Il aura fallu que parents d’élèves et enseignants de l’école Marie-Curie de Bobigny maintiennent la pression pour que, lundi 12 février, la préfecture de Seine-Saint-Denis accorde un titre de séjour à Arulappu Jude-Mariyathas, Sri-lankais menacé d’expulsion, père de trois enfants dont un atteint d’un syndrome de Lyell, souffrant de graves séquelles pulmonaires et en attente d’une greffe.
Si l’administration a ici fini par prendre en compte la gravité de la madadie de l’enfant, les associations membres de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) s’inquiètent des menaces d’expulsion qui pèsent de plus en plus sur les étrangers malades : en un mois, trois d’entre eux ont été renvoyés dans leur pays contre l’avis des médecins inspecteurs de santé publique, a constaté la Cimade.
Le 3 janvier, un Comorien était expulsé alors que le médecin-inspecteur saisi par le service médical du centre de rétention du Mesnil-Amelot, où il était retenu, avait alerté la préfecture de Seine-et-Marne des conséquences que son renvoi pourrait entraîner, le traitement nécessaire à son état de santé étant inaccessible aux Comores. Le 27 janvier, puis le 2 février, c’était au tour de deux Géorgiens, en dépit des mises en garde du médecin-inspecteur. L’un, séropositif, était atteint d’une hépatite active. Mais la préfecture, affirmant s’appuyer sur une information attestant de l’existence d’antirétroviraux en Géorgie et de leur accessibilité gratuite, a maintenu sa décision de le renvoyer.
« Pourtant, comme nous l’a confirmé, dans les heures qui ont suivi, une personne de Médecins du monde présente en Géorgie, le médicament est manifestement difficile à trouver et, non pris en charge par l’Etat, il coûte très cher, souligne Marie Henocq, de la Cimade. La préfecture ne s’est ainsi souciée ni de l’accès effectif que ce monsieur aurait au traitement, ni des conséquences de la rupture du traitement en cours. »
« APPLICATION TRÈS OFFICIEUSE »
Pour Arnaud Weisse du Comité médical pour les exilés (Comede), on assiste à « une application très officieuse » de la circulaire à laquelle le gouvernement a dû renoncer à l’automne 2006, sous la pression des associations. Ce projet de texte durcissait les conditions de régularisations des personnes dont l’état de santé nécessite des soins, et donnait, en la matière, plus de latitude aux préfets.
Alors que la loi pose un principe d’accessibilité « effective » aux soins, il prévoyait qu’à partir du moment où « le traitement existe dans la capitale ou au moins dans une ville du pays (d’origine) », le malade ne devrait plus être régularisé : peu importait que le médicament coûte trop cher, qu’il soit disponible en trop petite quantité ou dans un endroit éloigné. Pour décider du sort des patients, les médecins-inspecteurs (dont 65,2 % des avis sont aujourd’hui positifs) et les préfets devaient s’appuyer sur une liste indiquant l’existence du traitement dans chaque pays.
« Le gouvernement actuel délivre beaucoup plus de cartes d’étranger malade (6 307 hors renouvellement en 2005) que ne le faisait le précédent », fait valoir l’entourage du ministre de l’intérieur, tout en rappelant que « le préfet n’est pas tenu de suivre l’avis du médecin-inspecteur ». Reste que, « jusqu’alors, à 99 %, pour ne pas dire 100 %, les préfets suivaient l’avis des médecins », souligne M. Weisse.