En rupture avec un passé verticaliste et autoritaire, Öcalan (emprisonné en Turquie depuis de nombreuses années), très influencé par l’anarchiste écologique nord-américain Murray Bookchin, a fait le choix d’un programme non étatiste et non nationaliste, le confédéralisme démocratique, que ses partisans au Rojava tentent de mettre en pratique. Respectant l’autonomie locale des communes et cantons, la Fédération, laïque et plurinationale, est gouvernée par un Conseil élu de 151 délégué·es (curieusement, la plupart de ces informations ne figurent pas dans la brochure).
Le Rojava vit depuis 2012 une expérience d’émancipation. C’est dans ce contexte que des projets agricoles et écologiques sont mis en œuvre pour construire l’autonomie alimentaire et énergétique, un enjeu crucial pour préserver et développer la révolution. De la domination coloniale française sur la Syrie (1920-1946) jusqu’à celle du régime du parti Baas, Rojava s’est vu imposer des monocultures (blé à Cizîrê, olivier à Afrin…) accompagnées de la déforestation. La plantation d’arbres, accusés de consommer l’eau destinée aux cultures, a même été interdite. C’est dans ce cadre que la Commune internationaliste du Rojava a commencé une campagne de reforestation en coopération avec le Comité écologique du canton de Cizîrê.
La première partie de ce petit livre est une critique radicale de la modernité capitaliste, responsable de la destruction de l’environnement et du réchauffement climatique. Reconnaissant que la crise écologique est devenue le défi majeur de notre époque, les auteurs proposent une alternative révolutionnaire, inspirée par les écrits d’Öcalan, Friedrich Engels, Silvia Frederici et Murray Bookchin (dont la fille, Debbie Bookchin, a préfacé la brochure) : l’écologie sociale. Au-delà du capitalisme et de l’État, il s’agirait d’une société écologique démocratique, décentralisée, capable d’opérer une réconciliation entre l’espèce humaine et la nature. Un passage d’Öcalan explique que pour résoudre la question écologique il faut qu’un système social socialiste se développe ; cependant, dans le texte de la Commune, le terme « socialisme » n’apparaît pas…
Les auteurs reconnaissent que l’expérience révolutionnaire du Rojava doit affronter de redoutables défis écologiques : reboiser le pays, sortir de la monoculture, abandonner les pesticides, diversifier la production et l’orienter vers la consommation locale, etc.
Pour contribuer, modestement, à ces objectifs, le Comité internationaliste du Rojava, en coopération avec le comité d’écologie de la Fédération démocratique de la Syrie du Nord, a lancé la campagne « Make Rojava Green Again » – une réponse ironique au misérable mot d’ordre de Donald Trump (« Make America Great Again »). Le premier pas de cette campagne serait la fondation d’une « Académie » (terme utilisé par les révolutionnaires kurdes pour toutes sortes d’institutions culturelles) internationaliste, dont les objectifs seraient :
- La formation culturelle et politique des internationalistes, mais aussi de la société (dans les écoles, communes etc.) ;
- Des travaux pratiques : reboisement, création d’une pépinière, promotion de jardins potagers et d’une agriculture urbaine, plantation d’arbres fruitiers, etc. ;
- Organisation de la solidarité internationale, ce qui inclut la recherche de spécialistes et la collecte de dons [1].
* Commune internationaliste du Rojava, Make Rojava Green Again, Atelier de création libertaire, Lyon 2019, 8,00 €
Michael Löwy
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