TOKYO CORRESPONDANT
Les pourparlers multilatéraux sur la dénucléarisation de la Corée du Nord ont débuté le 8 février à Pékin dans un climat relativement optimiste. La Chine, qui joue un rôle de conciliateur entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC), a appelé à un « nouveau départ du processus ». Aucun progrès n’avait été enregistré, fin décembre, lors de la précédente session de ces pourparlers à six (Chine, Corées, Etats-Unis, Japon et Russie).
Lors d’une rencontre préliminaire à Berlin, Américains et Coréens du Nord seraient parvenus à un protocole d’accord. Le quotidien japonais Asahi a avancé qu’un document avait même été signé. Ce que le négociateur américain, Christopher Hill, a démenti, tout en admettant que les éléments de compromis évoqués par le quotidien pourraient être abordés.
L’Asahi fait état de livraisons annuelles de 500 000 tonnes de pétrole à la RPDC par les Etats-Unis en échange de la fermeture par Pyongyang de son réacteur nucléaire. Un « marché » qui marquerait plus ou moins un retour aux termes de l’accord de 1994 rompus par le déclenchement de la crise d’octobre 2002, lorsque Washington a accusé Pyongyang de poursuivre un programme secret d’enrichissement d’uranium.
Si la RPDC a bien acquis des équipements d’enrichissement au Pakistan, il n’a jamais été démontré que ce programme était opérationnel. Cette crise a en revanche fait sauter les seuls verrous aux ambitions nucléaires nord-coréennes dont disposait la communauté internationale : le gel de son programme à base de plutonium placé sous la surveillance par l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). En octobre 2006, Pyongyang a procédé à un essai nucléaire souterrain.
Un an auparavant, le 19 septembre 2005, les Six avaient signé une déclaration conjointe par laquelle la RPDC s’engageait à renoncer à son programme nucléaire en échange de compensations de la part des Etats-Unis. Les termes de cet accord de principe devaient être négociés ultérieurement. Mais les sanctions financières prises par les Etats-Unis au lendemain de sa signature ont cabré Pyongyang, qui a refusé de revenir à la table de négociation. Washington avait alors accusé la Banco Delta Asia, basée à Macao, de blanchiment d’argent pour le compte de la RPDC : de peur d’être aussi mises à l’index, une vingtaine de banques internationales ont mis fin à leurs transactions avec Pyongyang.
La Corée du Nord a fait de la levée des sanctions financières, qui se sont traduites par un étranglement du pays, une condition préalable à toute discussion sur le nucléaire. « Nous sommes prêts à négocier les premières phases d’application de l’accord de septembre 2005 », a déclaré le négociateur nord-coréen, Kim Kye-gwan. « Nous nous déterminerons, a-t-il ajouté, en fonction de la volonté des Etats-Unis de mettre fin à sa politique hostile à notre encontre. » Les sanctions financières sont, pour Pyongyang, une expression de l’hostilité américaine. « Washington sait très bien ce qu’il faut faire », a poursuivi M. Kim.
Bien qu’il semble que Washington entende faire preuve de plus de souplesse que dans le passé vis-à-vis de Pyongyang, il n’est pas certain que les Coréens du Nord se contenteront d’une levée partielle des sanctions financières. Ils sont en effet conscients du souci des Etats-Unis d’apaiser le jeu dans la péninsule afin de pouvoir se concentrer sur l’Iran. Un second test nucléaire nord-coréen créerait un nouveau foyer de tension en Asie orientale, dont Washington, suffisamment occupé au Moyen-Orient, n’a guère besoin.
Encart
L’enjeu des fonds de Pyongyang gelés à Macao
Accusée, en septembre 2005, de blanchiment d’argent par le Trésor américain, la Banco Delta Asia (BDA) de Macao a été placée sous la tutelle des autorités locales qui, sous la pression de Washington, ont gelé une cinquantaine de comptes bancaires nord-coréens pour un montant total de 24 millions de dollars. Washington n’a jamais fourni de preuves de ses accusations. Les dépôts de la DBA étaient supervisés par Hongkong and Shanghai Bank Corp. (HSBC), le deuxième plus grand groupe bancaire du monde, qui n’avait apparemment rien relevé d’anormal. Sous la pression du département d’Etat, soucieux de débloquer les négociations sur le nucléaire, le Trésor américain pourrait reconnaître que 13 millions sur les 24 millions gelés ne sont pas issus d’opérations illicites.