Une grève générale a paralysé Hong Kong lundi 5 août, sur fond d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. L’archipel vit sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession par Londres en 1997.
La tension ne cesse de grimper à Hong Kong où les manifestations s’enchaînent depuis deux mois, sur fond de tensions avec Pékin. Une grève générale, la première depuis plus de cinquante ans, a paralysé l’archipel lundi 5 août, tandis que des affrontements ont éclaté dans différents quartiers de la ville.
« On a supposé par le passé que les Hongkongais étaient des animaux économiques, mais cela prouve que les gens peuvent choisir de ne pas aller travailler , a déclaré ce lundi Joshua Wong, cet activiste pro-démocratie qui était l’une des figures de la « révolution des Parapluies » de 2014. « Les gens de Hong Kong ne sont plus des animaux économiques. Nous sommes prêts à en payer le prix, quel qu’il soit. »
« Il n’y a jamais eu de grève générale depuis les années 1960, lorsque les syndicats contrôlés par Pékin appelaient à la grève », explique Antony Dapiran, auteur d’un essai sur la contestation dans l’archipel. « Si cette grève générale devait se produire, ce serait extrêmement significatif, parce que Hong Kong n’a tout simplement jamais connu une chose pareille », poursuivait Dapiran dans un entretien lundi au Financial Times, en amont de la mobilisation.
Neuf semaines après le début des manifestations, un tournant s’est opéré : des milliers de fonctionnaires ont rejoint le mouvement ce vendredi 2 août, pour exprimer leur soutien aux manifestations qui se déroulent actuellement dans la ville et appeler les autorités à un rétablissement de la confiance entre le gouvernement et la population.
L’archipel a connu une journée particulièrement tendue ce lundi 5. Des manifestants ont paralysé le métro, en utilisant des extincteurs calés entre le quai et la rame. Ils n’ont pas manqué d’imagination pour bloquer la circulation : des voitures qui font des tours de rond-point à n’en plus finir, des allers-retours sur les passages piétons…
Ces interventions, plutôt pacifiques, tranchaient avec des scènes observées dans d’autres quartiers de la ville où la police a aspergé les manifestants de gaz lacrymogène pour les disperser.
Une voiture a par ailleurs traversé une barricade mise en place par des manifestants à Yuen Long. Cette scène a vite été surnommée sur les réseaux sociaux « le Charlottesville de Hong Kong », en référence à cette ville des États-Unis où un militant d’extrême-droite avait foncé en voiture, en août 2017, dans la foule de contre-manifestants, tuant une femme de 32 ans. Une personne a été blessée parmi celles qui essayaient de retenir la barrière.
Un incident similaire s’est produit sur Harcourt Road, un autre quartier de la ville, dans lequel plusieurs personnes ont été blessées.
Des postes de police ont été encerclés par les manifestants et des rues occupées.
Des affrontements ont eu lieu en fin de journée entre manifestants et des hommes non identifiés, armés de barres, dans le quartier de North Point.
Depuis le début du mouvement, le 9 juin, plus de 500 personnes ont été arrêtées, dont 82 personnes au cours de la seule journée de lundi. La police a eu recours un millier de fois à des gaz lacrymogènes.
Ce mouvement est né du rejet d’un projet de loi qui devait permettre l’extradition de suspects de Hong Kong vers la Chine. Le texte est depuis suspendu. Mais la contestation s’est rapidement élargie à la sauvegarde de la démocratie et des libertés.
Les millions de Hongkongais qui ont défilé dans les rues estiment que leur régime particulier, résumé par la formule « un pays, deux systèmes », est aujourd’hui menacé par le gouvernement central chinois.
Les mobilisations qui agitent Hong Kong réveillent parfois un sentiment antichinois très vif, et risquent de renforcer les mouvements indépendantistes (lire le reportage publié dans Mediapart mi-juin). « Il faut rester mobilisé pour être sûr que ce n’est pas cette fois-ci qu’ils détruiront complètement notre autonomie », expliquait une manifestante, « très fière d’être hongkongaise ». « Hong Kong, ce sont les libertés, une presse libre, l’État de droit, la séparation des pouvoirs », énumérait cette lycéenne née après 1997 et la rétrocession de l’ex-colonie britannique. « La Chine, c’est l’autoritarisme, les détentions arbitraires, une justice inique, la propagande permanente. »
Côté gouvernement, Carrie Lam, cheffe de l’exécutif hongkongais désignée en 2017 par une commission largement pro-Pékin – et non pas par suffrage universel, comme revendiqué lors de la « révolution des Parapluies » en 2014 –, a tenu une conférence de presse lundi matin, en amont de la grève générale (voir extrait ci-dessous). Cette femme, dont les manifestants réclament la démission, était restée très discrète ces dernières semaines. Dans son intervention, elle a accusé les contestataires de « détruire » la vie des Hongkongais et jugé la situation sur l’archipel, née des manifestations, « extrêmement dangereuse ».
Le marché boursier de Hong Kong, enclave capitaliste chinoise conformément à la règle « un pays, deux systèmes », a lui aussi été frappé : l’indice boursier hongkongais, le Hang Seng, a ainsi reculé lundi 5 août de 2,85 %. Le tourisme et les affaires aussi : plus de 160 vols ont été annulés sur la journée à l’aéroport de Hong Kong, l’un des plus actifs au monde.