“Une Malaisie dynamique et exempte de corruption’, c’est la promesse lancée par le premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad, aux citoyens qui se demandent s’ils ont eu raison de renverser l’année dernière un régime en place depuis 60 ans,” écrit le quotidien de Singapour The Strait Times.
Le Premier ministre a demandé plus de temps, détaille le journal, afin de mettre en œuvre les aspirations au changement lors d’un entretien à la télévision marquant le premier anniversaire de son entrée en fonction.
“Mais la patience ne permet pas de nourrir un électorat qui faisait du coût de la vie et des opportunités d’emplois ses priorités lors du scrutin du 9 mai 2018.”
La coalition du Barisan Nasional, dominée par le parti de l’UMNO, l’Organisation nationale unifiée malaise, au pouvoir depuis l’indépendance, avait alors été balayée du pouvoir.
Un des piliers de l’UMNO et du Barisan Nasional, dont il a été leader lorsqu’il était Premier ministre entre 1981 et 2003, Mahathir Mohamad est sorti de sa retraite en 2017, ralliant la coalition de l’opposition. Une décision prise, avait-il justifié à l’époque, pour lutter contre l’extrême corruption du Premier ministre d’alors Najib Razak.
Corruption massive
Une des premières mesures du nouveau gouvernement a, d’ailleurs, été de rouvrir l’enquête sur le fonds souverain 1 MDB qualifié par la justice américaine, de “la plus vaste affaire de kleptocratie de tous les temps.”
Le procès de l’ancien premier ministre, Najib Razak a commencé devant la justice malaisienne où il répond d’accusations de blanchiment d’argent et de corruption portant sur près de 10 millions d’euros.
Au bout d’un an de gouvernement, Malaysiakini note “des améliorations et des déceptions. Nous devons nous en contenter car personne n’est parfait.” D’autant qu’il est difficile en un an de changer ce qui a été mis en place durant plus d’un demi-siècle, poursuit le site, indulgent.
Pour autant, le quotidien malaisien The Star signale notamment que les lois répressives sont toujours en place même si “ce retrait ne coûterait rien, et n’aggraverait pas l’endettement du pays.”
Une opposition focalisée sur la question raciale
“Ce dont nous avons besoin est d’un regard extérieur pour assurer que le gouvernement continue ses efforts”, affirme Malaysiakini. Un rôle que doit jouer selon le site la presse ou l’opposition.
Mais, regrette le Malaysiakini, l’opposition, incarnée par l’UMNO et le parti islamiste du PAS, continue de jouer sur la question raciale et religieuse.
Depuis l’indépendance, la Malaisie a organisé une discrimination positive en faveur des citoyens malais musulmans qui composent la majorité de la population, et seraient les “fils de la terre” face aux populations chinoises et indiennes, arrivés, selon l’histoire officielle, plus tardivement sur le territoire.
Pour Malaysiakini, l’opposition “ne prend pas en compte les sujets importants qui touchent le pays.” Elle se fait entendre quand “il s’agit de questions en lien avec les sentiments religieux et raciaux, et, même dans ce cas, ils se focalisent sur les Malais et les Musulmans.”
Sans cesse, poursuit le journal, l’opposition insiste sur “le fait que les droits des Malais ne sont pas protégés et que l’Islam serait menacé.” Une méthode déjà utilisée durant plus d’un demi-siècle par la coalition du Barisan Nasional, pour créer un sentiment de peur, et ainsi, diviser pour mieux régner.
Ennemis devenus alliés
Une rhétorique qui, selon le journal, appartient au passé. Les questions “dont devrait se saisir l’opposition affectent tous les niveaux de la société et non pas un groupe particulier, il s’agit de la corruption, de l’économie de l’éducation et des droits de l’Homme.”
Un écueil pour le gouvernement, note dans un autre article le site Malaysiakini, tient à l’alliance contre nature tissée entre Anwar Ibrahim, opposant historique au Barisan Nasional, et l’ancien Premier ministre Mahathir Mohamad.
Comme le rappelle Malaysiakini, Anwar avait été condamné suite à “un procès fabriqué” par Mahathir alors qu’il était Premier ministre.
L’intérim, un non-sens
En dépit de ce passé, les deux ennemis d’autrefois se sont alliés au nom d’un but commun : renverser le gouvernement corrompu de Najib Razak. Ils ont également conclu un accord lors de leur victoire en 2018 sur un partage de la fonction de Premier ministre.
En vertu de celui-ci, Mahathir assurait l’intérim, Anwar Ibrahim étant encore un prisonnier politique lors de la victoire, ne pouvant donc prendre cette fonction. À sa libération, Anwar Ibrahim a participé à une élection partielle en août 2019 et a pu ainsi être élu au Parlement, lui ouvrant normalement la possibilité de devenir premier ministre. Pour autant, au titre de son accord avec Mahathir Mohamad, il a laissé le poste à ce dernier. Mahathir Mohamad a annoncé qu’il céderait sa place courant 2020.
L’intérim qualifié de “non-sens”, par Malaysiakini, “crée des tensions” et alimente les intrigues au sein d’une coalition fragile entre le parti de Mahathir et la formation d’Anwar Ibrahim. Un intérim qui aveugle les membres de la coalition trop focalisés sur les équilibres internes pour s’atteler aux défaillances du gouvernement.
Courrier International
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