Avouons-le : lorsque, en juin, le gouvernement chinois a invité des journalistes étrangers à assister, durant quelques minutes, à un séminaire organisé par l’Ecole centrale du Parti communiste chinois (PCC) sur « la pensée de Xi Jinping et l’agriculture », beaucoup s’attendaient au pire. Une sorte de cours ennuyeux aux caractéristiques chinoises.
Quelle ne fut pas leur surprise d’entendre un jeune professeur expliquer, photos à l’appui, à une cinquantaine de cadres – dont une dizaine de femmes –, qu’il y avait un lieu où cette pensée s’exprimait : la très conservatrice Bavière.
Avec ses fermes à colombages restaurées mais qui n’ont rien perdu de leur cachet d’antan, avec un système innovant de récupération des eaux, avec ses toilettes sèches, cette région du sud de l’Allemagne est « un modèle à observer », explique l’enseignant. Et certains, en Chine, l’ont bien compris, poursuit-il, comme ce propriétaire chinois d’un Airbnb de rêve, un chalet design et écolo avec une vue époustouflante sur les montagnes environnantes et qui, malgré des prix astronomiques, affiche complet toute l’année. Comprendre : les responsables politiques locaux doivent favoriser ce type de réussite.
Pragmatisme et résilience du PCC
Fin de la visite. Le message est clair : les 10 000 cadres chinois qui, chaque année, ont le privilège de passer quelques mois dans le superbe campus de plus de 110 hectares de l’Ecole du parti, à l’ouest de Pékin, sont là pour améliorer le sort concret de leurs compatriotes en s’inspirant certes de « la pensée de Xi Jinping », inscrite dans la Constitution chinoise en mars 2018, mais aussi de ce qui se fait dans le reste du monde. Un pragmatisme affiché qui constitue sans doute l’une des clés de la résilience du PCC.
Celui-ci va célébrer en grande pompe, le 1er octobre, les 70 ans de son arrivée au pouvoir et s’apprête, selon toute probabilité, à battre les records de longévité du Parti communiste de l’Union soviétique (74 ans) et du Parti révolutionnaire institutionnel mexicain (71 ans). Le président chinois, également secrétaire général du PCC, s’est déjà rendu à cinquante-neuf reprises dans cette Ecole centrale du parti, qui a ses déclinaisons dans les différentes provinces. Son dernier discours, le 3 septembre, a marqué les esprits : il y a prononcé le mot « lutte » pas moins de cinquante-trois fois.
Il ne faut donc pas s’étonner, en traversant le campus, de tomber sur un cygne noir, glissant sur un superbe lac. Pour Xi Jinping, qui, lors d’un discours en janvier, mit en garde contre tout événement négatif imprévisible (un cygne noir), mais aussi tout danger connu auquel on n’aurait pas suffisamment prêté attention (un rhinocéros gris), la menace ne vient pas seulement de l’extérieur. Elle est au cœur même du parti.
« Avec Xi, on renoue avec cette extrême vigilance qui a été une caractéristique fondamentale du PCC tout au long de son histoire, empêcher quiconque de le déloger du pouvoir »
Michel Bonnin, sinologue et historien
A peine désigné secrétaire général, en 2012, Xi fait la leçon à ses camarades. « Pourquoi est-ce que l’Union soviétique s’est désintégrée ? Pourquoi est-ce que le Parti communiste soviétique s’est effondré ? C’est une leçon profonde pour nous (…) Proportionnellement, le Parti communiste de l’Union soviétique avait plus d’adhérents que nous, mais personne n’a eu le cran d’être un homme, de se lever et de résister », déclare-t-il.
« La leçon tirée de l’URSS par la direction actuelle, c’est que, dès qu’on remet en cause les principes de base du monopole du pouvoir au parti, en laissant entrevoir des libertés politiques ou plus de transparence, on est perdant, explique le sinologue et historien Michel Bonnin. Avec Xi et son appel constant à préparer le combat, on renoue avec cette extrême vigilance qui a été une caractéristique fondamentale du PCC tout au long de son histoire, empêcher quiconque de le déloger du pouvoir. »
Aucune vache sacrée
Xi Jinping ne cesse donc de mettre le parti sous tension. Bien sûr, il y a la guerre féroce menée contre la corruption et les innombrables officiels jetés en prison du jour au lendemain pour des motifs souvent obscurs. Mais, au-delà, la reprise en main du PCC est généralisée : ces passeports que nombre de cadres doivent désormais rendre à l’administration, ces voyages à l’étranger réduits à quatre jours au maximum, cette obligation de consulter régulièrement l’application « Etudier Xi, rendre le pays plus fort » sur son portable… Il n’y a aucune vache sacrée. Même l’Ecole centrale du parti va prochainement recevoir la visite des inspecteurs redoutés de l’anticorruption.
Depuis juin, les 90 millions de membres du PCC ont l’ordre de réfléchir à un nouveau mantra : « Rester fidèle à l’engagement initial. Garder toujours à l’esprit la mission. » Un énième slogan néomaoïste à ranger dans les tiroirs ? Bien au contraire. En septembre, les diplomates occidentaux ont découvert avec stupéfaction qu’aucun fonctionnaire du ministère des affaires étrangères n’avait été autorisé à partir en vacances cet été. Chacun a dû réfléchir à ce que ce slogan signifiait pour lui.
De même, les dirigeants des entreprises publiques ont, tous, dû procéder à leur autocritique. « Et ceux qui se sont contentés de formules creuses ont dû revoir leur copie », témoigne le représentant à Pékin d’une entreprise européenne.
L’obligation faite aux journalistes chinois de réussir un test sur la pensée de Xi Jinping s’ils veulent que leur carte de presse soit renouvelée l’année prochaine résulte de la même logique. Pour Xi Jinping, en raison même de son succès, le PCC est en danger, menacé par des Occidentaux, qui, de Donald Trump aux militants des droits de l’homme, en passant par la presse, les Eglises chrétiennes et ces jeunes Hongkongais entraînés dans une « révolution de couleur » aux portes de la Chine, veulent remettre son modèle en question. Face à ces menaces, le parti doit donc être exemplaire et serrer les rangs derrière son chef.
A ce contrôle incessant qui doit faire grincer bien des dents parmi les 90 millions d’adhérents se superpose une véritable gestion des compétences, autre clé de la résilience du PCC.
« Le PCC assume le fait de ne plus être un parti révolutionnaire mais de faire de la gouvernance, analyse Alex Payette, un universitaire canadien, fondateur du groupe Cercius, spécialisé sur la Chine. Les fonctionnaires doivent non seulement être dans la droite ligne mais aussi réussir leurs examens s’ils veulent faire carrière. Le PCC vient d’ailleurs de mettre au jour de nouveaux mécanismes de sélection des cadres. Celui actuellement en place date de 2010. Les promotions vont être précédées d’enquêtes encore plus poussées qu’avant. Sans doute pour éviter que ne se recréent, au niveau local, des cliques que l’on a souhaité faire disparaître. »
Flagornerie
Les témoignages sur la compétence accrue des fonctionnaires abondent. « Il y a cinq ans, j’avais affaire à des bureaucrates qui n’y connaissaient rien mais me donnaient leur feu vert. Aujourd’hui, j’ai face à moi des jeunes qui ont fait leurs études aux Etats-Unis, connaissent la musique contemporaine sur le bout des doigts mais m’empêchent d’organiser le moindre concert », explique un producteur de spectacles qui songe sérieusement à se reconvertir.
« Quand je vois les CV de responsables dans les provinces chinoises et que je les compare avec ceux des régions européennes, je constate que le bilan n’est pas en notre faveur », s’inquiète un diplomate européen. Mais les conséquences ne vont pas toujours dans le sens escompté. Les efforts de Xi Jinping pour instiller la discipline chez les membres du parti en distribuant les sanctions à tout-va ont aussi des effets pervers : ils favorisent la flagornerie, tétanisent les bureaucrates et découragent l’esprit critique et d’innovation.
Critère de l’efficacité du PCC : la réponse aux besoins de la population et le contrôle de celle-ci afin de prévenir tout conflit. « Si le parti parvient à se maintenir au pouvoir si longtemps, c’est parce que son appareil de propagande sait parfaitement quelles sont les attentes de la population et parce qu’il a été capable de créer des règles et de générer du droit, ce qui lui permet de répondre à des besoins collectifs et de créer de la croissance économique. Ce faisant, de larges segments de la population adhèrent au projet de l’Etat-parti », estime Alex Payette.
Signe de cette écoute, Xi Jinping lui-même a pris en charge, depuis 2015, un dossier on ne peut plus sérieux : la modernisation des toilettes publiques dans tout le pays. Sans doute parce que la propagande avait identifié, là, une source de mécontentement populaire. Qu’il s’agisse de lieux touristiques ou de certains quartiers, y compris dans la capitale, où les habitants n’ont pas encore de W.-C. chez eux et doivent donc se rendre dans les toilettes publiques.
Les « incidents de masse »
Car, évidemment, les tensions sociales n’ont pas disparu. Même si leur nombre n’est plus publié officiellement depuis 2010, les « incidents de masse », c’est-à-dire des conflits et manifestations qui impliquent un grand nombre de citoyens, parfois des milliers, restent nombreux. Il y en aurait près de 150 000 par an, selon une évaluation de sociologues respectés de Pékin.
« L’administration est capable d’amortir le choc grâce à son appareil policier high-tech et à son usage de l’intelligence artificielle. Cela permet à l’Etat policier d’éviter que les incidents locaux ne dégénèrent en crises au niveau national, juge Willy Lam, expert de la politique chinoise à l’université chinoise de Hongkong, auteur de The Fight for China’s Future (« la bataille pour l’avenir de la Chine », Routledge, non traduit). Mais il y a des fissures dans l’armure. Xi a beau avoir détruit les églises, il devrait y avoir, dans moins de dix ans, plus de chrétiens en Chine que de membres du PCC, poursuit-il. La société civile survit, malgré une répression sans précédent. Ses membres attendent que Xi fasse une grave erreur, soit sur le plan intérieur, soit sur le plan international, comme une invasion militaire à Taïwan, qui serait mal conçue et échouerait. »
Bien moins virulente et organisée qu’elle ne l’était avant 2013, rendue K.-O. par les arrestations de masse, la société civile n’occupe plus que quelques niches : « Ce qui a disparu sous Xi, c’est la capacité pour la société civile de négocier plus d’espace en s’appuyant sur la Constitution, en disant que le droit est au-dessus du parti et devrait limiter son pouvoir. C’était l’ambition du mouvement de défense des droits né en 2003, de démocratiser la Chine grâce aux mobilisations juridiques. Les arrestations d’avocats et de militants entre 2013 et 2015 y ont mis un coup d’arrêt brutal », explique la sinologue Chloé Froissart, qui travaille sur les mobilisations et la participation politique dans un régime autoritaire.
« Mais le processus de négociation entre le régime autoritaire et la société n’a pas entièrement été remis en cause, malgré les réflexes totalitaires qui se manifestent. Car le parti a besoin des ONG et de l’apport de la société. Dans le domaine de l’environnement, qui est une priorité du régime, on constate que les ONG participent à la fabrique de la loi, en tant qu’expertes et représentantes de l’opinion publique », poursuit-elle.
La plupart des protestations en Chine ne remettent pas en cause le régime, rappelle Chloé Froissart : elles demandent juste l’application des lois, critiquent des abus locaux et ont un rôle dans le fonctionnement du régime, en lui permettant de regagner le contrôle sur les fonctionnaires locaux.
Augmentation du niveau de vie
Si les Occidentaux mettent souvent en avant l’absence de libertés publiques en Chine, nombre de Chinois sont davantage sensibles à l’augmentation spectaculaire de leur niveau de vie par rapport aux générations antérieures, mais aussi à toutes sortes de libertés nouvelles. Déjà, en 2010, dans son best-seller The Party (non traduit), Richard McGregor, ancien correspondant du Financial Times à Pékin, notait que « l’une après l’autre, toutes sortes de choses qui autrefois nécessitaient l’approbation du parti – où vous viviez, travailliez, étudiez, combien vous gagniez, quel docteur vous consultiez, qui vous épousiez, à quel moment vous fondiez une famille, où vous faisiez vos courses et ce que vous pouviez acheter, où et quand vous voyagiez et avec qui – sont devenues l’objet de choix personnels pour les Chinois habitant en ville. Tout ce dont vous avez besoin, c’est de l’argent pour payer. »
De 1949 à 1979, seuls 200 000 Chinois ont été autorisés à voyager à l’étranger. Ils étaient 9 millions en 1999, 57 millions en 2010 et seront près de 150 millions cette année. En ce soixante-dixième anniversaire d’occupation du pouvoir, le parti fonde sa légitimité sur ses succès économiques et ses réformes sociétales.
« Quand on compare avec l’URSS, on constate que les dirigeants chinois ont été d’une rigidité absolue sur la politique, mais très souples sur l’économie. C’est la clé de la longévité du régime », explique Michel Bonnin.
Le PCC annoncera très vraisemblablement dès l’année prochaine – un an avant le centenaire de la création du Parti communiste en 2021 – avoir vaincu la grande pauvreté. Dans ce pays où l’on a longtemps dû se contenter d’un bol de riz, « l’obésité est devenue le symbole de la richesse », constatait récemment Le Quotidien du peuple, organe du parti.
« L’équilibre autoritaire »
Dans Demain la Chine, démocratie ou dictature ? (Gallimard, 2018), l’un des ouvrages qui analysent le plus en profondeur les fondements de ce qu’il appelle « l’équilibre autoritaire » du régime chinois, le sinologue Jean-Pierre Cabestan incite à se méfier du raisonnement selon lequel « une récession, une crise économique ou sociale, pourrait atteindre et remettre en question la légitimité du régime ». L’Etat-parti a besoin, écrit-il, « d’un taux de croissance minimal, sans doute d’ailleurs autour de 3 %-5 % et non pas 7 %, pour apporter la prospérité moyenne qu’il a promise pour 2021 et, plus prosaïquement, être en mesure de poursuivre la mise en place des divers programmes sociaux qu’il a engagée – assurance-santé et chômage, retraites, construction de logements à loyer modéré, etc. ».
Mais, surtout, il peut se prévaloir, outre l’amélioration du niveau de vie moyen des Chinois, « de deux autres sources essentielles de légitimité : sa capacité, d’une part, à maintenir la stabilité et la sécurité de la société et, d’autre part, à incarner les intérêts nationaux du pays, bref à revendiquer le monopole du nationalisme chinois ».
Promu dès l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013, le « rêve de grande renaissance » de la nation chinoise qu’il promet, et que la propagande présente comme un projet collectif quasi sacré, flatte les aspirations de nombreux Chinois.
Or, dans ce domaine, la Chine n’en fait-elle pas trop ? Depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir, la discrétion de Pékin sur la scène internationale chère à Deng Xiaoping n’est plus de mise. La Chine veut devenir la première puissance mondiale en 2049, date du centenaire de la révolution maoïste. Des ambitions qui inquiètent jusque dans les milieux dirigeants.
« Je me souviens encore que, lors du meeting du G20 à Hangzhou [Est], en 2016, tous, responsables politiques comme universitaires [chinois], disaient que la Chine détenait la médecine pour soigner les maux économiques du monde. Je me souviens de ce sentiment que (…) toutes les nations étaient en déclin et que nous étions seuls à progresser », écrivait Luo Jianbo, directeur du centre de la politique étrangère à l’Ecole centrale du parti, en septembre 2017, dans un essai publié sur les réseaux sociaux. A ses yeux, la Chine fait preuve du « même optimisme aveugle » que lors du Grand Bond en avant, ce projet de Mao qui visait à « dépasser la Grande-Bretagne et l’Amérique » et qui s’est traduit, à la fin des années 1950, par une famine sans précédent.
« Le pouvoir est au bout du fusil »
La guerre commerciale lancée par Donald Trump lui donnera-t-elle raison ? En 2001, un juriste américain d’origine chinoise, Gordon Chang, publiait un essai qui allait rapidement devenir un best-seller : The Coming Collapse of China (« l’effondrement prochain de la Chine », non traduit). Dans les cinq ans, dix ans tout au plus, le régime allait s’écrouler sous le poids de ses contradictions, prédisait-il.
Pour les « faucons » américains, comme Peter Navarro, conseiller de Donald Trump pour le commerce, la Chine n’a été sauvée que grâce à son entrée, en 2001, dans l’Organisation mondiale du commerce, ce qui lui a permis de maintenir une politique protectionniste tout en bénéficiant de l’accès aux marchés occidentaux.
« En Chine, la durée de vie moyenne d’un pouvoir centralisé à travers l’histoire a été de 171 ans »
Wu Si, un ancien journaliste
Les mêmes qui prévoyaient la chute de la Chine s’inquiètent aujourd’hui de sa toute-puissance. Donald Trump qualifie Pékin de « menace pour le monde » et un autre de ses conseillers, Michael Pillsbury, est surtout célèbre pour avoir publié, en 2015, The Hundred-Year Marathon. China’s Secret Strategy to Replace America as the Global Superpower (« le marathon de cent ans. La stratégie secrète de la Chine pour remplacer l’Amérique comme superpuissance mondiale », non traduit).
Plus personne à Washington ne se risque à penser que la Chine communiste va connaître le même destin que l’Union soviétique. « En Chine, la durée de vie moyenne d’un pouvoir centralisé à travers l’histoire a été de 171 ans », fait remarquer Wu Si, un ancien journaliste qui a présidé l’institut économique indépendant Unirule jusqu’à ce que celui-ci soit contraint de mettre la clé sous la porte cet été.
Selon lui, si le PCC est parvenu à se maintenir au pouvoir toutes ces années, c’est parce qu’il a changé. « Ce n’est plus le même parti. Dans un premier temps, ils ont éliminé les capitalistes mais ils sont allés trop loin avec la Révolution culturelle [1966-1976]. Et maintenant, ils réadmettent les capitalistes, au sein même du parti. Ce qui ne change pas, c’est que le Parti communiste continue de s’appuyer sur l’armée. “Le pouvoir est au bout du fusil”, disait Mao. C’est toujours le cas. » En plus d’être secrétaire général du parti, Xi Jinping est aussi président de la Commission militaire centrale, l’organe suprême de contrôle de l’armée.
Syndrome du « mauvais empereur »
Certes, la suppression par Xi Jinping et ses partisans de la limite du double mandat pour le président chinois lors du XIXe congrès a provoqué un choc en Chine – et un retour de scepticisme chez de nombreux observateurs étrangers de la Chine.
En se privant d’une alternance au sommet qui rendait plus dynamique son système autoritaire, la Chine serait guettée désormais par le syndrome du « mauvais empereur », écrit alors l’historien des idées Francis Fukuyama dans le Washington Post. Le pays redeviendrait tributaire d’un pouvoir personnel, comme sous Mao. Xi Jinping n’a pas encore de successeur désigné, rompant avec la pratique institutionnalisée par Deng Xiaoping.
« Le processus de succession est devenu mystérieux », pointe l’intellectuel Wu Si. Mais, selon lui, toute comparaison avec l’ère maoïste est erronée. « A la différence de Mao, Xi Jinping sait que le communisme ne fonctionne pas, mais sa ligne n’est pas si claire : il donne des gages à la fois à la droite et à la gauche du spectre politique chinois, tout en redoublant de prudence car il sait que les Occidentaux veulent qu’il change le système économique centralisé sur lequel repose le succès du pays », poursuit-il.
La Chine célèbre sa puissance et sa grandeur
A Pékin, les préparatifs de la fête du 1er octobre et du défilé militaire qui l’accompagne ont donné lieu à des mesures drastiques de sécurité, à la hauteur de la solennité de l’événement et de sa symbolique : la Chine célèbre sa puissance et sa grandeur. Et tout doit être d’autant plus chorégraphié et parfait à Pékin que, à Hongkong, les manifestants ont bien l’intention de jouer les trublions avec le drapeau chinois comme ils l’ont fait à plusieurs reprises depuis plus de trois mois qu’ils sont mobilisés, en un pied de nez répété à M. Xi.
« De manière générale, les Chinois soutiennent leur régime politique et reconnaissent la légitimité des institutions qu’il a mises en place : le parti, le gouvernement, l’Assemblée nationale populaire et l’Armée populaire de libération. Ils font confiance et s’identifient à ces institutions ainsi qu’à leurs symboles, comme le drapeau national », explique Jean-Pierre Cabestan dans son livre.
Selon lui, la Chine a toutes les chances d’évoluer lors des vingt ou trente prochaines années « vers un régime encore largement autoritaire, élitiste, paternaliste et impérial. Le PCC continuera d’alterner les périodes de durcissement et de relâchement politiques mais refusera de proposer une quelconque sortie du système actuel ».
Frédéric Lemaître et Brice Pedroletti