Les Pachtounes (Pathans) habitent dans le nord-ouest du Pakistan [1], à la frontière de l’Afghanistan (État dans lequel se trouve aussi des populations pachtounes). Le PTM mène son combat sous des formes non-violentes et n’est pas indépendantiste. Il diffère ainsi d’autres mouvements qui ont engagé une lutte armée de libération au Baloutchistan, dans le sud-ouest du pays. Il réclame seulement justice à l’État pakistanais.
L’histoire de cette région est très complexe et les Pachtounes ont constitué la principale ethnie de l’Afghanistan, mais les guerres qui ont ravagé ce pays ont conduit bien des Pathans à s’établir du côté pakistanais de la frontière. L’élite pachtoune a été intégrée au fonctionnement de l’Etat, à l’administration et, notamment, au corps des officiers dans l’armée. Elle a essaimé dans tout le pays.
Le PTM est aussi la cible de violentes attaques de la part de mouvements talibans opérant dans toute cette région. La famille d’Ali Wazeer, l’un des deux députés pachtounes actuellement emprisonnés, a ainsi été décimée par ceux-ci.
Un mouvement de masse
Les médias internationaux ont tendance à identifier Pachtounes et talibans. Le combat du PTM montre qu’il n’en est rien. C’est d’autant plus vrai que ce dernier est socialement très enraciné, très représentatif.
Les Pachtounes seraient environs 50 millions, la majorité d’entre eux habitant au Pakistan (une trentaine de millions ? [2]). Outre la population résidant en Afghanistan, la diaspora pachtoune est importante en Europe, en Australie et aux Etats-Unis. Ils sont aussi fortement présent parmi les travailleurs migrants au Moyen-Orient.
Mobiles, les Pachtounes sont de même présents dans diverses parties du Pakistan, si bien que le PTM est probablement devenu le plus important mouvement de masse dans le pays, capable de mobiliser non seulement dans le nord-ouest, mais aussi par exemple à Lahore (au Pendjab) et Karachi (au Sind, dans le sud). Il reçoit le soutien actif d’un front des composantes de la gauche pakistanaise. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est devenu la cible des militaires et des services spéciaux, qui veulent le briser.
Le 26 mai dernier, l’armée a tiré sur une manifestation pacifique du PTM qui protestait contre les exactions subies par la population (et singulièrement les femmes) lors d’opérations menées dans la région frontalière. Il y a eu au moins 13 morts et plus de 40 blessés. Les deux députés du PTM, Ali Wazeer et Mohsin Dawar, ont été arrêtés, incarcérés, torturés, puis emprisonnés à Peshawar [3]. Ils avaient été directement visés par les tirs et Mohsin Dawar fait partie des personnes blessées.
Le PTM, un mouvement de masse, a ainsi deux élus à l’Assemblée nationale. Ali Wazeer est pour sa part membre du courant « The Struggle » qui a récemment intégré le cadre de la Quatrième Internationale. Mohsin Dawar n’a pas d’appartenance « partidaire » spécifique. Ils font tous les deux preuves d’un très grand courage.
Une campagne durable
Ils ont reçu beaucoup de soutiens au Pakistan, y compris de la part de groupes féministes très sensibles aux violences subies par les femmes pachtounes de la part des forces de répression ou des talibans.
Une pétition internationale a été initiée via le site d’Europe solidaire sans frontières (ESSF). Elle a déjà reçu quelque 500 signatures provenant d’un grand nombre de pays : Argentine et Brésil, France, Pologne et Portugal, Philippines (Mindanao) ou Canada-Québec, Tunisie et Algérie, pour n’en nommer que quelques-uns. Cette pétition est actuellement affichée en page d’accueil de notre site [4].
L’objectif poursuivi par cette campagne est triple :
– Obtenir la libération d’Ali Wazeer et Mohsi Dawar ;
– Les protéger après leur libération. L’armée pakistanaise entretient des liens étroits avec les mouvements talibans d’Afghanistan (d’autres opèrent au Pakistan même) et pourraient… ne pas empêcher qu’ils soient assassinés ;
– Obtenir un retour à la normale dans le nord-ouest où les Pachtounes sont actuellement soumis à un véritable régime de blocus et d’état d’urgence.
Ce n’est donc pas une campagne ponctuelle. Elle doit vivre dans la durée.
De façon générale, la situation pour les forces progressistes au Pakistan est très difficile. Le soutien au PTM est l’une des manifestations de la solidarité qui nous devons poursuivre envers la gauche et les mouvements populaires pakistanais. La « disparition » de blogueurs, syndicalistes, dirigeants paysans et le recours à la torture sont régulières. Les mouvements femmes doivent faire face à une violence multiforme. Ce qu’il reste de droits démocratiques est menacé. D’autres campagnes de solidarité concrètes sont à l’ordre du jour.
Pierre Rousset