Les autorités sri-lankaises ont annoncé, jeudi 25 avril, que le bilan des attentats du dimanche de Pâques, revendiqués par l’organisation Etat islamique (EI), était révisé à la baisse. Dans un communiqué, le ministère de la santé a fait savoir que le personnel médical avait terminé l’ensemble des autopsies jeudi soir et avait conclu que certains corps de victimes mutilées avaient été comptés plusieurs fois.
« Cela pourrait être entre 250 et 260 [morts]. Je ne peux pas être plus exact. Il y a tant de membres épars qu’il est difficile de fournir un chiffre précis », a déclaré Anil Jasinghe, directeur général des services de santé sri-lankais.
Ruwan Wijewardene, vice-ministre de la défense, a fait savoir que le bilan avait été révisé à la baisse, à 253 morts, en raison de chiffres inexacts qui avaient été fournis précédemment par les morgues du pays. Le dernier bilan communiqué par les autorités s’établissait à 359 morts et 500 blessés.
Des kamikazes ont frappé dimanche matin trois hôtels de luxe de Colombo, la capitale, et trois églises chrétiennes bondées en pleine messe de Pâques.
« Défaillance » de l’Etat
Le Sri Lanka a lancé une gigantesque traque des suspects et seize nouvelles arrestations sont intervenues dans la nuit de mercredi à jeudi, portant le total des personnes interpellées à près de soixante-quinze depuis dimanche. En fin d’après-midi, la police a publié les photos et noms de trois jeunes hommes et de trois jeunes femmes recherchés par les autorités.
Les autorités attribuent les attentats au groupe extrémiste local National Tawheed Jamaath (NTJ) et n’ont pas confirmé officiellement l’implication de l’EI. Les djihadistes de l’EI ont revendiqué le massacre en publiant une vidéo de huit hommes prêtant allégeance. Le président sri-lankais a par ailleurs fait savoir vendredi que l’extrémiste sri-lankais Zahran Hashim, leader du NTJ qui apparaissait dans la vidéo de l’EI, a mené l’attaque-suicide contre un des hôtels de luxe de Colombo, le Shangri-La, avec un second kamikaze.
La polémique enfle sur l’incapacité du pays à empêcher ces attentats-suicides en amont, alors qu’il disposait d’informations cruciales qui indiquaient qu’un mouvement islamiste radical local s’apprêtait à commettre des attentats. Mais ces informations sont arrivées dans un contexte de guerre ouverte entre le président et le premier ministre Ranil Wickremesinghe, chacun essayant de se débarrasser de l’autre en lui mettant tous les bâtons possibles dans les roues.
Jeudi, le plus haut responsable du ministère de la défense a dû tirer les conséquences de cette faillite. Dans une lettre de démission au président Maithripala Sirisena, qui est aussi le ministre de la défense (et de l’intérieur), il a dit « qu’il acceptait la responsabilité » de l’échec.
« Il y a clairement eu une défaillance de la communication de renseignements. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités car si l’information avait été transmise aux bonnes personnes, cela aurait pu permettre d’éviter ou minimiser » ces attaques, a concédé mercredi en conférence de presse le vice-ministre de la défense, Ruwan Wijewardene.
Le Monde avec AFP et Reuters
• Le Monde. Publié le 25 avril 2019 à 19h21 - Mis à jour le 26 avril 2019 à 11h44 :
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/25/le-sri-lanka-revise-a-la-baisse-le-bilan-des-attentats_5454969_3210.html
Des familles entières, des nourrissons, des touristes : les victimes du massacre au Sri Lanka
Le dernier bilan des attentats coordonnés est de 253 morts. La grande majorité des victimes sont sri-lankaises, et leurs identités ne sont pas encore connues.
Des explosions ont eu lieu dans trois églises : dans la capitale Colombo, à Negombo (à une trentaine de kilomètres au nord de la ville) et à Batticaloa, sur la côte orientale du pays. Des attaques ont par ailleurs visé des voyageurs dans trois hôtels de luxe de la capitale, le Shangri-La, le Cinnamon Grand Hotel et le Kingsbury.
Les Sri-Lankais les plus touchés
La grande majorité des victimes étaient sri-lankaises. Selon l’agence Associated Press (AP), leurs identités ont été difficiles à recenser, notamment parce que les autorités ont bloqué les réseaux sociaux après les attaques.
Des femmes, des enfants et des familles entières qui fêtaient Pâques ont été tués dans les attentats contre les églises. Parmi eux : Berlington Joseph Gomez, 33 ans, son épouse, Chandrika Arumugam, 31 ans, et leurs trois fils Bevon, 9 ans, Clavon, 6 ans, et Avon, 11 mois, sont morts dans l’attaque contre l’église Saint-Antoine de Colombo ; une autre famille, composée de K. Pirathap, 38 ans, Anashdi, 35 ans, et de leurs deux filles, Antinaa, 7 ans, et Abriyaana, 1 an, a été tuée au même endroit.
Sneha Savindi, 12 ans, fait, elle, partie des nombreuses victimes de l’attaque contre l’église Saint-Sébastien de Negombo (au moins 110 morts). Parmi elles, figure également un charpentier, Dileep Roshan, 37 ans, qui laisse derrière lui une épouse et une fille, et dont le frère s’est interrogé auprès d’AP : « Elles ne vont pas pouvoir faire grand-chose, maintenant qu’il n’est plus là. La vraie question, c’est de savoir ce qu’il va advenir d’elles. » Herman Peiris, un autre habitant de Negombo, a aussi déploré auprès d’AP la perte de deux sœurs, Celine et Elizabeth, très impliquées dans la vie de l’église, et de deux nièces, dont l’une était sur le point de se marier.
A Batticaloa, sur la côte orientale du Sri Lanka, Ramesh Raju a empêché un homme d’entrer dans l’église Zion pendant la messe, parce qu’il avait un grand sac à dos, rapporte la BBC. Le kamikaze s’est finalement fait exploser à l’extérieur, tuant M. Raju et plusieurs autres personnes, dont treize mineurs. Parmi eux, figurent Sharon Santhakumar, 12 ans, et sa sœur, Sarah Santhakumar, 11 ans.
Trois policiers sri-lankais ont par ailleurs été tués dimanche à Orugodawatta, dans le nord de la capitale Colombo, quand un kamikaze s’est fait exploser lors d’une opération policière.
Les employés des grands hôtels visés figurent également parmi les plus touchés : quatre travaillaient au Shangri-La, dans la capitale, cinq au Cinnamon Grand Hotel, à Colombo également. « C’était une matinée chargée, a commenté un porte-parole de l’hôtel à la BBC. Nous étions dimanche matin, pendant le petit déjeuner, c’est un des moments les plus animés. »
Des dizaines d’étrangers
De nombreux étrangers de dizaines de nationalités différentes ont également été tués. Les ambassades de leurs pays respectifs ont fait état de leur disparition, sans toujours donner de détails sur leur identité ou les raisons de leur séjour au Sri Lanka.
Contrairement à ce qu’avaient annoncé les autorités sri-lankaises dans un premier temps, aucun Français n’a été tué dans les attentats.
Les touristes figurent parmi les principales victimes étrangères. Comme les sept membres du parti Janata Dal Secular (JDS), originaires de l’Etat de Karnataka, dans le sud de l’Inde, morts dans l’attentat contre l’hôtel Shangri-La, où ils étaient en vacances. Ou une famille de Britanniques vivant à Singapour, en vacances à Colombo.
La Néerlandaise Monique Allen, 54 ans, est morte au Cinnamon Grand Hotel, où elle se trouvait en vacances avec son mari et ses trois fils. Deux autres Néerlandaises sont mortes au même endroit : une femme de 48 ans et sa fille de 12 ans.
Trois des quatre enfants du milliardaire danois Anders Holch Povlsen, propriétaire du groupe de prêt-à-porter Bestseller et principal actionnaire de l’enseigne en ligne ASOS, ont par ailleurs été tués dans les attentats, a annoncé un porte-parole du groupe. D’après la presse danoise, ils font partie des victimes tuées à l’hôtel Shangri-La.
Le Portugais Rui Lucas, 31 ans, a été tué dans l’hôtel Kingsbury. Selon le site Jornal de Noticias, il se trouvait à Colombo avec son épouse, en voyage de noces – le couple s’était marié la semaine précédente. La femme est, elle, indemne.
Les victimes étrangères étaient aussi des expatriés ou des personnes en déplacement professionnel dans le pays. A l’image de l’Américain Dieter Kowalski, 40 ans, mort dans l’attaque contre le Cinnamon Grand Hotel. M. Kowalski, qui dirigeait les services techniques du groupe Pearson, une société britannique qui édite des ouvrages éducatifs, était au Sri Lanka en voyage professionnel. Il vivait à Denver, dans le Colorado.
Un couple d’Espagnols originaires de Galice a été tué dans l’hôtel Kingsbury, à Colombo. Selon El Pais, Alberto Chaves Gómez, 31 ans, travaillait en Inde pour une société d’exportation de produits maritimes. Sa petite amie, Maria Gonzalez Vicente, 32 ans, était venue le rejoindre pour quelques jours à Colombo.
Manik Suriaaratchi et sa fille Alexandria, 10 ans, ont été tuées dans l’attentat contre l’église Saint-Sébastien de Negombo. Mme Suriaaratchi avait vécu à Melbourne avec son époux, Sudesh Kolonne, avant que le couple s’installe au Sri Lanka en 2014. M. Kolonne, qui assistait à la messe avec sa femme et sa fille, a survécu. « J’ai entendu un bruit énorme, j’ai bondi dans l’église et j’ai vu que ma femme et ma fille étaient au sol. J’ai vu ma fille par terre, j’ai essayé de la soulever, mais elle était déjà morte. Puis, exactement pareil… ma femme était à côté », a-t-il raconté à ABC.
Selon le journal Asahi Shinbun, Kaori Takahashi, 39 ans, a été tuée au Shangri-La, où elle se trouvait avec son mari et ses deux enfants. Elle vivait au Sri Lanka depuis 2015.
A ce jour, quarante victimes étrangères de treize nationalités différentes ont été recensées.
Le Monde.fr
• Le Monde. Publié le 25 avril 2019 à 10h39 - Mis à jour le 26 avril 2019 à 07h58 :
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