Il a d’abord fallu montrer patte blanche. Attendre qu’elle choisisse le moment. Pas celui qu’on croyait. On posait une question et son regard, dur, aussitôt sanctionnait notre impudence. On l’a entraînée dans un endroit bucolique que nous avait indiqué l’hôtelier de Die (Drôme), dans les montagnes du Vercors, pensant vaincre ses réticences en lui offrant un cadre paisible. Mais les lacets de la route l’ont indisposée et le chemin de cailloux lui faisait mal aux pieds. Le point de vue ne l’a pas attendrie. Un instant, on a cru qu’elle resterait raide et muette et qu’elle nous renverrait d’autorité, tout à notre curiosité frustrée. Et puis, souveraine, elle s’est mise à parler. Et sa sévérité s’est courbée un instant sous le flot de ses paroles.
Assise dans l’herbe, laissant son fils, Christ, 20 mois, à la surveillance de Yannick, son compagnon, Constance consentait à revenir sur son incroyable voyage. Celui qu’elle avait entamé en mars 2016, en quittant le Cameroun, à l’âge de 21 ans, et qui allait l’amener, comme elle le dit avec une simplicité troublante, à « accoucher Christ en Méditerranée ». L’épopée de cette femme ressemble à celle des centaines de milliers de migrants arrivés en Europe ces dernières années. Et à aucune autre.
Les contractions l’avertissent
Avant d’entreprendre la traversée de la Méditerranée, elle avait déjà survécu à celles du Sahara et de la Libye, cru mourir de soif, subi les violences et les menaces, échappé à la captivité. Le 11 juillet 2017, lorsqu’elle embarque dans un canot en bois, sur le rivage d’une plage de Sabratha, en Libye, aux côtés d’une centaine d’hommes qui lui sont inconnus, c’est autant pour se sauver que par désespoir. La jeune femme a déjà dépassé le terme de sa grossesse de trois jours et les contractions l’avertissent qu’il n’y en aura pas de quatrième.
Dans l’embarcation, Constance n’arrive pas à tenir ses jambes repliées. Elle essaye de s’allonger mais, quand les contractions la saisissent, elle se lève dans une contorsion de douleur. Aussitôt, on la fait se rasseoir, pour éviter que le rafiot ne chavire. Durant les longues heures que dure sa fuite, elle entend des cris autour d’elle. Elle croit deviner dans la nuit les suppliques de gens qui se noient. Elle s’adresse au Seigneur, en silence. « Je ne savais pas si ma mission sur Terre était terminée. » Huit heures après le départ, sous le soleil écrasant de la mi-journée, elle sent soudain qu’elle perd les eaux. Sa main droite découvre, entre ses jambes, la tête de Christ.
« J’appuie sur mon ventre avec la main gauche et avec la droite je prends la tête de Christ. Tout le monde me regardait » Constance
Incapable de contenir davantage l’inéluctable, ignorant sa nudité, les regards médusés de ses voisins et la mer sous ses pieds, elle se lève et se met à pousser. « J’appuie sur mon ventre avec la main gauche et avec la droite je prends la tête de Christ. Tout le monde me regardait. » Quand Constance repense à ceux qui ont assisté, statufiés, au spectacle de son accouchement, entrejambe révélé, elle rit. Chez cette femme que la vie a endurcie à toutes les douleurs et toutes les insouciances, ce rire est immense. L’enfant naît en moins d’une heure. Ses pleurs soulèvent une vague d’applaudissements dans le canot. Et le radeau de la Méduse se métamorphose un instant en scène de la Nativité.
« Ça m’a émue, j’étais vraiment contente », confie la jeune mère, avec la distance qui semble désormais s’être installée entre elle et la confession de tout sentiment. Deux heures après la naissance, la barque de Constance est secourue par l’Aquarius, le bateau humanitaire qui croisait au large de la Libye, en cet été 2017. Avec le recul, elle se dit qu’elle aurait dû appeler son fils Moïse, tel le prophète sauvé des eaux qui a guidé son peuple vers la Terre promise.
Coups de crosse
Seize mois plus tôt, Constance est partie du Cameroun pour des raisons sur lesquelles, par discrétion et compte tenu de la fragilité de sa situation actuelle, elle ne veut pas s’étendre. Yannick et elle vivent d’abord quelques mois au Nigeria voisin puis au Niger et en Algérie. Au cours de ces étapes, lui parvient à trouver du travail, comme aide-maçon sur des chantiers ou bagagiste dans une gare routière. Elle vend un temps des sachets d’eau fraîche dans la rue. De quoi financer la suite de leur route.
Mais, en Libye, le couple se trouve séparé de force. La Camerounaise est recluse dans la pièce d’une maison transformée en geôle, où sept autres femmes sont déjà détenues. « On nous donnait du pain sec tous les jours et parfois de l’eau sucrée dans laquelle le tremper. » Constance dort à même le sol, se lave une fois par semaine, dévorée par les poux. « Ils me demandaient d’appeler mes parents pour qu’ils versent une rançon de 1 500 euros sinon je mourrais. » Ils ? Des hommes libyens dont elle ne sait ni qui ils sont ni où ils la retiennent. Sinon qu’ils violent les femmes et qu’elle n’y échappe que parce qu’elle est enceinte de six mois et demi. Les coups de crosse de fusil et les menaces, Constance les essuie comme les autres. Au Cameroun, personne ne peut payer pour sa libération. Sa mère est décédée et son père s’est remarié.
Les femmes s’enfuient
Le groupe de prisonnières décide de tenter une évasion. « On voulait élaborer un plan, raconte Constance. Je savais que l’accouchement approchait. » Un soir, profitant du sommeil de leur geôlier, les femmes s’enfuient. La Camerounaise a dépassé d’un jour le terme de sa grossesse. Son corps est lourd, endolori. « Je ne pouvais pas escalader la barrière. Les filles me portaient. Ça n’allait pas du tout. Elles me disaient : “Fais un effort. Si on nous trouve, c’est la mort.” J’ai eu la chance de côtoyer des filles qui m’ont soutenue. »
Durant plusieurs heures, les fugitives marchent dans la nuit. Sur la route, elles arrêtent un vieillard qui leur prête un téléphone. L’une d’elles, une Ivoirienne, Fatimata (le prénom a été modifié), contacte un passeur qui vient les récupérer à l’aube. Les contractions ont commencé. « On est arrivées à Sabratha, mais le passeur ne voulait pas m’amener à l’hôpital et il était hors de question que j’accouche chez lui. »
Vers 22 heures, Constance se retrouve sur une plage de la ville côtière libyenne où les convois vers l’Europe s’organisent. L’île italienne de Lampedusa est à 300 kilomètres. Le tarif des passeurs voisine les 600 euros. Fatimata paye pour la traversée de celle qui est devenue son amie. Constance voit des hommes par centaines remplir des canots pneumatiques à la chaîne et être précipités dans l’eau. Sans retour possible. Elle prend peur. « Fatimata me parlait, m’exhortait à y croire. C’est elle qui m’a obligée à partir. Elle me disait : “On prie pour que tu arrives en Italie avant d’accoucher.” » Tiraillée par la douleur, la jeune Camerounaise veut renoncer mais n’a plus le choix : « Le passeur a braqué une arme sur ma tête. »
« Elle était la seule femme noire au milieu d’un groupe d’Arabes et il y avait un peu d’espace autour d’elle » Nick, sauveteur sur l’« Aquarius »
Fatimata négocie pour que son amie n’embarque pas sur un bateau en caoutchouc et paye 200 euros de plus pour qu’elle voyage dans une barque en bois, réputée plus sûre. Il y a des classes de voyageurs, même dans les traversées du désespoir. Constance prend finalement la mer, vers 4 heures du matin. A l’intérieur de l’embarcation, chargée au-delà de ses capacités, les corps sont enchevêtrés. Sa compagne de voyage reste derrière elle. Elle ne traversera jamais la Méditerranée. « Elle a accouché d’un enfant du viol, qui est mort à la naissance, raconte Constance. Elle est retournée en Côte d’Ivoire. »
Quand les secouristes de l’Aquarius s’approchent du canot, ils distinguent rapidement la Camerounaise parmi les autres passagers du rafiot en détresse. « Elle était la seule femme noire au milieu d’un groupe d’Arabes et il y avait un peu d’espace autour d’elle », se souvient Nick, un sauveteur présent ce jour-là. La majorité des hommes sont des Marocains. Deux femmes sont aussi à bord, mais trop éloignées de Constance pour lui venir en aide. Elle se trouve près de deux hommes noirs. L’un tient le manche du moteur. Le grade de capitaine ne traduit ici la récompense d’aucun mérite. Attribué d’autorité par ceux qui lancent les migrants à la mer, il fait au contraire courir le risque d’être considéré comme un passeur une fois débarqué.
Certificat de naissance
Lorsque Constance et son bébé sont hissés à bord de l’Aquarius, l’enfant est encore rattaché à sa mère par le cordon ombilical. La délivrance a lieu dans le petit « hôpital » aménagé à bord. « Elle était d’un calme olympien, se remémore Alice Gautreau, sage-femme pour Médecins sans frontières (MSF). C’est incroyable. Normalement le travail s’arrête lorsque les conditions ne sont pas bonnes. Ce bébé était très pressé d’arriver. » Un certificat de naissance est établi dans les eaux internationales, en présence d’un capitaine biélorusse et d’un médecin américain, à une longitude de 12° est et une latitude de 33° nord, sur un bateau battant pavillon gibraltais.
Christ, Mercy, Miracle, Favour, Newman et Alex (en hommage au capitaine de l’Aquarius)… les noms des enfants nés entre 2016 et 2018 à bord du bateau humanitaire affrété par les ONG MSF et SOS Méditerranée sont lestés du symbole de leur existence. « Il nous est arrivé de ne pas pouvoir sauver des femmes et des enfants, rappelle Nick. Et c’est de pire en pire. Aujourd’hui, la seule option, c’est de mourir ou d’être interceptés par des gardes-côtes libyens et d’être renvoyés en Libye. »
Etat en guerre civile
Le ministre de l’intérieur italien, d’extrême droite, Matteo Salvini, a déclaré la fermeture de ses ports aux bateaux humanitaires depuis un an, et les navires de l’opération européenne militaire « Sophia » se sont retirés de Méditerranée centrale. Le taux de mortalité durant la traversée, lui, a explosé tandis que l’Europe parachève la montée en puissance des gardes-côtes libyens, choisissant de coopérer avec un Etat en guerre civile. Et ce malgré les avertissements sur les sévices qu’y subissent les migrants. Visées par des mises sous séquestre ou des procédures judiciaires, la plupart des ONG de secours en mer ont renoncé à leur présence au large de la Libye.
« Demain, un nouvel Aquarius, un bateau qui avait recueilli des migrants naufragés, arrive aux abords des côtes françaises. Est-ce que vous l’accueillez, oui ou non ? », avait demandé la journaliste Ruth Elkrief aux principales têtes de liste des élections européennes, quelques jours avant le scrutin. Près de la moitié avait répondu non. Réunis à Helsinki puis à Paris en début de semaine, les Etats membres de l’Union européenne ont échoué à trouver un accord sur un mécanisme de débarquement des migrants secourus en Méditerranée. Qu’importe. Après avoir dû abandonner l’Aquarius, privé de pavillon fin 2018, SOS Méditerranée et MSF ont repris la mer, le 18 juillet, à bord d’un nouveau navire, l’Ocean-Viking.
Salves d’applaudissements
Constance et Christ ont été débarqués dans le port de Brindisi, en Italie. Ils sont les premiers à descendre à quai, sous une salve d’applaudissements. « On aurait dit qu’ils accueillaient un président », s’amuse-t-elle. Pourtant, le parcours qui l’attend en Europe n’a rien de l’itinéraire balisé d’un chef d’Etat. Il empruntera les méandres tortueux de la réglementation européenne en matière d’asile et les sentiers escarpés qui traversent les frontières.
La jeune mère est d’abord hébergée dans un couvent, à Ceglie Messapica, dans les Pouilles. Elle s’étonne de ne pas être conduite à l’hôpital. Le nombril du nouveau-né s’infecte. « On a enfin vu un pédiatre, au bout de deux semaines. » Au couvent, le confort est plutôt sommaire. Logée avec des Nigérianes et des Soudanais, elle voit leur situation administrative évoluer. Mais, pour elle, rien n’avance. La naissance de Christ dans les eaux internationales complique ses démarches.
« Un avocat m’a demandé 600 euros pour faire traduire le certificat de naissance, alors que je percevais 75 euros [d’allocation] par mois. » Le prêtre de la paroisse où elle se rend le dimanche lui donne la somme. Son dossier reste néanmoins bloqué. Elle veut faire opérer Christ, qui a un frein de langue trop court. Sa situation administrative fait encore obstacle. Pendant ce temps, Constance s’évertue à retrouver la trace de Yannick. « Je priais pour qu’il soit vivant. »
Direction la France
Sur les réseaux sociaux, elle contacte ses connaissances. Elle finit par apprendre que la famille de son compagnon a pu lui envoyer de l’argent en Libye. Un ami habitant Alger l’informe qu’il est passé en Algérie quelques mois auparavant et qu’il est parti pour le Maroc. « J’ai essayé d’appeler là-bas, j’ai envoyé sa photo. C’est comme ça qu’un ami a reconnu son visage. » En octobre 2017, le couple parvient enfin à entrer en contact. Elle le presse de les rejoindre, mais il a déjà échoué à escalader la barrière qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Ceuta et il n’a pas l’argent pour financer une traversée du détroit de Gibraltar.
Après neuf mois au couvent, Constance a le sentiment de s’embourber. Comme pour rebattre les cartes, elle ramasse le peu d’économies dont elle dispose et part, sans prévenir, en direction de la France. Avec Christ, elle prend un bus pour Brindisi, puis un train pour Turin. Un Malien lui fait payer 200 euros pour simplement l’installer dans un bus tout en lui assurant que le passage se fera sans encombre par les cols alpins. Mais, à la frontière, la police française intercepte la mère et son enfant. « Ils m’ont renvoyée en Italie et je suis allée dans un camp de réfugiés à Turin où je suis restée un mois. »
« On a marché dans la neige, j’avais mal au dos. Vers 23 heures, on s’est reposé, j’ai donné le sein » Constance
Cet échec ne brise pas sa détermination et, maintenant qu’elle connaît le chemin, elle est décidée à s’en sortir seule. Les Alpes qui se dressent devant elle ne l’intimident pas. Elle reprend le même bus, descend cette fois avant la frontière et attend quelques jours dans un refuge l’occasion de franchir les montagnes. Christ n’a pas encore un an. Au bout de trois jours, à la nuit tombée, elle se lance. Ceinte d’un pagne autour du dos, où elle a blotti son fils, elle entreprend à pied la traversée du col de Montgenèvre, à 1 850 mètres d’altitude, avec des couches et des petits pots dans un sac à main. Une Camerounaise et son bébé de six mois l’accompagnent, ainsi que deux Guinéens et un mineur sénégalais.
« On a marché dans la neige, j’avais mal au dos. Vers 23 heures, on s’est reposé, j’ai donné le sein. Et on a repris la route jusqu’à 2 heures du matin. A ce moment-là, on a aperçu la lueur d’une lampe torche, au loin. » C’est la police française. Dans un instinct de survie, Constance se jette à terre. « Je me suis mise à crier, à dire que j’étais malade, que les enfants avaient de la fièvre. » Les forces de l’ordre sont obligées de conduire les deux femmes, leurs enfants ainsi que le jeune Sénégalais à l’hôpital de Briançon (Hautes-Alpes) ; les autres doivent retourner en Italie.
De longs mois d’attente
Le 10 juin 2018, Constance et Christ sont enfin en France. Mais personne ne les y attend. L’administration explique à la jeune femme qu’elle ne traitera pas sa demande d’asile car, en vertu du règlement de Dublin, c’est à l’Italie de le faire puisque c’est par ce pays qu’elle est entrée en Europe. Elle risque d’y être renvoyée. De longs mois d’attente et de désœuvrement s’écoulent, sous la menace d’une expulsion. Constance est hébergée un temps dans une chambre d’hôtel, à Annecy. Mais elle ne s’y sent pas bien.
« Je ne connaissais personne. Je devais me débrouiller pour aller à la préfecture ou à la Croix-Rouge. Je n’avais pas d’accès à Internet. Et juste un micro-ondes pour cuisiner. » L’assistante sociale lui interdit d’installer des plaques électriques pour préparer les purées de Christ. Lorsque Constance raconte cet épisode, la colère affleure dans sa voix. Chaque déconvenue est plus difficile à supporter. A l’automne, la mère et son fils quittent l’hôtel annécien. Le réseau militant briançonnais, qu’elle a approché à son arrivée en France, la met en contact avec des gens prêts à l’héberger, à Die, dans la Drôme, à 200 kilomètres de la frontière.
Canot pneumatique
Pendant ce temps, Yannick a réussi à entrer en Espagne. Avec onze hommes, il s’est cotisé pour acheter un canot pneumatique et ramer jusqu’aux eaux internationales, où ils ont été secourus par la Croix-Rouge. Au cours de leur périple, ils ont hissé à bord un Sénégalais qui dérivait, accroché à une chambre à air de voiture. Yannick s’y reprend ensuite à deux fois avant d’arriver à passer la frontière franco-espagnole et à rejoindre Die.
C’est chez Amélie et ses deux filles de 15 et 5 ans que la famille réunie s’installe. Depuis son arrivée à Die, en 2014, Amélie baigne dans la culture locale qu’entretiennent « des soixante-huitards babas cool, new age, punk… en tout cas, des gens qui cherchent une alternative à la société de consommation ». Elle s’investit plutôt dans le mouvement de la décroissance mais, à la faveur d’une rencontre interassociative, elle décide d’offrir une chambre à la famille de Constance dans son appartement HLM. « Je n’ai pas de grosses compétences, mais on peut vivre ensemble », propose-t-elle. Constance, Yannick et Christ y sont généreusement accueillis. L’enfant grandit dans cet environnement à la tranquillité retrouvée. Il balbutie ses premiers mots, apprend à courir et à rire. Depuis le mois de mai, Christ va à la crèche et, comme n’importe quel autre enfant, pleure lorsque son père l’y dépose. Il vient d’avoir 2 ans.
Constance n’est plus « dublinée ». Faute d’avoir organisé son expulsion en Italie dans un délai de six mois, la France doit maintenant examiner sa demande de protection. La jeune Camerounaise attend d’être convoquée à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). Yannick a lui aussi déposé une demande d’asile mais, en vertu d’une clause de solidarité familiale, il se retrouve à son tour sous le coup d’une procédure Dublin en Italie, alors même qu’il n’y a jamais mis les pieds. En juillet, le bureau de l’éloignement de la préfecture de la Drôme lui a remis un arrêté de transfert aux autorités italiennes, qu’il a aussitôt contesté devant la justice administrative.
Dans cet entrelacs de complications, qui confinent parfois à l’absurde, l’attente le dispute à l’anxiété. « On passe nos journées à la maison, on n’a rien à faire », se désole Constance. Elle voudrait suivre une formation d’esthéticienne. Lui s’imagine travailler comme plombier. Mais, tant que leur demande d’asile n’a pas été traitée, ils sont contraints à l’oisiveté. Grâce à l’aide du réseau militant, le couple vient d’emménager dans un studio à Die, où il retrouve un peu d’intimité. Ils aimeraient se marier. « Avec tout ce qu’on a souffert ensemble », dit Yannick. En attendant, le jeune couple goûte au quotidien le lent poison de l’ennui.
Julia Pascual