On peut déjà se demander pourquoi ces cosignataires et pas les autres, dans la sphère écologico-syndicale. Ont-ils été contactés ? Ont-ils été évités ? Ont-ils refusé de signer ? On ne le saura pas… De même que l’on ne saura pas si l’ex-ministre porte un regard autocritique sur le fait qu’il a cautionné la politique de Macron pendant tout le début du quinquennat. Mais c’est vrai que les autocritiques, ce n’est pas le genre de la maison Hulot !
Unanimité ?
Ce pacte est un catalogue de 66 propositions, qui se veulent une réponse autant à la crise écologique qu’à la crise sociale, mise en évidence par la mobilisation des « Gilets jaunes ».
Diantre, quel programme ! Et quel retour ! Certains se souviendront peut-être en effet du premier « pacte Hulot » de 2006. À l’époque, juste avant l’élection présidentielle, presque tout le monde l’avait signé, à gauche et à droite de l’échiquier politique. Ce qui en dit long sur l’utilité de ce genre de document… Même Sarkozy l’avait adoubé, le même qui, quelques années plus tard, déclarera que « L’environnement, ça commence à bien faire ! ».
Ce premier « pacte » listait 10 objectifs et 5 propositions qui se voulaient concrètes. Le nouveau, que l’on appellera « pacte Hulot-Berger » en propose 66 en 4 objectifs.
La couverture de la presse est particulièrement intéressante. On parle ainsi de « projet de société alternatif ». Bigre ! Ou encore de « quasi-programme politique ». Et les réactions politiques sont au même niveau. Applaudissements de Yannick Jadot, candidat aux élections européennes (EÉLV), d’Olivier Faure (PS) qui est « complètement en phase ». Benoit Hamon trouve ce pacte « utile ». Le PCF se félicite aussi, même si Ian Brossat, son candidat aux européennes, juge que « cela ne va pas assez loin ». Et même Manon Aubry, la candidate LFI (La France Insoumise) « espère que cet appel donnera une nouvelle impulsion à ces problématiques ».
Des « oublis » fâcheux
Alors qu’y a-t-il donc dans ce « pacte », pour avoir tant d’échos favorables ? Eh bien rien justement ! Et c’est pour cela que tout le monde est pour ! Et c’est entre autres par ses « omissions » que ce document est intéressant.
Les auteurs ont ainsi « oublié » le mot « biodiversité ». Circulez, il n’y a rien à voir. Aucun problème, aucune crise. Le mot n’existe pas dans le document. Comment peut-on parler de « transition écologique » sans aborder cette question ? On peut être certains que si l’on avait proposé l’exercice à une classe de CM2, les enfants n’auraient pas fait cet « oubli ». Hulot, si !
Un autre mot est manifestement tabou dans ce document : le mot « nucléaire ». Fukushima n’a jamais existé, l’EPR de Flamanville n’est pas un gouffre financier et Cigéo n’est pas un projet destructeur et aberrant. Le « Pacte » réussit donc le tour de force de parler de « transition écologique » sans poser cette question…
Phrases creuses et déclarations d’intention
Quant au reste, c’est un catalogue de phrases aussi creuses les unes que les autres. On peut citer par exemple la proposition 32 : « Porter politiquement les spécificités du modèle non-lucratif français au niveau européen. » Pour les citoyens qui se sont mobilisés pour porter leur rejet des inégalités, l’idée du « modèle non-lucratif » pourra laisser perplexe…
Et sinon, le document recèle de bonnes intentions (celles-là même dont l’enfer est pavé…) qui ne mangent pas de pain, puisqu’elles sont tellement générales que l’on ne prend guère le risque de les appliquer un jour. Du genre : « Introduire une plus grande progressivité de l’impôt », « Revaloriser les minimas sociaux », « Adopter une trajectoire de la taxe carbone compatible avec l’accord de Paris »… On vous passe la suite, c’est tout du même niveau.
On mesurera aussi « l’apport » de syndicats comme la CFDT, la CFTC et l’UNSA au travers de la 35e proposition, particulièrement savoureuse : « Négocier le partage de la valeur ajoutée au sein des entreprises et avec les sous-traitants ». Misère…
Nicolas Sarkozy serait encore dans le circuit politique, il aurait pu signer le document.
Seule Marine Le Pen aurait (peut-être !) refusé de signer à cause de la phrase : « Promouvoir une politique d’intégration bienveillante qui s’inscrit dans notre devoir d’hospitalité ». Quelle ambition…
Et dans leur interview au journal le Monde du 5 mars, à la question (perverse) du journaliste « Faut-il rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune ? », Laurent Berger répond : « Les combats perdus ne m’intéressent pas ». Et se contente de défendre « une tranche d’impôts supplémentaire ». Quant à Nicolas Hulot, il élude la question et répond sur le « guichet unique dans un service public de la transition écologique ». Ces gens-là ont bien appris la langue de bois !
Mais enfin de qui se moquent-ils en nous présentant ce pacte à l’eau de rose ?
Des mesures concrètes sont possibles !
Il y a pourtant de vraies mesures socialement justes et écologiquement efficaces :
– l’arrêt des productions inutiles et dangereuses : armement, plastiques, etc. ;
– l’interdiction de la publicité, la lutte contre l’obsolescence programmée ;
– la réduction des transports inutiles de marchandises par le développement des circuits courts et le passage au rail pour ce qui restera à transporter ;
– une véritable politique de protection de la nature, des paysanEs et de l’alimentation, avec une agriculture paysanne 100% bio (donc l’interdiction de tous les intrants chimiques, pesticides et herbicides…) ;
– la protection de toutes les espèces à statut de conservation défavorable (par exemple les 2/3 des espèces d’oiseaux chassés en France), 10% du territoire français en protection forte pour la biodiversité ;
– la mise en place d’un partenariat avec les associations, avec financement de leurs projets (connaissance scientifique, éducation des citoyens, gestion des espaces protégées) ;
– le financement d’un programme et d’un service public de rénovation, isolation des bâtiments et logements ;
– un plan d’économies d’énergie avec l’arrêt du nucléaire et le développement des énergies renouvelables ;
– la gratuité des premiers m3 d’eau, KwH, indispensables à la vie quotidienne, et une taxation forte au-delà pour limiter le gaspillage ;
– l’arrêt de tous les projets de routes, autoroutes supplémentaires ;
– la réorganisation et le développement des transports en communs en zones urbaine et rurale, arrêt de la fausse solution de la voiture électrique ;
– la gratuité des transports en commun des bus, trains, trams pour les transports quotidiens, afin de laisser les voitures au garage.
Financer la transition en prenant l’argent là où il est
Pour financer ce programme de transition énergétique, il faudra de l’argent, donc prendre des mesures fortes :
– récupérer l’argent qui fuit via la fraude fiscale et les paradis fiscaux (100 milliards d’après Solidaires Finances publiques) ;
– arrêter de payer les intérêts de la dette qui ne profitent qu’aux banques, renflouées en 2008 par l’argent public ;
– établir un impôt sur le revenu réellement progressif et redistributif ;
– arrêter les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises (CICE…), les subventions qui ne servent qu’à enrichir les actionnaires ;
– la réappropriation sociale des secteurs de l’énergie et des banques sous le contrôle des salariéEs et usagerEs
Il est vrai qu’un tel pacte perdrait certains signataires... mais il en gagnerait d’autres et surtout il répondrait à l’urgence sociale et climatique ! Contrairement à Berger qui déclare (le Monde, 5 mars) que « [leur] objectif est que le gouvernement entende l’ambition que portent un certain nombre d’organisations représentant les corps intermédiaires », nous affirmons que nous ne pouvons compter que sur la mobilisation populaire massive pour imposer une véritable politique de transition, radicale. Avec le succès grandissant des marches pour le climat, l’espoir de sortir du système tueur de la planète et de ses occupantEs renaît. Saisissons l’opportunité, construisons les convergences, élaborons les réponses efficaces et utiles.
Commission nationale écologie du NPA