De Rome,
« Il s’agit d’un problème de gestion du territoire et non de politique. » C’est ainsi que Romano Prodi, chef du gouvernement italien, a justifié l’accord donné au Pentagone pour doubler la surface de la base militaire américaine d’Ederle, près de la ville de Vicenza, dans le nord-est de l’Italie. Lorsque les travaux de réaménagement seront terminés, en 2010, l’armée américaine disposera, à Vicenza, de la plus grande base américaine d’Europe.
Pourquoi donc cette décision gouvernementale, dans un pays où existent déjà 113 implantations militaires américaines ? C’est pour accueillir la 173e brigade aéroportée américaine dont les bataillons se sont distingués en Irak - notamment dans le massacre de Faloujah en 2004 - et en Afghanistan. Elle représente la principale unité aéroportée de « réponse rapide » en Europe, avec une zone d’intervention qui comprend l’Europe, une grande partie de l’Afrique et du Moyen-Orient. Par ailleurs, l’élargissement de cette base pose un problème d’impact environnemental - bruit, pollution - dans un territoire fort urbanisé. Cette décision est une claire indication du rôle que veut tenir le gouvernement de centre gauche italien dans la guerre globale et permanente. Il accorde ainsi des nouvelles bases aux États-Unis afin d’obtenir, en contrepartie, une plus forte influence italienne dans certaines zones du Moyen-Orient.
Les « ailes gauche » de la coalition gouvernementale de l’Union - Parti de la refondation communiste (PRC), Verts et communistes italiens - ont été incapables de remettre en cause ces décisions. Le PRC reste prisonnier d’une idée fausse distinguant la présence de l’armée italienne en Afghanistan et la fonction des bases comme celle de Vicenza1. Sans parler de la contradiction entre une position de « non-violence » presque absolue revendiquée par la majorité du PRC et le soutien à l’augmentation des dépenses militaires prévue dans le budget du gouvernement. Sous les mots d’ordre « Gouvernement Prodi, gouvernement de guerre » et « Prodi comme Berlusconi », des manifestations rassemblant une grande partie de la population de la ville a assiégé la mairie, occupé la gare, vidé les écoles. Depuis des mois, dans la ville de Vicenza et les petits villages de cette province, se sont formés des comités populaires contre l’élargissement de la base américaine. Ils ont créé une coordination et tiennent une assemblée permanente regroupant différentes tendances politiques et sociales.
L’évolution politique de ces comités s’approfondit tout comme augmentent la déception et la colère vis-à-vis d’un gouvernement qui avait promis une politique alternative à celle de Berlusconi. Le 2 décembre, la ville a déjà été envahie par 25 000 manifestants, incluant de vastes secteurs du mouvement altermondialiste italien, pour refuser l’élargissement de la base. Le gouvernement a, ensuite, cherché à gagner du temps et à cacher ses intentions pour finalement donner le feu vert, le 16 janvier, aux travaux américains. Dans la ville de Vicenza, la crédibilité des partis gouvernementaux est minimale, sans que cela renforce pour autant une droite qui administre la mairie depuis des années en restant soumise aux exigences de l’armée américaine présente sur place. Le poids politique des comités populaire s’amplifie. Il s’y exprime librement une opposition radicale à la guerre et à ses conséquences sur la vie des citoyens. Le 17 février, l’Assemblée permanente contre la guerre, à Vicenza, a appelé à une manifestation nationale dans la ville contre les bases militaires américaines et celles de l’Otan. Cette dynamique peut être l’occasion d’une reprise du mouvement italien contre la guerre.
Note
1. Ce contre quoi militent nos camarades italiens.