algériens, qui installe de nouvelles libertés pour les Algériens, que ce soit des libertés individuelles ou collectives, syndicales, politiques, etc. et le droit de s’organiser comme on veut, là où on veut.
Pour réaliser cela, il y a des propositions, au-delà des marches chaque vendredi, d’autres modalités, comme la grève générale, la désobéissance sociale, occupations… L’objectif du mouvement est de proposer des moyens pacifiques pour arriver au changement souhaité.
Pourquoi cette revendication de Constituante prend-elle de l’ampleur ?
La Constituante est un moyen de règlement de conflits prérévolutionnaires dans les sociétés en lutte. C’est un moyen de transition dans le cadre d’un changement de système ou de régime. Un tel changement nécessite une période de transition, qui est gérée par un gouvernement provisoire, vers une nouvelle constitution qui permet un consensus au sein de la société en révolte. C’est pour cette raison que cela fait consensus chez la majorité des personnes qui sont dans la rue.
Que peut faire le pouvoir ?
On ne peut répondre que par des hypothèses. Première hypothèse, il peut pousser au pourrissement, mettre en place un état d’urgence et, dans cette situation, il peut imposer la tenue des élections avec les candidats qui sont validés, ce qui risque de provoquer une situation de guerre civile. Il peut également, dans le cadre de l’état d’urgence, reporter les élections, se donner du temps pour gérer la situation. Deuxième hypothèse, il tente de répondre à moitié au mouvement populaire, retire la candidature de Bouteflika, permet une élection semi-démocratique avec les candidats autorisés à se présenter, qui sont des candidats du système. On ne sait pas quelle sera alors la réponse du mouvement populaire. Troisième hypothèse, le décès du président-candidat. On sera alors dans une nouvelle crise, ils essaieront de reporter les élections et préparer un plan qui se fera en fonction des rapports de forces, de la mobilisation sur le terrain. On ne sait pas encore comme ils vont évaluer les choses.
Comment vois-tu la suite du mouvement ?
Plusieurs corporations se mobilisent actuellement. Des syndicats commencent à se prononcer, des secteurs également. La contestation s’élargit. Mais l’essentiel est de savoir comment les marches de vendredi vont évoluer. Il est possible que cela évolue vers une occupation de la présidence, d’une maintien chaque vendredi, d’une augmentation à deux manifestations par semaine, etc. Pour l’instant, on ne sait pas, cela dépend aussi des réactions aux actions du gouvernement, qui aujourd’hui fait semblant d’être à l’aise. Il dit que la population a le droit de manifester, qu’il va gérer les choses pacifiquement et calmement, mais on ne sait pas quelles contradictions il y a à l’intérieur du système dirigeant et comment elles vont évoluer.
Plusieurs dizaines de journalistes ont été arrêtés pendant les manifestations.
• Créé le Vendredi 1 mars 2019, mise à jour Samedi 2 mars 2019, 10:01 :
https://npa2009.org/actualite/international/deferlante-populaire-en-algerie
A Béjaïa, les fidèles ont déserté la mosquée El-Kawthar pour contester l’instrumentalisation de la religion au service du « pouvoir »
C’est un événement inédit qui s’est produit ce vendredi 22 octobre en Algérie dans le sillage des manifestations enclenchées contre le 5e mandat brigué par Abdelaziz Bouteflika. A Béjaïa, à la mosquée El-Kawthar, située en face la maison de la Culture, les fidèles se sont rebellés contre l’imam qui dirigeait la prière du vendredi.
Lorsque ce dernier a commencé son prêche pour préconiser l’obéissance des fidèles « au gouvernant » en faisant allusion au 5e mandat brigué par Abdelaziz Boutefllika, les fidèles ont commencé à déserter la mosquée en protestant vigoureusement contre l’instrumentalisation politique de la religion pour la mettre au service du pouvoir en place. Les fidèles ont crié des slogans hostiles au régime au cœur de la mosquée tout en raillant la « soumission » de l’imam à un pouvoir politique qu’ils contestent au plus haut point. Ce geste inédit démontre enfin que les Algériens commencent à prendre conscience de l’importance de procéder à une séparation entre la religion et la politique.
La Rédaction -22/02/2019