“Le prince héritier aurait été défait d’une partie de ses compétences, titrait dès le 18 mars le quotidien britannique The Guardian. Il n’a pas été présent lors d’une série de rencontres de grande importance, ce qui semble indiquer une mésentente entre le roi et son fils”, expliquait alors le journal.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle thèse était formulée. En effet, depuis “l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, qui aurait été commandité par MBS, les relations entre le roi et MBS sont scrutées à la loupe” par les observateurs. Mais jusque-là, il s’agissait largement de spéculations, sans traduction politique concrète.
Or de nouveaux éléments sont apportés par The Guardian, qui affirme avoir eu accès à un rapport interne de la cour royale saoudienne, rapport commandé par le roi en passant outre MBS : “Selon une source qui a eu connaissance du dossier, la cour royale a mis de côté des objections faites par des collaborateurs du prince héritier pour examiner l’état de santé d’un certain nombre de détenus.”
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Ce serait le premier document en provenance de l’intérieur de la cour royale qui apporterait la preuve des abus contre des prisonniers politiques, tels que malnutrition, coups de couteau, hématomes et brûlures.”
Un tel constat suffirait pour constituer un désaveu des pratiques répressives instaurées par MBS et son proche entourage. Qui plus est, ce rapport préconiserait “une révision de la décision de MBS d’emprisonner quelque 200 hommes et femmes”, arrêtés lors de la vague d’arrestations de mai 2017. En effet, “les recommandations de certains conseillers du roi incluent l’amnistie pour tous les prisonniers politiques, la libération des personnes emprisonnées en 2017, ainsi que des prisonniers qui ont des problèmes de santé”.
Comme pour confirmer un infléchissement de la politique de répression tous azimuts, le compte Twitter saoudien Prisonners of Conscience rapportait qu’un des prisonniers en question, Nawaf Al-Racheed, a été remis en liberté conditionnelle le 1er avril. De même, trois militantes féministes ont été libérées de manière temporaire, le 28 mars, rapporte le Centre du Golfe pour les droits humains (GCHR), à savoir Aziza Al-Youssef, Eman Al-Nafjan, qui avaient été arrêtées en mai 2018, ainsi que Rokaya Mohareb, qui avait été arrêtée en septembre.
L’organisation des droits humains Alqst, dirigée par des Saoudiens en exil, avait même annoncé dans un premier temps que les autres militantes féministes allaient elles aussi être relâchées le 31 mars. Ce qui n’a pas été le cas. Qu’à cela ne tienne, l’organisation continuait à croire que d’autres décisions favorables aux prisonnières pourraient intervenir dans l’attente de la reprise du procès le 3 avril.
Pour le quotidien américain The New York Times, c’était l’espoir “d’un signe que la pression internationale avait peut-être fait son œuvre et finira [it] par pousser les autorités saoudiennes à leur accorder la pleine liberté, en les condamnant peut-être à des peines de prison qui correspondent au temps déjà passé derrière les barreaux”.
Or les autorités saoudiennes soufflent le chaud et le froid. Non seulement il n’y a pas eu de nouvelles libérations, mais la reprise du procès du 3 avril a été une déception, selon Alqst : “Refus de la cour d’aborder la question de la torture [subie en prison], accès refusé aux médias et aux observateurs. […] La séance finale [et le verdict] pour certains des accusés fixée au 17 avril.”
Qui plus est, une nouvelle vague d’arrestations a commencé le jeudi 4 avril, avec huit arrestations, dont au moins une personne de double nationalité saudo-américaine, ainsi que le fils d’Aziza Al-Youssef, une des militantes en liberté conditionnelle. D’autres arrestations seraient toujours en cours, de plusieurs intellectuels, dont certains qui avaient osé évoquer publiquement le sort des prisonniers, ou encore de Badr Al-Ibrahim, un jeune intellectuel dont Courrier international avait publié des articles.
Courrier International
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