Malgré l’interdiction de la police, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé à Hong Kong samedi 31 août.
En fin d’après-midi, la marche a tourné à l’affrontement avec la police, qui a utilisé canon à eau et gaz lacrymogènes.
Malgré la pluie et l’interdiction de la manifestation par la police, plusieurs dizaines de milliers de manifestants, vêtus de noir, de casques et de masques à gaz, ont défilé samedi 31 août dans différents quartiers de Hong Kong après une vague d’arrestations de militants prodémocratie.
Cinq militants de premier plan et trois députés ont été interpellés vendredi 30, dont Joshua Wong et Agnes Chow, âgés de 22 ans, figures du Mouvement des parapluies qui avait paralysé Hong Kong en 2014. Ils ont été inculpés pour « incitation à participer à un rassemblement non autorisé », avant d’être libérés sous caution. « Nous poursuivrons le combat », a promis Joshua Wong tout en fustigeant « l’effet glaçant » des arrestations d’opposants.
Pour contourner cette interdiction, des appels avaient été lancés à organiser sur l’île des rassemblements religieux, qui ne nécessitent pas les mêmes autorisations. Un autre groupe s’est retrouvé dans le quartier très commerçant de Causeway Bay, bondé comme tous les samedis.
Pour ce treizième week-end de mobilisation, la marche est restée pacifique dans la journée selon les correspondants du Guardian, avec des familles et des personnes âgées chantant « Fight for Hong Kong, stand with Hong Kong ! ». Dans le métro et dans les rues, les manifestants ont également chanté « Reprendre Hong Kong, la révolution de notre temps ».
Mais la répression policière s’est abattue en fin d’après-midi, quand un petit groupe de radicaux a attaqué avec des pierres et des cocktails Molotov des policiers disposés autour du complexe gouvernemental hongkongais. Il abrite notamment le conseil législatif (LegCo), le « Parlement » local qui avait été mis à sac le 1er juillet.
Les manifestants ont brièvement réussi à enfoncer les barrières protégeant le centre gouvernemental avant d’être repoussés. Un camion à eau a tiré en leur direction des jets bleus, une façon d’identifier les protestataires pour les interpeller. La police a tiré de grandes quantités de lacrymogènes depuis le complexe gouvernemental, saturant la rue de gaz.
Selon l’AFP, les manifestants se sont ensuite déplacés et ont incendié une énorme barricade constituée de sièges arrachés sur les gradins d’un terrain de sport, près du quartier général de la police, dans le secteur de Wan Chai (centre). Les flammes ont été éteintes au bout d’une demi-heure.
Ce qui n’a, selon le Guardian, pas intimidé les manifestants. « Si nous arrêtons maintenant, seule la répression nous attend », a dit au quotidien britannique Sonny Lai, 21 ans, un manifestant portant protections, masque à gaz et gants. Dans un climat de plus en plus tendu samedi 31 au soir, les policiers spécialisés dans le maintien de l’ordre se sont positionnés le long des routes principales et des hélicoptères ont patrouillé. Dans le métro, des habitants ont laissé des vêtements propres pour permettre aux manifestants touchés par la peinture bleue de la police de se changer.
Plusieurs vidéos amateur montrent des policiers déguisés en manifestants, l’une d’elle les montrant interpellant violemment un manifestant en l’étranglant sur le sol. Sur une autre vidéo, on voit la police spécialisée se ruer dans le métro et frapper au hasard des passagers, créant une véritable panique.
L’escalade policière semble donc se poursuivre, après trois mois de contestation et la pire crise politique depuis la rétrocession à la Chine de ce territoire en 1997.
Partie de l’opposition à un projet de loi qui autoriserait des extraditions vers la Chine, la contestation a élargi ses revendications à la dénonciation de l’influence grandissante de la Chine sur sa région semi-autonome et au recul des libertés.
Ce 31 août, les manifestants voulaient marquer le cinquième anniversaire du refus par Pékin d’organiser des élections au suffrage universel à Hong Kong. Cette décision avait été le déclencheur du Mouvement des parapluies de 2014, marqué par 79 jours d’occupation du cœur financier et politique de la ville.
Mais la police avait justifié l’interdiction de manifester en rappelant les échauffourées de dimanche dernier, parmi les plus graves depuis le début de la contestation en juin.
Le dimanche 26 août, la police avait pour la première fois fait usage de canons à eau pour disperser les manifestants. Un premier tir à l’arme à feu contre les contestataires avait été effectué par les forces de l’ordre. Au total, plus de 900 personnes ont été interpellées depuis juin.
Pékin, qui ne veut pas entacher sa célébration du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine, prévue le 1er octobre, pousse les autorités hongkongaises à refuser toute concession et à multiplier les interpellations.
Selon le New York Times, le gouvernement de Hong Kong a déclaré samedi qu’il ne rouvrirait pas les négociations sur les propositions faites pour augmenter la démocratie, malgré des revendications réclamant un système « une voix, un vote » et l’absence d’interférence de Pékin dans les affaires de Hong Kong. « Se lancer dans une réforme politique polariserait encore plus la société, ce qui serait un acte irresponsable », a indiqué le gouvernement de Hong Kong.
Rédaction de Mediapart